07 · Pouvoir et politique

Lorsque les hommes du Gondor arrivèrent pour la première fois au Calenardhon, ils ne trouvèrent pas la région complètement vide d’habitants, il y avait des hommes dans les prairies et les vallées des montagnes. Certains, surtout des Dunlandais, s’étaient tournés depuis longtemps vers le Mal, soit en adorant le Seigneur Ténébreux et son Trône, soit en tolérant les membres de cette religion ; ces hommes combattirent le Gondor et furent tués ou repoussés. D’autres encore, comme les Hommes du Nord, qui se considéraient comme parents lointains des Gondoriens, se souvenaient de la cruelle avidité avec laquelle les Númenóréens avaient assis leur pouvoir lors de leurs tractations avec les Humains inférieurs des Terres du Milieu, avant la Chute, commencèrent par craindre les Hommes du Gondor. Mais ils furent rapidement conquis par l’amour et la courtoisie des Fidèles envers ceux qui combattaient Sauron. Acceptant, sans querelle, la supériorité d’hommes qui faisaient remonter leur généalogie au-delà de la Mer, les Hommes Communs voulurent adopter le mode de vie des Hommes du Haut et ils apprirent avec avidité tout ce que leur enseignèrent les hommes du Gondor. C’est ainsi que les races se réunirent, la majeure et les mineures se réjouissant toutes de cette union, jusqu’au jour où elles ne devinrent qu’un seul peuple, les Calenardhoniens, heureux de vivre dans leurs prairies d’au-delà des montagnes et loin dé la Mer, mais non séparés des habitants des Provinces Méridionales, car tous les hommes étaient les féaux du Roi.

Le Roi est la source de tout pouvoir, militaire et civil, au Calenardhon. La province n’a jamais été octroyée à un grand seigneur et le Calenardhon est trop loin de la Mer pour que ces nobles puissent vouloir le convoiter. Le Roi nomme lui-même les commandants de forteresses qui protègent la Grande Route Ouest et les Marches. Les Commandants Royaux sont nommés pour un nombre d’années indéfini ; ils servent aussi longtemps qu’il plait au Roi de les maintenir dans leur fonction et ils peuvent être rappelés à tout instant. Ce sont généralement des hommes dotés d’un bon lignage, mais pas parmi les plus hauts venus des Provinces du Sud, souvent aussi ce sont des Calenardhoniens. Les commandants nommés au Calenardhon sont des hommes qui ont gagné leur expérience militaire à la suite de longues années de service dans l’armée ou la marine du Gondor, mais en aucun cas le commandement n’est héréditaire ; ainsi, le pouvoir militaire est séparé du pouvoir civil dans les prairies du Calenardhon.
Cette séparation des pouvoirs dans cette région n’est pas la norme dans le Royaume du Gondor. Elle naquit ainsi : au cours des premiers siècles du Troisième Âge, lorsque la présence du Gondor se limitait à une petite chaîne de forts le long de la Grande Route Ouest et au Bas-Fond Sud, il n’y avait pas assez d’habitants pour que le cumul des fonctions civiles et militaires sous l’autorité d’une seule personne soit efficace. À cette époque, les garnisons étaient toutes importées. Plus tard, après que la province ait été plus densément peuplée, il n’y avait aucun besoin de cette union, car les frontières avaient été repoussées grâce aux conquêtes de Rómendacil sur les Orientais en 3A 500 qui transformèrent le Calenardhon en une paisible base arrière, plus tard l’attention du Royaume fut entièrement tournée vers la Mer.
Au Calenardhon, le pouvoir civil émane directement du peuple. Sa révérence envers la lignée d’Elros et pour les héritiers d’Anárion est la conséquence naturelle de son orgueil envers ce lignage et de sa fierté d’appartenir à ce peuple. Les descendants des Fidèles qui vinrent au Calenardhon, bien que n’étant pas de lignée exaltée, étaient clairement supérieurs aux Humains ordinaires. Ils étaient plus grands, vivaient plus longtemps, possédaient une étrange lueur dans leurs yeux et leur civilisation et leur technologie étaient les plus avancées. Au début, ils ressemblaient plus aux Eldar qu’aux hommes ordinaires et étaient des chefs nés. Même après que des mariages entre les deux peuples, et des centaines d’années de cohabitation, aient brouillé les différences entre les héritiers de Númenór et les hommes ordinaires, ils sont restés les maîtres et le peuple compte toujours sur eux.
Pour être sûr de ne rencontrer aucune résistance active au Calenardhon, Castamir nomma les commandants, et leurs garnisons, à de nouvelles affectations dans le Sud. Il les remplaça par ses propres hommes, soldats et marins d’Umbar et de Pelargir, des hommes qui avaient combattu à ses côtés lors de la Lutte Fratricide ; il quadrupla également la taille des garnisons. Ceci fait, Castamir découpa le Calenardhon en trois fiefs et les octroya à trois capitaines qui s’étaient vaillamment battus pour lui ouvrir la voie du trône. Alandur reçut Calmirië et l’Estfolde (il était son second cousin). L’Estemnet, Tir-Anduin et les forts de l’Emyn Muil furent octroyés à Sorondothor, un homme originaire d’Umbar. La forteresse d’Aglarond et l’Ouestfolde furent confiés à Finlong, autre favori de Castamir.
Ces nouveaux seigneurs apportèrent la richesse et la splendeur du Sud au Calenardhon ; ils apportèrent également un nouveau type de gouvernement imposé par la force et des lois destinées à briser le peuple de la province. Pour la première fois dans son histoire, le Calenardhon fut gouverné — et gouverné par une main de fer — par un pouvoir étranger.
Si Castamir s’était montré un souverain sage et avisé, les choses se seraient probablement arrangées au cours de son règne ; malheureusement, il ne vivait que pour sa Flotte, les croisières et les conquêtes de nouveaux territoires dans le Sud. En partie pour punir le Calenardhon de son hostilité à son égard lors de la Lutte Fratricide et en partie pour enrichir la Flotte, Castamir tripla les impôts et exigea leur paiement en espèces. Après quelques années, il commença à faire des plans pour le transfert de la capitale d’Osgiliath à Pelargir.
La Lutte Fratricide

La longue ère de paix et d’harmonie prit brusquement fin avec l’accession au trône d’Eldacar en 1435. L’orgueil cruel et funeste qui avait amené la ruine sur les Númenóréens dans le passé, causa une ruineuse guerre civile qui troubla tout le royaume pendant des années. Valacar, le père d’Eldacar, avait épousé Vidumavi, une princesse du Rhovanion. C’était la première fois que l’héritier du trône du Gondor se mariait en dehors de la lignée d’Elros.
Les Grands Seigneurs des Provinces Méridionales refusèrent de reconnaître le fils de Vidumavi, Eldacar, à cause non seulement de son sang en partie Septentrional, mais aussi parce qu’il n’avait jamais vu la Mer. Se ralliant sous la bannière de Castamir, Prince et Capitaine des Vaisseaux, les seigneurs rebelles (la majorité venant de Pelargir et d’Umbar) attaquèrent Osgiliath par terre et par l’Anduin. Les familles furent divisées dans leur loyauté et de nombreux hommes braves moururent des deux côtés. La cité tomba après un long siège. Le Palantír d’Osgiliath disparut lors de l’incendie de la cité qu’ordonna Castamir ; Eldacar réussit, malgré tout, à se réfugier au Rhovanion chez le peuple de sa mère.
Usurpateur cruel et sans scrupule, Castamir agit rapidement pour asseoir son pouvoir. Il ne montra aucune pitié pour ceux qui avaient pris les armes pour Eldacar ; il en exécuta beaucoup et dépouilla les autres. Il plaça ses hommes aux principaux leviers de commande. Après s’être emparé du pouvoir, Castamir envoya son armée au Calenardhon (qui s’était déclaré en faveur d’Eldacar, lui fournissant hommes, navires et approvisionnement en Osgiliath durant le conflit) pour « pacifier » la province.
Il n’y eut que peu de résistance au début. La majorité des partisans d’Eldacar, les plus en vue, l’avaient rejoint au Rhovanion. Les autres — ceux qui n’avaient pas combattu dans le Sud — attendaient de voir ce que ferait le nouveau Roi. Au début, beaucoup espéraient des changements bénéfiques. Ils croyaient que la situation reviendrait à un état de « statu quo ante ». Les Grands Seigneurs du Sud arrangeaient tout à leur avantage ; tandis qu’au Calenardhon les céréales poussaient, les moutons étaient prêts pour la tonte, Osgiliath et le nouveau Roi semblaient bien loin.
Et les choses en apparence se passaient ainsi, mais Alandur possède le secret d’un certain type d’encens du Sud, préparé à partir de fleurs de la jungle qui, lorsqu’il est brûlé dans une pièce ou sous une tente, délie la langue des hommes et rend impossible la conservation du moindre secret. Mais Alandur est très prudent quant à l’utilisation de cet encens et il préfère souvent, par l’intermédiaire de son épouse, soutirer des informations aux autres femmes de la province. Il récompense bien ses informateurs, en secret, car les gens deviendraient soupçonneux, mais avec subtilité de façon à ce que ses hommes, par ailleurs tous d’honnêtes personnes, puissent avancer en estime et en prospérité. Leur conscience, qui pourrait les troubler, est calmée en partie par le charme d’Alandur et aussi parce qu’il semble ne tirer aucun parti des informations récoltées sur les ennemis du Roi. Au contraire même, il semble les honorer et les invite à ses réceptions.
Cela est dû au fait qu’Alandur pense que tuer des gens, au mépris de la loi, est une brèche dans l’édifice social par laquelle peut passer une certaine hostilité dans la province. Il préfère empoisonner les gens — à regret, si cela s’avère nécessaire — lorsqu’ils viennent dîner chez lui. Il utilise deux poisons subtils à l’action lente. Le premier, le juth s’attaque à l’esprit quelques semaines après son absorption. Les effets sont lents à se déclarer et les premiers symptômes apparaissent sous la forme d’incidents isolés révélant d’étranges comportements. Ces incidents se multiplient peu à peu jusqu’à ce qu’il devienne évident que la personne a perdu la raison. Le second poison, le slota, agit sur la moelle épinière causant une paralysie qui s’intensifie lentement ; elle commence par attaquer les jambes et progresse jusqu’à atteindre le cœur, ce qui cause la mort. Les premiers symptômes apparaissent sur les doigts de pied 3 ou 4 jours après l’absorption, ceci dépendant de la vitalité de la victime. Les effets du slota sont irréversibles, car centrés sur le système nerveux et entraînent la mort de l’individu touché, parfois au bout de deux mois.
Henderch, le sénéchal, est un homme puissant aux bras de gorille et portant une longue barbe noire. Originaire d’Umbar, Henderch a accompagné Alandur lors de tous ses voyages dans le Sud, s’élevant du rang de simple matelot jusqu’à la situation de commandant en second d’Alandur. Henderch méprise Calmirië, car c’est une cité de l’intérieur des terres et parce que les hivers y sont froids ; il est entièrement dévoué aux intérêts d’Alandur. C’est un adepte de l’épée large et est également un archer de première force ; il porte toujours sur lui une dague enduite de poison et un corselet en Mithril sous ses vêtements. Si quelqu’un émet des réserves sur les nouveaux impôts du Roi Castamir ou sur ses méthodes de perception, Henderch, qui est un assassin jovial méprisant tous les hobereaux, l’encouragera à en parler à Alandur lors d’un dîner. Henderch assure qu’Alandur prête toujours l’oreille aux doléances. Sa charge de sénéchal exige de lui qu’il parcoure la province. Il est toujours accompagné de cinq archers à cheval et de cinq lanciers lourds ainsi que de son gros chien, Sournois, qui est dressé pour l’attaque.
Henderch aime boire dans les tavernes et son œil s’attarde souvent sur les dames. Il possède un appartement à la Taverne du Taureau et de l’Ours à Calmirië et l’on dit qu’il est amoureux d’Astrith, fille d’un noble campagnard.
Calmirië et l’Estfolde
Castamir octroya Calmirië et toutes les terres à l’ouest de l’Entévière à Alandur, un grand marin blond de Pelargir, pour le récompenser de ses services au cours de la Lutte Fratricide (Alandur commandait la force des marins qui ont pris d’assaut les portes d’Osgiliath lors de l’attaque finale). Il a fait trois voyages dans les terres du Sud aux côtés de Castamir, à qui il a donné sa totale loyauté. C’est à cette époque et au cours de ces voyages qu’il a appris tout ce qu’il sait sur les poisons ; il se bat d’ailleurs toujours avec une épée enduite d’une substance mortelle.
Alandur fit agrandir la forteresse de Calmirië dans les flancs de la montagne et au-dessus de la ville et s’y fit construire un palais en marbre. Sa garde personnelle, composée de Suderons coiffés de turbans et armés de cimeterres, étonne toute la ville. Affable, souriant, plaisant et diplomate de haut lignage, Alandur a adapté rapidement le gouvernement de son domaine à ses intérêts. Administrateur capable, il a tout fait pour réconcilier les Calenardhoniens avec leur nouvelle administration. Il a nommé deux de ses lieutenants, les plus dignes de confiance, comme gouverneurs de l’Estfolde et d’Onodrith ; indolent par nature, il a abandonné tout le travail déplaisant, comme la perception de lourdes taxes, à ces hommes et à son sénéchal, Henderch. Alandur passe le plus clair de son temps à la chasse au faucon qui est la seule activité semblant lui faire oublier, pour quelque temps, la Mer. Il fait deux fois par an le tour de la province, surveillant l’administration de ses terres et se familiarisant avec le peuple qu’il gouverne.
Alandur et Saranelda, sa magnifique épouse à la chevelure brune, sont célèbres pour leur somptueuse hospitalité. Les voyageurs sont toujours les bienvenus à leur table et Alandur prend soin d’inviter tous les hommes importants de la province à dîner dans son palais en marbre lorsque leurs affaires les amènent à Calmirië. Il fait clairement comprendre qu’il espère le même accueil et la même courtoisie lors de ses tournées d’inspection, quel que soit le motif de sa visite et même si c’est uniquement pour le plaisir de chasser dans cette partie de son domaine.
Les taxes, déclare Alandur, ont été levées par le Roi, pour le bien du Royaume et il est du devoir de tout honnête homme de les payer. Malgré tout, si quelqu’un se présente à son palais avec une plainte justifiée, Alandur fait ce qu’il peut pour alléger ses impôts allant jusqu’à annuler une partie des taxes dues dans l’année courante.
C’est ainsi qu’Alandur a rapidement gagné le respect de nombre de Calenardhoniens. Le peuple du Calenardhon et surtout de Calmirië est fasciné par la splendeur des manières de leur nouveau seigneur ; les invitations à ses réceptions et à ses chasses sont très prisées. Alandur semble se confier à beaucoup de gens ; il insinue que le Roi allégerait sûrement les impôts de la région jusqu’à leur niveau antérieur si la loyauté du Calenardhon lui était assurée. Hélas, Alandur sait qu’il y a beaucoup de gens qui doutent de leur nouveau Roi, nombre d’entre elles étant toujours des alliés d’Eldacar. Cela ne veut pas dire qu’il souhaite punir ces hommes ; au contraire, il voudrait avoir une chance de les convaincre qu’en apportant leur soutien à Castamir, ils feraient beaucoup pour le bien commun. Il est clair, assure Alandur, que quiconque l’aiderait à maintenir la province selon le vau de Castamir serait récompensé. Avant la fin de la première année, Alandur disposait d’un réseau de plusieurs « espions » et il semble que personne ne peut s’empêcher de lui dire la vérité.
Onodrith et la rivière
Onodrith, qui est une partie du fief d’Alandur, est une épine considérable pour Henderch. Il y existe, ainsi que chez les bateliers de la rivière, une nette hostilité envers le nouveau Roi, essentiellement parce que Castamir, voulant punir ces derniers d’avoir approvisionné Osgiliath durant la guerre, envoya un fort détachement de soldats qui remontèrent la rive droite de la rivière avec l’ordre de détruire toutes les embarcations qu’ils pourraient trouver. Plus de la moitié furent brûlées durant ce raid et de nombreux bateliers furent tués. Pour envenimer les choses, Castamir institua une nouvelle taxe sur les licences des navires (1 po par an) et une autre taxe sur le bois employé pour la construction des embarcations (5 po). Une douane fut construite, à 5 km en amont des fondrières, où les bateliers devaient non seulement payer une nouvelle taxe sur les marchandises qu’ils transportaient, mais aussi un droit de passage à chaque montée et descente de la rivière.
Bien qu’Alandur ait fait tout ce qu’il a pu pour gagner la confiance des bateliers, en leur disant par exemple que lui aussi vivait de l’eau, rien ne pouvait leur faire oublier que Castamir avait ordonné de brûler leurs navires. Leurs cœurs étaient tournés contre le nouveau Roi.
Alandur nomma Telfar, le neveu de sa femme, gouverneur d’Onodrith. Telfar n’est ni cruel ni incapable, mais étant donné qu’il est chargé de la perception des nouvelles taxes levées sur les bateliers, il est méprisé et l’on a tenté, plusieurs fois, de l’assassiner.
Aglarond, Dunlostir et l’Ouestfolde
Castamir a nommé Finlong, l’un de ses favoris, au poste de commandant d’Aglarond et lui octroya l’Ouestemnet et une grande partie de l’Ouestfolde. Marin sans peur, mais dépourvu de toute expérience du gouvernement, Finlong est devenu un gouverneur au peu d’entendement, méprisable et avide. Les prospères fermes de l’Ouestfolde constituaient une grande richesse (à condition de laisser les fermiers tranquilles), mais Finlong voit des espions partout. Il accuse souvent les fermiers de conspirer afin de renverser le Roi — cela lui donne un prétexte pour saisir les propriétés. Il garde les prisonniers, accusés de trahison, dans les cachots d’Aglarond où ils sont enchaînés aux murs. Il est rapidement devenu évident aux propriétaires terriens de Dunlostir que la possession d’un riche patrimoine ou le fait d’avoir une trop jolie fille était un danger. Finlong, qui parle avec un léger bégaiement, attend toujours la plus petite occasion de dispute afin d’avoir l’excuse d’écraser les personnes sous des impôts supplémentaires puis il les accuse de trahison ou de crime de lèse-majesté et les fait enchaîner s’ils s’insurgent contre ce nouvel impôt. Les voyageurs sont également accusés des mêmes crimes s’ils paraissent riches. Le principal divertissement de ce tyran consiste à chevaucher à travers l’Ouestfolde, à la tête d’un grand nombre de soldats et de belles femmes, chassant à courre ou au faucon et piétinant les récoltes.
Tir-Anduin et l’Estemnet
Castamir octroya Tir-Anduin à Sorondothor. Ce domaine inclut tout l’Estemnet ; il est bordé à l’Est par l’Anduin, à l’Ouest par l’Entévière (Bain-des-Ents), au Sud par les Fondrières et au Nord par la Forêt de Fangorn et la Limeclair. Le contrôle de Castamir sur le Rhovanion étant très contesté, Tir-Anduin est devenu de fait une province frontalière. Sorondothor fut choisi comme Nouveau Seigneur de ce fief, non seulement parce que lui et sa famille ont largement contribué financièrement à la victoire de Castamir, mais aussi parce qu’il était né et avait vécu dans les marches frontalières du sud d’Umbar (où sa famille administre un domaine avec beaucoup de compétence).
Dernier d’une famille de 10 enfants, Sorondothor a été capitaine au long cours durant un grand nombre d’années. Il mesure 1,52 m — ce qui est très petit pour un Dúnadan — et est presque aussi large que haut. Il porte une barbe rousse séparée en deux pointes. Dans sa jeunesse, ses cheveux roux et sa petite taille l’ont fait surnommé Kirinki (petit oiseau rouge de Númenór). Il a une quinzaine d’années de plus que Castamir qui lui sauva la vie un jour où leur navire s’était brisé sur les récifs d’une île. Sorondothor est convaincu que Sauron se trouve derrière l’accession au trône d’Eldacar. Administrateur très capable, il est également un guerrier confirmé et le genre de chef qui peut galvaniser ses hommes au plus fort du combat. Sachant aussi bien se battre au cimeterre et à la hache d’arme qu’à la masse, Sorondothor a une grande présence d’esprit ; malgré son caractère flamboyant, il n’a jamais perdu le contrôle de lui-même lorsqu’il menait ses troupes au combat ou lors de ses activités d’administrateur.
Sorondothor a fait fortune et l’a perdue plusieurs fois tout au long de ses voyages de commerce dans les Terres du Sud. Il a appliqué son intelligence des marchés au bazar de Tir-Anduin et y a introduit quelques réformes simples : il a ainsi créé un système permanent de transbordeurs capables de transporter de grosses cargaisons ; il a également pavé la grande place du marché et installé de nouveaux quais des deux côtés du fleuve ; ses soldats patrouillent le long de la rive orientale, la rendant plus sûre pour d’honnêtes marchands ; il a quadruplé le volume du commerce en seulement quelques années, ajoutant des milliers de pièces d’or au Trésor Royal. Bien qu’il ne sache que peu de choses sur les moutons et les bergers, Sorondothor a encouragé la production de laine en faisant creuser des puits dans l’Estemnet et le Wold et en faisant tout son possible pour que les bergers tirent le meilleur bénéfice de la vente de leur laine brute. Il a fait construire de nouveaux dépôts et un quai à 1 500 m en aval d’Onodrith et envoie toujours un agent à la foire à la laine de Calmirië.
Les gardes-frontières de Sorondothor, chacun étant un guerrier valeureux, portent une livrée rouge et argent. La plupart sont originaires d’Umbar ou du sud du Gondor. Leur casque d’acier est surmonté d’une crête de plumes rouges. En hiver, ils portent tous de longs manteaux de laine rouge et sont armés de cimeterres et de boucliers. Pour décourager la contrebande et encourager les gens à payer les Taxes Royales (1 pa pour toute personne pénétrant dans le domaine de Sorondothor), les marches sont sillonnées par des détachements de cavalerie légère, constitués de deux archers à cheval et de trois lanciers. La Clairechaux et l’Anduin sont patrouillés par des petits navires à rames qui sont très rapides et stables sur l’eau ; six rameurs, trois archers et un barreur forment l’équipage habituel. Les rameurs sont des guerriers armés de pied en cape. La patrouille fluviale est une mission agréable qui est très demandée par les fantassins en garnison dans les forts. Le domaine de Sorondothor inclut également un fort sur la rive Ouest de l’Anduin en amont des rapides de Sara Gebir. Les forteresses d’Amon Lhâw et d’Amon Hen sur les collines surplombant le fleuve, lorsqu’il s’engouffre dans l’étroit chenal conduisant aux Chutes du Rauros, sont occupées par les hommes de Castamir en tant que frontière des provinces natales.
Angrenost (Isengard)
Caranthir, commandant de la garnison d’Angrenost lorsque débuta la Lutte Fratricide, a été nommé à ce poste par le père d’Eldacar et, normalement, sa sympathie alla vers ce dernier lorsque la guerre éclata. La garnison d’Orthanc n’était pas assez importante pour permettre à Caranthir d’envoyer une aide significative aux forces d’Eldacar, mais lorsque Castamir usurpa le trône, Caranthir refusa de remettre les clefs de la forteresse. Il avait assez d’hommes pour tenir les portes et garnir les murailles de la citadelle contre l’ennemi, sauf si celui-ci lui opposait une grande armée ; il se mit en position d’attente pour voir ce que l’avenir apporterait (le Palantír en sa possession lui permit de confirmer les rumeurs selon lesquelles Eldacar se serait échappé des ruines d’Osgiliath et se serait réfugié au Rhovanion). Rapidement, un grand nombre de fidèles d’Eldacar ayant réussi à le rejoindre, malgré le cordon de troupes qui stationnait à l’entrée de la vallée sur l’ordre de Finlong, permirent à Caranthir de faire des sorties au cours desquelles il put repousser les hommes de Finlong et finalement arriva à s’emparer de la rive droite de l’Isen jusqu’aux Gués.
L’opposition à Castamir et aux nouveaux seigneurs

L’opposition à Castamir aurait rapidement été étouffée dans l’œuf après qu’il ait usurpé le trône s’il s’était montré un souverain avisé. La longue succession de Rois de Númenór puis du Gondor comporte un ou deux antécédents où l’on a vu des hommes s’emparer du pouvoir par la force. Les partisans de Castamir avaient prouvé, durant la Lutte Fratricide, que leur parti était le plus fort et que Castamir possédait plus de sang royal qu’Eldacar, non seulement parce qu’il était l’arrière-petit-fils de Minalcar du côté de son père, mais aussi par l’évidence de son appartenance à un haut lignage par sa mère. Castamir se révéla rapidement un seigneur orgueilleux et rapace et son avidité fit vaciller son trône sous lui. Rapide à s’offenser et lent à oublier ce qu’il considérait comme des insultes envers la Couronne, Castamir est un administrateur incapable, ayant tendance à nommer ses favoris aux plus hautes charges de l’état (quelles que soient leurs capacités) étant ainsi sûr de pouvoir compter sur leur loyauté. La conduite violente de Castamir au cours de la longue et terrible Lutte Fratricide, ajoutée aux nouvelles taxes qu’il instaura pour enrichir la Flotte, ainsi que sa volonté de transférer la capitale d’Osgiliath à Pelargir, créèrent rapidement un terrain fertile pour les partisans d’Eldacar qui avaient été ragaillardis par la confirmation des rumeurs selon lesquelles ce dernier avait échappé à la ruine d’Osgiliath et qu’il vivait avec le peuple de sa mère au Rhovanion.
Au Calenardhon, les sympathies du peuple allaient à Eldacar ; en fait, plusieurs des hommes les plus importants de la région l’avaient rejoint au Rhovanion. La route très fréquentée qui relie le Calenardhon et l’Anórien à Minas Anor est à présent sillonnée par les fidèles d’Eldacar (qui se font passer pour des commerçants ou des marchands). Les messages et l’argent circulent, surtout sous la forme de joyaux. Ostensiblement, se faisant passer pour des marchands, des hommes franchissent le fleuve à Tir-Anduin et ne reviennent jamais. Ils rejoignent la bannière d’Eldacar : des aigles blancs et l’Arbre Blanc sur un champ vert.
Intensification de la résistance contre Castamir : 3A 1442
En 3A 1442, la résistance à Castamir prit sa forme définitive. Les partisans d’Eldacar opéraient en réseaux secrets qui passaient l’argent et les messages du Calenardhon au Rhovanion. Ils ont à présent un espoir réel de renverser le régime cruel de Castamir : Eldacar, selon tous les rapports, recrute et entraîne une grande armée.
À Calmirië, qui est la halte principale pour les voyageurs empruntant la Grande Route Ouest (et dont les nombreuses foires fournissent une bonne excuse pour se rendre dans la cité), l’Auberge du Taureau et de l’Ours est tenue par les fidèles d’Eldacar. Le noble local, Vardamavi, aidera quiconque lui donnera le bon mot de passe qui se présente sous la forme d’un poème dont chaque vers doit être connu pour moitié par chaque personne :
Un nuage de tempête est suspendu au-dessus de la mer
Les grains des champs ont été récoltés
Les aigles blancs retournent sur l’arbre
Et les gens entrent en possession de leurs biens
Alandur, bien sûr, est au courant de ce quatrain et, grâce à ses nombreux espions, il se trouve en position de force afin de tirer avantage de son réseau d’informateurs. De nombreux voyageurs sont invités à sa table, car telle est la coutume. Aucun n’est arrêté et tous repartent sans dommage. Plusieurs fidèles d’Eldacar répéteront plus tard à leurs compagnons de route que le nouveau Seigneur de Calmirië est un homme affable à qui l’on peut tout faire croire. Ils apportent si souvent des messages à Vardamavi que celui-ci oublie souvent qui le lui a délivré et à qui il est destiné.
La fille de Vardamavi, Astrith, une magnifique jeune femme aux yeux sombres et tristes méprise ouvertement les tentatives de son père afin d’aider les partisans d’Eldacar. Elle pense qu’il ne sortira rien de bon des activités rebelles de son père, hormis des ennuis. « Donnez-moi les bras solides d’un marin, » dit-elle, se moquant d’Henderch lorsque celui-ci se trouve à Calmirië (en fait Astrith est une Ranger du 10e niveau). Elle a hérité ses talents de sa mère, une beauté aux yeux sombres de Dunlostir, qui mourut lorsqu’Astrith n’avait que 10 ans.
Il y a peu de temps, après la Foire à la Laine, Vardamavi s’est rendu à la demeure d’Alandur, avec d’autres aubergistes, pour préparer la Foire aux Chevaux.
Henderch continue à se rendre à l’Auberge du Taureau et de l’Ours, même depuis qu’il sait que Vardamavi complote contre le Seigneur Alandur ; cela ajoute du piment à ses relations avec Astrith qui lui a dit plusieurs fois qu’elle tenait son père pour fou. Henderch, qui peut engloutir un nombre incroyable de chopes de bière sans perdre la tête, ne croit pas un instant qu’un ramassis de fermiers, de charretiers et de bergers puisse se dresser contre le Seigneur Alandur (qui connaît le nom de tous les conjurés) ; il pense au contraire qu’une petite révolte dans la province rendrait son travail plus aisé. Il pourrait ainsi se débarrasser de quelques-uns des plus importants fauteurs de trouble, et si seulement les flegmatiques fermiers de Dunlostir pouvaient étouffer Finlong sous une pile de sacs de grains, Alandur agrandirait son domaine et lui-même recevrait certainement Dunlostir en fief. Et tout comme Eldacar se dit Roi du Rhovanion, Henderch pense que lui aussi pourrait se tailler un royaume.
Pourtant, quelques temps plus tard, même le confiant Henderch devint inquiet de la situation. Un nouveau chef se dresse au Calenardhon : l’Aspic Vert. Deux des « informateurs » d’Alandur ont été tués par de courtes flèches vertes empoisonnées et Alandur, malgré les informations fournies par ses autres espions qui ont réussi à faire parler des gens ayant rencontré ce nouveau chef, n’est pas encore en mesure de percer l’identité de ce mystérieux Aspic Vert. Et cela devient sérieux : trois soldats ont été tués aux portes de la cité le dernier jour de la Foire à la Laine ; les meurtres venaient juste d’être découverts lorsque toutes les pièces d’eau de l’Avenue des Fontaines se mirent à cracher une écume verte. Ceci, combiné au meurtre des trois soldats, mit à rude épreuve la patience d’Alandur.
Personne ne sait qui est l’Aspic Vert. Parfois, il semble qu’il s’agisse de plusieurs personnes ; ainsi une patrouille de cavalerie est tombée dans une embuscade, sur la Grande Route Ouest près de la Rivière Snawburna, le matin suivant le meurtre des soldats aux portes de la ville. Le seul survivant rapporta qu’un essaim d’Abeilles Terrestres — ou peut-être plusieurs — avait effrayé les chevaux qui dans leur panique firent vider les étriers à leurs cavaliers. Sa propre monture s’emballa et galopa sur une longue distance. Lorsqu’il réussit enfin à calmer son cheval, il lui fit faire demi-tour et retrouva morts tous ses compagnons. Atteints de blessures superficielles, ils avaient été tués par de courtes flèches vertes empoisonnées.
Comme si cela ne suffisait pas, les bateliers se révoltèrent ; la Douane Royale fut incendiée et Castamir veut savoir pourquoi les coupables ne sont pas encore capturés et punis.
À Tir-Anduin, Sorondothor s’est retrouvé avec une guerre frontalière sur les bras et a été obligé de doubler la force de ses patrouilles ; elles comptent à présent 10 cavaliers chacune. Il ne dispose pas d’assez d’hommes pour attaquer les rebelles de l’autre côté du fleuve, aussi se contente-t-il de raids sur leurs camps. Il a d’ailleurs commandé plusieurs de ces attaques à la tête de ses Kirinsiredain. Il n’y a plus de volontaires pour les patrouilles fluviales, mais l’activité croissante frontalière convient aux hommes de Sorondothor, car ils aiment se battre et croient toujours qu’Eldacar n’est qu’une marionnette entre les mains de Sauron.
Le commerce dans le bazar a considérablement diminué, car l’accès à Tir-Anduin est devenu risqué. Sorondothor, arrivant à tirer profit de toutes les situations, a pris la décision d’exiger une caution de trois pièces d’or pour toute personne désirant traverser le fleuve vers le Rhovanion. Les honnêtes marchands peuvent bien sûr récupérer leur dépôt à la fin du jour, mais les personnes rejoignant Eldacar enrichissent ainsi le trésor de Sorondothor.
Par-dessus tout, Sorondothor a été impressionné par l’habilité des commandos attaquant son territoire. Ils se battent bien et ne maltraitent pas leurs prisonniers. Ils sont également bien armés, se retirent en bon ordre et n’accordent aucun quartier à leurs ennemis. Ces attaques lui causent un maximum de pertes tout en n’utilisant qu’un nombre réduit de soldats ; cette guérilla ruine le commerce et le prive donc de ressources monétaires.
Mais ce n’est pas la seule chose qui déroute Sorondothor : ses soldats lui ont rapporté le nombre croissant de « fous », venant du Calenardhon pour commercer dans le bazar. L’un deux, par exemple, dégaina son épée et se précipita sur une charrette transportant de la laine ; il y plongea et replongea sa lame jusqu’à l’épuisement. Il reprit ses esprits en prison et déclara alors avoir combattu un Mûmakil ; après une fouille minutieuse, la découverte de certains documents révéla qu’il s’agissait d’un agent d’Eldacar.
Dans l’Ouestfolde, plusieurs percepteurs de Finlong ont été assassinés et leurs corps, traînés et écartelés par des bœufs, ont été abandonnés en évidence sur la Grande Route Ouest. La riposte de Finlong a été, bien sûr, de jeter encore plus de monde dans ses cachots. En 1442, plus d’une centaine de fermiers, les plus prospères de la région, étaient emprisonnés en Aglarond, et la population ne rêve plus que de les faire évader. Pour l’instant, personne n’a élaboré un plan réellement viable, mais les fermiers sont en communication permanente avec les forces de Caranthir en Orthanc.
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