Mystères & Révélations (suite)

Troisième Partie : Le mystère Terranova
Le professeur Terranova a été bien malgré lui un des principaux acteurs de la genèse de la Guerre Secrète entre le Club et la Machine : transfuge du Symposium, il transmettra des informations vitales à son assistant Norwood, lesquelles constitueront la base des renseignements du Club sur la grande conspiration prométhéenne. Cette section examine de plus près le parcours singulier de cet étrange personnage…
Beaucoup de rumeurs et de légendes circulent sur le compte du professeur Cornélius Terranova, fondateur de l’Academia Mecanica et inventeur de génie. Certains le décrivent comme un éternel rêveur, vivant dans son propre monde de prodiges et de merveilles, à la manière d’un Merlin l’Enchanteur moderne ; d’autres font de lui le digne successeur de Léonard de Vinci, prophète incompris d’une nouvelle Renaissance. D’autres encore murmurent que les travaux du professeur l’ont emmené bien au-delà des limites de la raison humaine et ont irrémédiablement dérangé son esprit. Quelques uns enfin parlent à mi-voix de découvertes si extraordinaires que leur concepteur aurait préféré en détruire toute trace, de peur qu’elles ne bouleversent l’avenir de l’humanité. Une seule chose est sûre : Cornélius Terranova a disparu depuis 1884…
Dans un premier temps, la mystérieuse disparition du grand homme de science passionna de nombreux reporters, excentriques et amis du progrès, qui tentèrent par tous les moyens de retrouver sa trace… en pure perte. Cornélius Terranova semblait s’être tout simplement volatilisé de la surface de la Terre. Toutes les hypothèses furent évoquées : enlèvement, assassinat, emprisonnement, exil forcé ou volontaire… Petit à petit, les imaginations et les bonnes volontés commencèrent à s’épuiser et, au bout de quelques années, on finit par abandonner tout espoir de revoir un jour le professeur Terranova.
Seuls le Club, la Machine et l’Academia Mecanica poursuivent les recherches – dans des buts bien différents, mais tous ont conscience du formidable enjeu que représentent Terranova, son savoir et ses compétences. S’il est encore de ce monde, il pourrait bien à nouveau jouer un rôle majeur dans les événements de la Guerre Secrète, dont il constitue en quelque sorte la « carte folle » : un élément incontrôlé, indépendant et imprévisible dont le rôle exact dépend avant tout de l’imagination du Chroniqueur.
L’enfant prodige
Né en 1830 en Angleterre, le futur professeur Terranova perd ses parents quelque temps après sa naissance et est rapidement placé dans un orphelinat des environs de Londres. A l’âge de deux ans, il est adopté par un riche excentrique anglais nommé Percivale Newland, qui l’élevera comme le fils qu’il n’a jamais eu. Très vite, on remarque que l’enfant possède une vivacité intellectuelle exceptionnelle, doublée d’une imagination peu commune. Eduqué par les meilleurs précepteurs, le jeune Cornélius Newland se révèle bientôt être un authentique enfant prodige. Il manifeste très vite une prédilection marquée pour les sciences, effectuant ses premières inventions dès l’âge de douze ans. A seize ans, il entre à la prestigieuse université d’Oxford, où il poursuit de brillantes études, bien loin des préoccupations mondaines et des ambitions sociales de la plupart de ses condisciples. Son tempérament rêveur et son imagination parfois débridée lui attirent néanmoins l’antipathie de nombre de ses professeurs, universitaires tâtillons et traditionalistes.
De Newland à Terranova
Dès l’obtention de ses diplômes, le jeune Cornélius Newland décide de consacrer le reste de son existence à inventer les machines du futur, décision saluée par un père adoptif débordant de fierté. Ce dernier n’aura malheureusement jamais l’occasion de connaître les premiers grand succès d’inventeur de Cornélius, puisqu’il décède en 1852, à l’âge vénérable de 91 ans. En prenant connaissance du testament du vieux gentleman, Cornélius apprend qu’il se trouve désormais à la tête d’une fortune colossale, issue en grande partie de placements financiers effectués à son intention… et qu’il n’est pas le véritable fils de Percivale Newland, révélation qui lui cause un véritable choc. Son chagrin est aggravé par le douloureux différend juridique qui l’oppose alors aux membres de la famille Newland, avec lesquels le vieux Percivale avait cessé toute relation depuis des décennies et qui refusent de voir un orphelin étranger hériter d’une partie de leurs biens ainsi que de leur nom. S’ensuit alors une pénible bataille de procédures, au terme de laquelle Cornélius se trouve contraint, ou décide (les sources divergent sur ce point), de renoncer au patronyme de Newland… pour adopter le nom de Terranova, son exacte traduction latine.
Le visionnaire
Esprit curieux et atypique, Cornélius Terranova se passionne pour les grandes inventions méconnues, maudites ou oubliées, de l’horloge hydraulique de Dietrich le Viennois à la machine différentielle de Charles Babbage, en passant par l’aile volante de Léonard de Vinci. Ses propres recherches l’entraînent dans de multiples directions, lui gagnant bientôt une réputation de génie éclectique mais brouillon, prompt à s’enthousiasmer pour les théories les plus extravagantes : ainsi, ses expériences sur l’électricité lui valent l’admiration de noms aussi illustres que Maxwell et Becquerel, tandis que ses travaux sur la mécanique automatique et la kubernétique (cybernétique), probablement trop avancés pour l’époque, ne suscitent que peu d’intérêt chez ses contemporains… Indifférent aux sirènes de la renommée, Cornélius Terranova ne chercha jamais à courtiser les faveurs du public et ses nombreuses contributions à la cause du progrès restèrent injustement méconnues en dehors des cercles scientifiques.
En 1860, Terranova épouse Amelia Hartley, fille d’un vieil ami de son père adoptif. Le jeune couple voyage beaucoup, notamment en Europe et en Amérique. On sait peu de choses sur leur vie privée mais de nombreuses rumeurs — probablement infondées — présentent Terranova comme un époux peu attentionné, constamment plongé dans un univers faits de schémas et de calculs. De fait, leur mariage ne semble pas très heureux et, quand en 1861, leur premier enfant meurt quelques jours après sa naissance, Amelia s’enfonce dans un état de dépression dont elle ne sortira plus jamais. De son côté, Terranova se réfugie dans le travail, attitude que de nombreuses personnes de leur entourage interpréteront à tort comme de l’indifférence et de l’insensibilité. Lorsque la fragile Amelia meurt en 1866, certaines mauvaises langues n’hésiteront pas à accuser Terranova de l’avoir laissée dépérir et mourir de chagrin : en réalité, elle a succombé à la maladie du sommeil, contractée lors d’un voyage en Afrique.
La perte d’Amelia porte un coup supplémentaire au professeur, qui s’enferme un peu plus dans son personnage de savant solitaire. Après une période de profond désarroi, le jeune veuf reprend ses travaux, plus décidé que jamais à bâtir le monde de demain. Ce faisant, il se coupe un peu plus de la réalité, s’enfermant dans sa vision utopique d’un futur idéal ; comme bon nombre de ses confrères, il est intimement persuadé que le progrès scientifique et technique constitue le suprême remède à tous les maux de l’humanité et qu’il n’existe aucun problème naturel ou social qui ne puisse être résolu par l’invention d’une nouvelle machine ou par l’application rigoureuse de méthodes, de principes ou de systèmes.
Trois rencontres décisives
Au cours d’un voyage en Amérique, en 1875, Terranova fait la connaissance d’un jeune inventeur nommé Thomas Edison, dont l’esprit novateur le séduit aussitôt. Beaucoup plus doué avec les machines qu’avec les êtres humains, Terranova ne perçoit à aucun moment le caractère opportuniste et l’ambition démesurée de celui qu’il considère alors comme son jeune frère spirituel… Lors de ce même voyage aux Etats Unis, Terranova rencontra également le milliardaire américain Warren Sillerton, magnat du chemin de fer menant une existence morne et sans joie depuis la mort de son épouse et de son fils unique dans le tragique naufrage de l’Aurora, au large de l’Australie. Entre les deux hommes naquit une amitié aussi immédiate qu’inattendue, fondée sur leurs nombreux points communs : le savant et le millionnaire appartenaient tous les deux à l’élite de leur temps, mais avaient vu leurs espoirs ruinés et leur vie bouleversée par la tragédie. L’idéalisme chimérique et les visions grandioses de Terranova rallumèrent dans l’âme du vieux magnat blasé le désir d’œuvrer pour l’humanité. Le Léonard de Vinci du XIXème siècle venait de trouver son mécène…
Un an et demi plus tard, une troisième rencontre va venir bouleverser la destinée de Cornélius Terranova. Lorsque les Prométhéens chargent Barrymore de contacter en secret quelques uns des plus grands cerveaux de la planète, le nom de Terranova s’impose immédiatement au Professeur, qui le considère à juste titre comme un pionnier injustement méconnu, animé de cette ouverture d’esprit propre aux véritables découvreurs. Barrymore entre donc en contact avec Terranova ainsi qu’avec le mathématicien russe Krylenkov…
De grandes espérances
Pour Terranova, la révélation de l’existence des Prométhéens et la découverte de leur extraordinaire supériorité technologique constituent un véritable miracle scientifique ainsi qu’une résurrection personnelle : grâce à leur prodigieux savoir, il va enfin pouvoir réaliser ses projets les plus grandioses et poser les premières pierres d’un monde de paix, de progrès et de prospérité universelle. Terranova est littéralement enivré par ces extraordinaires perspectives ; pas un seul instant il ne doute de la sincérité des Prométhéens ou de leur bienveillance à l’égard de l’espèce humaine. C’est dans cet esprit d’utopie visionnaire que Terranova fonde, avec Barrymore et Krylenkov, la première incarnation du Symposium. Plus tard, lorsque les Prométhéens demanderont aux trois savants d’élargir les rangs de leur petit conclave, c’est tout naturellement que le choix de Terranova se portera sur Thomas Edison, qui lui semble être la recrue idéale. Il est alors bien loin de se douter à quel point la personnalité de l’inventeur américain correspond effectivement aux desseins des entités venues de Mars…
Suivant la logique d’extension secrète du Symposium, Terranova fonde l’Academia Mecanica en 1880 (voir ci-dessous pour plus de détails). Celle-ci lui permet de créer autour de lui un cercle de brillants ingénieurs, mathématiciens et mécaniciens, avec lesquels il va reprendre ses travaux sur la kubernétique, dans le but de créer les machines du futur, destinées à soulager l’homme des tâches les plus fastidieuses, pénibles ou triviales. Entouré du Praguois Aaron Silbermann, de l’Américain Edward Norwood et de l’Anglais Arthur Pemberton, Cornélius Terranova donne bientôt naissance à sa première génération d’automates kubernétiques. Dans le cadre plus secret du Symposium, il collabore également avec Krylenkov à l’élaboration des principes de la cérébromatique, la science des machines pensantes.
Le Projet Heliopolis
Enthousiasmé par la rapidité et l’étendue de ses progrès, Terranova imagine bientôt un projet mirifique, qui constituerait la concrétisation de ses rêves les plus fous : construire une cité entièrement basée sur la technologie, un paradis futuriste où, grâce aux bienfaits de la science humaine et prométhéenne, l’Homme serait libéré de toutes les contraintes de l’existence ordinaire et pourrait consacrer tout son temps à la création et à la réflexion. En référence aux cités-états de l’antiquité grecque, il baptise son utopie Heliopolis, « la cité du soleil » : dans l’esprit de son créateur, l’autarcie idéale d’Heliopolis est destinée à rayonner dans le monde entier et à servir de modèle à la société du prochain siècle… Déterminé à réaliser son invention suprême, Terranova s’enferme nuit et jour dans son bureau, noircissant des cahiers entiers de notes, de plans et de calculs ; il étudie les grands travaux des bâtisseurs de l’antiquité, consulte des dizaines d’architectes, d’artistes et de penseurs, envoie ses assistants aux quatre coins du monde, à la recherche d’un site digne d’accueillir la ville de ses rêves…
Un réveil douloureux
Totalement accaparé par son grandiose projet, Terranova se désintéresse totalement des autres activités du Symposium et ne prête aucune attention aux tensions internes qui commencent à apparaître au sein de l’assemblée secrète. Ainsi, il ne perçoit pas les manœuvres ourdies par Edison pour prendre le contrôle du Symposium au détriment de ses membres fondateurs, et ne réalisera que trop tard l’ampleur de la menace dont il s’est naïvement rendu complice (voir Histoire du Symposium). Lorsqu’il prend enfin conscience des véritables desseins des Prométhéens et de la soif de pouvoir qui anime la plupart de ses chers confrères, Terranova reçoit un véritable choc. Confronté à la terrible vérité et aux conséquences de son propre aveuglement, il décide de disparaître, emportant avec lui le rêve d’Héliopolis, la cité idéale… mais avant cela, il doit absolument avertir l’humanité du danger qui la menace.
Le testament de Terranova
Après quelques hésitations, Terranova choisit de confier le lourd fardeau de la vérité à son fidèle assistant Edward Norwood, à qui il écrit une longue lettre dans laquelle il consigne l’essentiel de ce qu’il sait sur le Symposium et ses intentions ; cette lettre sera ensuite transmise aux Invisibles et constituera la première preuve de l’existence de la conspiration prométhéenne… La Guerre Secrète peut alors commencer.
La vérité sur la disparition du Professeur Terranova vous sera dévoilée en détail dans un prochain supplément. D’ici là, rien n’empêche vos courageux héros de se lancer sur la piste du mystérieux savant et de ses chimères…
Quatrième Partie : Êtres, Entités et Créatures
Les Prométhéens
Si les Prométhéens occupent une place primordiale dans l’univers d’Uchronia, c’est d’abord par l’intermédiaire de leurs alliés et serviteurs humains du Symposium et de la Machine. Pour le moment, les seuls Prométhéens présents sur Terre sont ceux de l’avant-poste polaire – un endroit qu’ils n’ont a priori aucune raison de quitter. Seule et unique exception : le Prométhéen drogué au fluide médiumnique que le diabolique docteur Gregor garde précieusement dans une cuve saturée de vapeurs vulcaniques… A ce stade des choses, il n’y a donc pratiquement aucune chance pour qu’un héros d’Uchronia se retrouve nez à nez avec un Prométhéen.
Lorsque le moment sera venu, nous vous proposerons une étude détaillée des Prométhéens, de leur société, de leur biologie et de leur psychologie. En attendant, voici quelques informations de base, que tout Chroniqueur se doit de connaître :
Origine : Les Prométhéens sont originaires de la planète Mars ; ils sont les descendants des Octopoïdes, créatures conçues par les Anciens pour récolter le Vulcanium dans les océans de la planète rouge.
Aspect Physique : Physiquement, un Prométhéen ressemble à une sorte de croisement entre une pieuvre, une méduse et un cerveau géant, de couleur rougeâtre, capable de se déplacer en volant silencieusement au-dessus du sol… Très sommairement, l’anatomie externe d’un Prométhéen se compose de deux grands éléments : le bulbe, de forme vaguement sphérique, siège de toutes les fonctions vitales, auquel se rattache une douzaine de petits appendices d’aspect tentaculaire, certains préhensiles, d’autres uniquement sensoriels. La taille des individus semble varier suivant leur statut au sein de la société prométhéenne : les Prométhéens du Pôle (et celui de Gregor) appartiennent à la catégorie la plus courante – leur bulbe a à peu près la taille d’un ballon de baudruche ordinaire.
Pouvoirs Psychiques : Les Prométhéens possèdent diverses facultés psychiques. Ils communiquent entre eux grâce à une forme de télépathie électromagnétique ; avec un peu d’habitude, ils peuvent apprendre à ajuster leur transmission de pensées à l’esprit humain. Ils utilisent également des machines capables d’amplifier la portée de leur télépathie naturelle sous forme d’ondes radio – ce qui leur permet, par exemple, de communiquer directement avec certains membres du Symposium. Les Prométhéens sont également capables d’émettre un flux télékinétique leur permettant de voler au-dessus du sol ainsi que d’affecter leur environnement physique dans un rayon d’environ trois mètres autour de leur personne. Ils peuvent également exercer une forme de vampirisme psychique sur les organismes vivants afin de se nourrir de leur Fluide (voir ci-dessous) : l’esprit d’un être humain est à la fois particulièrement riche en Fluide et capable, par sa volonté, d’opposer une certaine forme de résistance à ce terrifiant pouvoir. C’est cette résistance que le docteur Gregor cherche à annihiler, afin de faire passer l’espèce humaine du statut de proie potentielle à celui de simple bétail, incapable de toute rébellion.
Intelligence et Technologie : La plupart des membres du Symposium les considèrent comme des entités quasi-omniscientes, à l’intelligence prodigieuse – une image que les Prométhéens font évidemment tout pour entretenir, mais qui ne correspond pas tout à fait à la réalité. Certes, leur civilisation possède un degré de développement scientifique et technologique globalement très supérieur à celui de l’espèce humaine… mais la quasi-totalité de leur savoir provient en réalité de la civilisation disparue des Anciens, leurs créateurs et leurs anciens maîtres. En eux mêmes, les Prométhéens n’ont pratiquement rien découvert, se contentant d’exploiter et d’adapter les acquis du passé sans progresser de façon notable au fil des siècles. Contrairement au cerveau humain, le cerveau prométhéen semble virtuellement dénué d’imagination, faculté typiquement humaine qu’ils ont apparemment le plus grand mal à prendre en compte dans leurs raisonnements.
Survie : Les Prométhéens survivent en drainant le Fluide vital de leur environnement naturel et des créatures qui les entourent. Ce drainage est effectué de manière psychique et semble intimement lié aux autres facultés mentales des Prométhéens : sans un apport régulier de Fluide, l’espèce serait condamnée à très court terme. A l’instar du Horla décrit par Guy de Maupassant dans son récit éponyme, les Prométhéens peuvent donc être considérés comme des vampires psychiques, se nourrissant de la force vitale de l’univers qui les entoure. Cette caractéristique est la principale motivation de leurs projets d’invasion terrestre : millénaire après millénaire, les Prométhéens ont peu à peu drainé tout le Fluide vital de Mars, qui est désormais une planète moribonde. L’exode est donc pour eux une nécessité absolue. En outre, les Prométhéens ne peuvent survivre que dans une atmosphère saturée de poussière vulcanique : une fois la planète conquise, ils n’auront aucun mal à reconditionner l’atmosphère terrestre, qui sera sans doute déjà largement imprégnée par les retombées vulcaniques des armes de destruction massive utilisées dans la Grande Guerre… Une telle atmosphère, sans être directement mortelle pour l’homme, lui serait à terme extrêmement nocive, provoquant chez lui diverses formes de dégénérescence cellulaire et respiratoire. Notons que ce reconditionnement a déjà été effectué par les Prométhéens à une échelle très locale, dans les limites de l’avant-poste polaire.
Les Selkies
Les Selkies, aussi surnommés Tritons par certains membres du Club, sont un peuple d’humanoïdes aquatiques dont les origines remontent à l’ère atlante. Découverts par l’équipage du Nautilus, ils comptent parmi les alliés les plus précieux et les plus étranges des Invisibles : sans eux, Nemo n’aurait jamais eu accès aux mystères des cylindres atlantes et de la porte temporelle, et l’humanité aurait été irrémédiablement condamnée à subir la tyrannie secrète de la Machine, jusqu’à la Grande Guerre et à l’Invasion prométhéenne… Etres pacifiques et bienveillants, les Selkies ne sont toutefois pas motivés par leur seul altruisme, mais œuvrent également pour leur propre salut et pour celui de toutes les autres créatures des océans, dont la survie est elle aussi menacée par les projets des Prométhéens et de leurs serviteurs terrestres. Contrairement à ce que pourraient laisser supposer certains mythes sur la cité engloutie d’Atlantis, les Selkies ne sont pas les lointains descendants des anciens Atlantes, même si l’histoire de leur race est étroitement liée à celle du continent disparu d’Atlantide…
Leur apparence physique se distingue de la nôtre par quelques traits notables. Leur taille est à peu près similaire à celle d’un être humain, mais leur silhouette est beaucoup plus svelte. Leur peau, dont la couleur varie généralement entre le gris-argent et le bleu pâle, est totalement dépourvue de pilosité et rappelle étrangement l’épiderme des dauphins, une espèce avec laquelle les Selkies entretiennent de nombreux points communs. Leurs doigts et leurs orteils sont légèrement palmés et ne possèdent pas d’ongles. Quant à leurs visages, ils sont si lisses qu’ils semblent presque dénués de traits : leurs lèvres sont extrêmement minces, leur nez presque inexistant et leur oreilles ne sont que de simples ouïes ; ils sont en revanche dotés d’une bouche particulièrement expressive et leurs grands yeux dorés leur confèrent facilement un air malicieux et énigmatique. Contrairement aux sirènes des légendes, les femelles selkies ne possèdent ni chevelure abondante ni poitrine opulente, et diffèrent assez peu de leurs congénères mâles sur le plan morphologique. Il existe également quelques rares Selkies asexués, à l’épiderme vert-doré, qui occupent une place fort particulière dans la société des Tritons (voir ci-dessous).
Créatures amphibies, les Selkies sont parfaitement capables de survivre et d’agir à l’air libre pendant une douzaine d’heures ; passé ce délai, ils sont Affaiblis (-1 dé sur toutes les actions physiques, y compris les tests de résistance) et risquent la mort s’ils ne retrouvent pas leur environnement marin dans les six heures qui suivent. Une fois réimmergé, un Selkie Affaibli récupère très vite et retrouve toutes ses possibilités au bout d’un temps approximativement égal à la moitié de la durée de son affaiblissement. Omnivores, les Selkies se nourrissent essentiellement de poissons et d’algues, leur métabolisme particulier leur permettant de s’accommoder d’un seul repas toutes les quarante-huit heures environ : ce cycle de nutrition alterne avec leur cycle de sommeil, qui est d’environ quatre heures toutes les quarante-huit heures.
Sur le plan biologique, les Selkies peuvent être classés dans la catégorie des mammifères marins. Leur espérance de vie moyenne est d’une petite centaine d’années pour les individus sexués et d’environ deux-cents ans pour les asexués. Comparés aux humains, les jeunes Selkies parviennent très rapidement à maturité, vers l’âge de neuf ou dix ans. Le cycle de gestation d’une femelle selkie dure environ six mois et aboutit presque toujours par la naissance de jumeaux de sexes différents. Dans de très rares cas, la mère peut mettre au monde un seul enfant, naturellement asexué et stérile, ou, plus rarement encore, des triplés : la portée comportera alors un couple de jumeaux des deux sexes et un troisième Selkie, asexué et stérile. Ces particularités génétiques s’expliquent très certainement par les origines artificielles de l’espèce (voir ci-dessous).
Les Selkies sont monogames, mais leur structure matrimoniale ressemble fort peu à la nôtre… A l’exception des asexués, chaque Selkie vient au monde avec un jumeau de l’autre sexe, qui est en quelque sorte son compagnon naturel, ce que nous appellerions son âme sœur : en grandissant, les deux individus développent un lien empathique particulièrement fort, qui les pousse naturellement l’un vers l’autre lorsqu’ils parviennent ensemble à la maturité. Il n’existe donc pas chez les Selkies de notion d’inceste frère/sœur, du moins pas entre jumeaux, ce type de couple constituant la base même de leur société. Il est intéressant de noter que ce mode de reproduction assez singulier n’a entraîné aucune dégénérescence de l’espèce. Si le jumeau d’un Selkie meurt, le survivant sombre dans un état de profonde mélancolie et ne tarde pas à se laisser mourir, après s’être éloigné de son banc. Certains d’entre eux, toutefois, survivent à la perte de l’âme sœur et deviennent des créatures solitaires, qui vivent à l’écart de leurs congénères et tentent parfois de retrouver chez un humain le jumeau qu’ils ont perdu.
Les Selkies sont beaucoup moins nombreux que les humains, la population actuelle atteignant environ cinq cent mille individus, répartis sur tous les océans du globe. Il semble que ce chiffre soit resté à peu près constant au fil des millénaires, la démographie selkie étant soigneusement régulée par les lois de la nature.
Les Selkies communiquent entre eux à l’aide d’un langage complexe fait d’ultrasons et d’ondes télépathiques, langage que les dauphins, les baleines et les autres mammifères marins sont eux aussi capables de percevoir et d’émettre – d’une façon évidemment fort rudimentaire, compte tenu de leur intelligence limitée. Il existe un lien empathique particulièrement fort entre les Selkies et ces différentes espèces, que les Tritons ne considèrent d’ailleurs pas comme des animaux, mais plutôt comme des cousins éloignés et comme des compagnons de jeu ou de voyage. A l’instar de leurs cousins les dauphins, les Selkies sont dotés d’une grande curiosité et d’un tempérament très joueur, parfois assez déconcertant pour les humains qui ne sont guère familiarisés avec leur mode de pensée. Ils sont également capables de percevoir les pensées des humains ainsi que de projeter vers eux leurs propres impressions ; avec un peu de temps et de pratique, un humain peut apprendre à dialoguer mentalement avec les Selkies ; de leur côté, les Selkies sont capables d’adapter très rapidement leur propre langage télépathique avec le fonctionnement de la pensée humaine.
La télépathie des Selkies La télépathie des Selkies obéit à un certain nombre de règles. Ainsi, un Selkie ne peut communiquer télépathiquement qu’avec un humain qu’il connaît, c’est à dire qu’il a pu étudier de visu pendant quelques minutes. Une fois que ce premier contact a été établi, des messages d’une complexité croissante peuvent être échangés tant que chaque interlocuteur a conscience de la présence de l’autre. Les expériences effectuées par les hommes du Nautilus montrent toutefois que ce langage silencieux a une portée limitée dans la plupart des cas à une dizaine de mètres, voire vingt ou trente si le Selkie fournit un effort particulièrement intense. Entre deux Selkies, ou entre un Selkie et un mammifère marin, le premier contact est inutile et la portée des messages est dix fois plus grande.
L’intelligence des Selkies est globalement équivalente à l’intelligence humaine, mais fonctionne de façon assez différente : alors que l’Homme cherche à maîtriser les forces de la nature par divers moyens techniques, le Selkie possède une sorte de conscience écologique intuitive qui lui permet de vivre en harmonie avec son environnement naturel. Ainsi, il n’existe pas chez les Selkies de notion de progrès ou d’évolution, leur espèce ayant toujours vécu en parfaite adéquation avec le milieu sous-marin. Étrangers à toute technologie, les Selkies ne fabriquent pratiquement aucun objet, à l’exception de couteaux de chasse en os ou de parures de corail et de nacre. Ils ne bâtissent aucune construction, utilisant grottes et cavernes sous-marines comme lieux de repos et de réunion. Leur société est fondée sur le banc, groupe pouvant atteindre au maximum une trentaine d’individus. Lorsque ce seuil est dépassé, le banc ne tarde pas à se scinder en deux bancs plus petits, et ainsi de suite. Créatures très pacifiques, les Selkies ignorent la guerre et ne possèdent aucune notion de territoire : ils mènent une existence semi-nomade de chasseurs-cueilleurs, selon quelques lois élémentaires que chacun respecte de son plein gré. Il n’y a chez eux ni chefs ni criminels, les notions d’autorité, de profit ou de domination étant apparemment totalement absentes de leur psychologie.
Au sein de cette société aux règles apparemment fort simples, les individus asexués occupent une position des plus complexes. Jeunes, ils se distinguent de leurs congénères par un tempérament particulièrement fougueux et capricieux, faisant souvent preuve d’une témérité et d’une impulsivité extrême. Stériles et privés de jumeaux, ils grandissent généralement à l’écart de leurs congénères, passant souvent d’un banc à l’autre ou vivant en solitaires. Les Selkies sexués considèrent leurs jeunes cousins asexués avec une sorte d’indulgence fataliste, car ils savent qu’en chaque sauvageon sommeille un futur sage. En effet, les Selkies asexués s’assagissent très rapidement à l’approche de la maturité et deviennent même d’un caractère songeur et méditatif. Vers l’âge de vingt ans, ils se mettent en quête des plus anciens d’entre eux, afin de suivre leur enseignement : ces vénérables Selkies, dont l’âge dépasse parfois deux siècles, sont des Mémoriens, dépositaires et gardiens de la mémoire de tout un peuple. Chez les humains, les peuples qui ne connaissent pas l’écriture perpétuent leur histoire et leurs mythes grâce à la tradition orale, sous forme de poèmes, de contes et de légendes : dans le cas des Selkies, la transmission du savoir ancestral n’est ni écrite ni orale, mais empathique, passant d’un Mémorien à un autre par un mystérieux processus d’apprentissage psychique, dont la nature exacte demeure une énigme même aux yeux des autres Selkies.
A première vue, les Selkies évoquent ces bons sauvages chers au philosophe Jean-Jacques Rousseau, vivant à l’état de nature, dans une ignorance saine et naïve des vices et des artifices de la civilisation. Il faut toutefois se garder de toute interprétation simpliste de la culture selkie : anciens esclaves des Atlantes, les Tritons connaissent tout à fait les notions de technologie et de civilisation, notions que leurs ancêtres ont préféré bannir à tout jamais du monde des profondeurs. La connaissance des origines fort singulières de cette espèce apporte sans doute un début d’explication à nombre de ses bizarreries physiologiques et culturelles… En effet, l’espèce des Selkies n’est pas le résultat d’un quelconque processus d’évolution naturelle mais le produit de l’ancienne science des Atlantes. Capables de manipuler à leur gré la structure génétique de n’importe quel organisme vivant, les savants atlantes façonnèrent les Selkies à partir de cellules d’humains et de dauphins, dans le seul but d’obtenir une espèce parfaitement adaptée à la prospection et à la récolte du Vulcanium sous-marin. Les Mémoriens conservent le souvenir de cette création artificielle sous la forme de mythes imagés au sujet d’une grande matrice où les sorciers-savants atlantes auraient mêlé et modelé à leur gré la semence du père des dauphins et celle d’un homme des rivages issu d’un peuple aujourd’hui oublié. Les légendes des Selkies racontent ensuite comment les Atlantes asservirent les enfants de la matrice, qu’ils avaient modelé à leur gré pour récolter la pierre rouge au fond des océans… Les Atlantes veillèrent également à ce que cette race forgée de toutes pièces soit dotée d’un caractère docile et peu agressif, parfaitement adapté à sa fonction d’esclave. Les Selkies seraient probablement restés un peuple soumis et passif si la Nature ne s’était chargée de reprendre le contrôle de la situation : lorsque les premiers Selkies asexués apparurent, les savants atlantes attribuèrent leur existence à un inexplicable incident, qu’ils tentèrent en vain d’enrayer. Dotés d’un caractère totalement opposé à celui des Selkies ordinaires, les Mémoriens tentèrent sans relâche de soulever leurs congénères contre le joug cruel de leurs tout-puissants maîtres, bénéficiant parfois de l’aide de tribus humaines rebelles et de quelques idéalistes atlantes révoltés par la décadence de leur société. Seule la destruction de l’orgueilleuse Atlantide, foudroyée par « le feu du ciel » et engloutie par « la colère de l’océan », libéra finalement les Selkies de leur esclavage : quant au Déluge, il donna lieu à un grand exode où s’illustrèrent de nombreux Mémoriens, qui surent guider le peuple des Selkies vers des mers fertiles et hospitalières, loin du tumulte des éléments déchaînés… Grâce à la clairvoyance et la détermination des Mémoriens, les Selkies purent s’adapter à leur liberté nouvellement conquise et devenir les seuls maîtres de leur destinée.
Quelque part dans les profondeurs de l’océan atlantique, non loin d’une ancienne Porte temporelle, se trouve un des Sanctuaires de connaissance construits par les derniers Atlantes éclairés peu avant la chute de leur civilisation. Pour les Selkies, ce Sanctuaire est la tombe des Atlantes, un lieu sacré qui doit rester inviolé jusqu’à ce que s’accomplisse une prophétie connue de tous les Mémoriens : selon cette prophétie, lorsque la destruction fera rage au-dessus des flots, le « dernier sage de la surface » viendra trouver les Selkies pour que ceux-ci le mènent jusqu’à la tombe des Atlantes, où il pourra trouver le savoir nécessaire à sa victoire sur les seigneurs du monde sans mer, terribles et mystérieuses entités aux desseins destructeurs : cette prophétie est en passe d’être accomplie par Nemo, en qui la plupart des Selkies ont reconnu le fameux « dernier sage de la surface »…
Origine du nom Selkies Le nom que se donnent les Selkies dans leur propre langage télépathique peut être traduit par le peuple de la mer. C’est un homme d’équipage du Nautilus, originaire des Iles Orcades, qui leur donna pour la première fois le nom de Selkies. Dans le folklore du nord de l’Écosse, les Selkies sont des sirènes capables de se métamorphoser en phoques ou en dauphins, et dotées d’un caractère foncièrement bienveillant — sauf lorsqu’un mortel imprudent s’en prend à l’une d’entre elles ou se met en tête de dérober leurs trésors. Il ne fait aucun doute que ces légendes constituent le souvenir plus ou moins déformé de rencontres entre humains et membres du peuple de la mer, interprétation qui peut probablement s’appliquer à d’autres êtres imaginaires du même type, sirènes, nixes, morgans et autres tritons. L’existence même de ces légendes témoigne des rapports complexes que les Selkies entretenaient autrefois avec les hommes de la terre ferme, rapports où la crainte le disputait à la curiosité — avec même parfois un véritable sentiment de fascination et d’attraction, particulièrement chez les Selkies solitaires ayant perdu leur âme sœur… Quant aux histoires de naufrages provoqués par des sirènes ou des tritons, il semble qu’elles résultent surtout de réactions typiquement humaines de peur et d’incompréhension face à l’inconnu ; il n’est toutefois pas exclu que certains accidents parfois désastreux aient été occasionnés par de jeunes Mémoriens inconscients ou désireux de venger la mort d’une baleine harponnée par des pêcheurs.
Leur rencontre et leur alliance avec le Capitaine Nemo a marqué un tournant dans l’histoire des Selkies, tout particulièrement pour ceux qui se sont engagés activement dans la Guerre Secrète en rejoignant les rangs du Club en tant que membres extraordinaires. Pour l’instant, ces agents d’un genre particulier se sont surtout cantonnés à la récolte du Vulcanium sous-marin et à des missions de reconnaissance, en liaison avec Nemo et son équipage, mais tous savent qu’ils auront un rôle décisif à jouer lorsque le Symposium sera lui aussi en mesure d’explorer le fond des océans, à la recherche du précieux minerai, ou de lancer ses propres submersibles à la poursuite du Nautilus.
En termes de jeu, tous les Selkies possèdent les Atouts suivants : Adresse Exceptionnelle, Athlète Accompli, Constitution Robuste, Empathie Animale, Esprit Intuitif et Vigilance Constante. Les Mémoriens possèdent également une Mémoire Étonnante. Les Atouts suivis d’une étoile (*) ne sont pris en compte qu’en milieu sous-marin ; quant à l’Atout d’Empathie Animale, il avantage le Selkie dans toutes les situations d’interaction avec les mammifères marins (dauphins, baleines etc.).
Le monde des Abysses
Situé dans les grandes profondeurs des océans, le royaume des Selkies est resté inaccessible à l’Homme depuis la chute de l’Atlantide. Pour l’instant, seul le Nautilus a pu découvrir ce monde, avec ses mystères, ses merveilles et ses dangers… En dehors des vestiges atlantes et des gisements de vulcanium sous-marins, les Abysses abritent également une flore et une faune sous-marine totalement inconnue de la science, survivance du lointain passé de la Terre. Si la plupart de ces espèces sont aussi étranges qu’inoffensives, d’autres peuvent constituer une sérieuse menace, même pour un vaisseau aussi formidable que le Nautilus – c’est notamment le cas des krakens, gigantesques céphalopodes solitaires se nourrissant principalement de baleines et de cachalots (et donc susceptibles d’attaquer par erreur tout ce qui y ressemble…). Le fameux combat contre pieuvre géante décrit dans « Vingt Mille Lieues sous les Mers » est l’écho d’un rencontre bien réelle entre le Nautilus et l’une de ces monstrueuses créatures.
Les Hommes Taupes
Ces étranges humanoïdes subterraniens vivent dans de vastes réseaux de galeries et de cavernes, loin de la surface et du monde des hommes, où ils ne s’aventurent presque jamais, car ils craignent plus que tout la lumière du soleil. Leur véritable nom s’est perdu dans le brouillard des siècles, mais les légendes transmises par nos lointains ancêtres conservent certaines traces de leur existence, sous le masque des gnomes, gobelins, lémures, trolls et autres génies souvent malfaisants du monde inférieur. En réalité, les Hommes Taupes sont les descendants dégénérés d’une espèce jadis créée par les Atlantes pour extraire le Vulcanium des profondeurs de la Terre. Comme celle des Selkies, l’espèce des Hommes Taupes survécut à la chute de l’Atlantide et au grand cataclysme qui s’ensuivit, vivant pendant des dizaines de milliers d’années à l’écart de leurs lointains cousins humains… jusqu’à ce que ces derniers ne s’aventurent un peu trop loin sous la surface, en quête du précieux minerai.
L’Homme Taupe a une morphologie humanoïde, et pourrait même passer pour un être humain de petite taille dans l’obscurité, à travers un épais brouillard ou à une très grande distance. D’ossature extrêmement trapue, il mesure généralement entre un mètre trente et un mètre cinquante, mais semble plus petit à cause de sa démarche voûtée. Son épiderme, d’un gris laiteux, est incroyablement résistant. Ses mains sont pourvues de cinq doigts, nantis de griffes épaisses capables d’entamer la pierre la plus solide. Son visage est sans doute ce qui sépare le plus l’Homme Taupe de l’être humain : son front fuyant, ses arcades sourcilières proéminentes et sa mâchoire saillante évoquent assez ceux d’un pithécanthrope ; ses oreilles atrophiées sont presque indiscernables et ses yeux exorbités sont semblables à deux globes jaunâtres phosphorescents.
Sur le plan physiologique, les Hommes Taupes sont de parfaits mammifères. Leur espérance de vie moyenne est d’environ quatre-vingts ans, mais peut atteindre une centaine d’années pour les individus particulièrement robustes. Les femelles sont généralement un peu plus petites que les mâles, et sont dotées de six mamelles : leur cycle de gestation est de seulement trois mois, avec des portées comptant généralement de trois à six petits. Le caractère extrêmement prolifique de l’espèce ne provoque toutefois aucune inflation démographique, l’existence des Hommes Taupes étant soumise aux lois d’une sélection particulièrement cruelle. Dès les premières années de sa vie, le petit Homme Taupe est rapidement rangé dans l’une des deux catégories suivantes : les forts, qui méritent de survivre, et les faibles, qui sont utilisés comme bétail par leurs propres congénères. Ce processus de sélection instinctive ne suscite aucune révolte chez les victimes, qui acceptent leur sort avec la docilité fataliste de la bête menée à l’abattoir. A l’origine, les Hommes Taupes n’étaient probablement pas cannibales, mais la dégénérescence de leur espèce et les nécessités de l’adaptation naturelle ont irrémédiablement modifié leur instincts. Notons qu’ils se nourrissent également de racines, de fungi et de toutes sortes de petits animaux souterrains — ils seraient en outre ravis de goûter à la chair humaine au cas où d’imprudents intrus venus de la surface viendraient à s’aventurer dans leur domaine… Leurs cordes vocales atrophiées ne leur permettent pas de produire autre chose que de vagues chuintements inarticulés (qu’ils sont d’ailleurs eux-mêmes incapables d’entendre), mais ces créatures possèdent bel et bien une forme de langage primitif (voir ci-dessous). Les Hommes Taupes se distinguent également des humains par leur incroyable résistance physiologique (ils sont immunisés à la plupart des maladies et des poisons naturels) et par le fonctionnement de leurs organes sensoriels. Chez eux, le sens le plus développé est l’odorat, comparable au flair des meilleurs chiens de chasse. Leurs yeux naturellement phosphorescents leur permettent de voir assez nettement dans l’obscurité ; ils possèdent également un sens particulier, qui leur permet de s’orienter de façon quasi-infaillible dans leur environnement souterrain, mais aussi de percevoir avec une extraordinaire acuité les vibrations de l’air, les changements de température. Ce sens compense le manque d’acuité de leur ouïe, très inférieure à celle des humains. A peu près complètement sourds, les Hommes Taupes ne réagissent qu’aux sons particulièrement aigus et stridents — sons qui ont généralement pour effet de les désorienter totalement et de les plonger dans le plus grand affolement. L’autre grande faiblesse physiologique des Hommes Taupes est leur extrême sensibilité à la lumière, naturelle comme artificielle : un éclair lumineux particulièrement intense (comme par exemple le flash d’un appareil photographique) peut les aveugler de façon permanente, et endommager à jamais leurs facultés de perception particulière — ce qui les condamne à une mort presque certaine à plus ou moins long terme. Une source de lumière moins intense suffit à les plonger dans une terreur panique, et même la flamme d’une allumette ou d’un briquet peut les effrayer. C’est principalement pour cette raison que les Hommes Taupes ne s’aventurent presque jamais à la surface, et encore moins près des lieux habités par les hommes, qu’ils ont appris à redouter. A l’époque préhistorique, les Hommes Taupes effectuaient encore quelques furtives expéditions nocturnes à la surface, afin de se procurer de la nourriture (le plus souvent sous la forme d’êtres humains en bas âge) et, à l’occasion, des armes et des outils ; au fil des générations, les tribus humaines apprirent à combattre l’ennemi souterrain, le repoussant définitivement (?) dans les entrailles de la Terre par le pouvoir du feu et du métal. Peu à peu, le souvenir de l’existence des Hommes Taupes se fondit dans les brumes de la légende, avant de disparaître tout à fait de la mémoire humaine.
Les Hommes Taupes vivent dans d’immenses cavernes souterraines, presque toujours situées à proximité des gisements de Vulcanium qu’exploitaient leurs lointains ancêtres. La structure de leur société est des plus rudimentaires, fondée sur une loi aussi simple que cruelle : celle du plus fort. Les Hommes Taupes vivent généralement en colonies, dont la taille varie surtout en fonction des dimensions de la caverne qui leur sert d’habitat, une colonie pouvant compter d’une vingtaine à plusieurs centaines d’individus, avec toujours à peu près autant de forts que de faibles. Si le surpeuplement menace, l’instinct des Hommes Taupes les pousse à ranger tous les nouveaux-nés dans la catégorie des faibles et à les dévorer dès leur plus jeune âge, afin de maintenir la population à un niveau à peu près constant. Les colonies d’Hommes Taupes sont généralement très éloignées les unes des autres, et n’entretiennent entre elles ni échange ni conflit. Par contre, les guerres intestines ne sont pas rares, et semblent même constituer un élément inévitable de la vie de l’espèce. De telles luttes ont toujours pour origine une querelle entre forts et se soldent invariablement par la mise à mort des perdants, qui sont ensuite dévorés au cours d’un grand festin cannibale.
Créatures brutales et dégénérées, les Hommes Taupes font montre d’une intelligence extrêmement limitée et très peu différenciée suivant les individus. En revanche, l’espèce possède une sorte de mémoire ancestrale commune, atavique et instinctive, où se trouvent conservées les informations vitales à sa survie — comme par exemple l’existence des habitants de la surface. Les Hommes Taupes ne sont pas doués de parole, mais possèdent une forme de langage gestuel et corporel rudimentaire permettant de traduire des notions essentielles comme la faim, l’autorité, la soumission ou encore la présence d’un danger. Ils sont en revanche capables de communiquer entre eux à distance, en frappant sur les parois d’une galerie ou d’une caverne avec un outil quelconque, suivant une sorte de code ultra-primitif composé de quelques signaux caractéristiques : appel, alerte etc. Les Hommes Taupes n’entendent pas les sons ainsi produits, mais en perçoivent les vibrations (ainsi que leur direction, leur distance etc.) avec une incroyable acuité. En l’absence d’un véritable langage, les Hommes Taupes n’ont pu développer ni culture ni technologie, du moins au sens classique du terme. Sur le plan technique, ils sont capables d’utiliser des outils rudimentaires pour trancher, percer, casser, creuser en fonction de leurs besoins ; quant à leur vie culturelle, elle se limite à l’exécution d’immenses fresques rupestres sur les parois de leurs cavernes. Exécutées à l’aide de pigments d’origine minérale, végétale ou animale, ces étranges peintures, dont la raison d’être demeure un insondable mystère, se limitent généralement à des représentations très primitives d’Hommes Taupes seuls ou en groupes, entourés de motifs aussi abstraits qu’énigmatiques. Il est possible que ces peintures aient pour vocation de délimiter le territoire de chaque colonie, ou peut-être de le protéger de façon surnaturelle.
En 1890, les Hommes Taupes se terrent toujours dans les entrailles de la planète, loin du monde des hommes et de sa bruyante civilisation, mais la découverte du Vulcanium pourrait bien bouleverser cette situation. La recherche du minerai-prodige va amener l’homme à descendre à des profondeurs où il ne s’était jamais aventuré auparavant… Tôt ou tard, il empiètera sans le savoir sur le territoire souterrain des Hommes Taupes. Tôt ou tard, des rumeurs au sujet de mystérieux dessins, d’ombres furtives et d’yeux jaunes phosphorescents entraperçus au détour d’un boyau se mettront à circuler parmi les mineurs. Se sentant menacés par leur ancien ennemi, les Hommes Taupes ne tarderont pas à passer à l’action. Ca et là, des mineurs commenceront à disparaître de façon inexplicable. Les dirigeants de la Compagnie Générale des Mines et la British Mining Corporation veilleront évidemment à étouffer ces étranges accidents, qu’ils tenteront d’élucider en envoyant sous terre des unités de sécurité, qui pourraient bien disparaître à leur tour… Poussés dans leurs derniers retranchements, les Hommes Taupes pourraient alors de nouveau s’aventurer à la surface, attaquant les installations minières isolées, massacrant ou enlevant leurs occupants, laissant peut-être derrière eux des marques de leur passage (dessins, empreintes etc.) ou quelque survivant terrifié en mesure de révéler leur existence à une humanité incrédule. Dans ce cas, il y a fort à parier que le Symposium, une fois averti du danger, ferait tout pour empêcher la nouvelle d’être divulguée, afin d’éviter toute curiosité superflue autour des gisements de Vulcanium placés sous son contrôle. Les Hommes Taupes pourraient alors devenir l’objet d’un nouveau secret et d’un nouveau Programme, destiné à les exterminer, ou peut-être à les utiliser comme sujets d’expérience pour quelque diabolique projet du Dr Gregor.
Quant aux Invisibles, ils ignorent eux aussi (pour l’instant) l’existence des Hommes Taupes. Plus précisément, ils ignorent que la race souterraine créée par les Atlantes pour récolter le Vulcanium (et dont l’existence est mentionnée dans les cylindres atlantes du Nautilus) a survécu au cataclysme. Dans le futur d’origine du Capitaine Nemo, le Symposium avait réussi à garder leur existence secrète et à exterminer la plupart d’entre eux à l’aide d’une variante surpuissante du Brouillard Vert… mais les choses pourraient très bien suivre un autre cours dans ce monde-ci : et si un agent du Club, infiltré comme ingénieur, mineur ou administrateur au sein de la Compagnie Générale des Mines, venait à découvrir leur existence ? Que se passerait-il alors ? En tant que protagonistes de l’univers d’Uchronia, les Hommes Taupes sont entre les mains du Chroniqueur : celui-ci est libre d’ignorer complètement leur existence ou, à l’inverse, d’en faire le thème central d’une ou plusieurs intrigues. Sur le plan dramatique, ces créatures offrent l’avantage non-négligeable de pouvoir être présentés sous différents éclairages : monstres dégénérés surgis des profondeurs, objets de curiosité et de spéculation scientifique, pitoyables victimes de la cupidité humaine — ou tout cela à la fois…
En termes de jeu, l’Homme Taupe typique pourra être considéré comme un protagoniste secondaire, doté des Atouts Constitution Robuste, Férocité et Vigilance Constante. Ses puissantes griffes lui permettent d’infliger de véritables blessures, exactement comme une bête sauvage.
Un air de famille
Les Hommes Taupes d’Uchronia possèdent un certain nombre de points communs avec les effrayants Morlocks décrits par Herbert George Wells dans son roman « La Machine à Explorer le Temps »… de même que les Prométhéens rappellent par de nombreux côtés les terrifiants Martiens de « La Guerre des Mondes ». Rappelons que, dans le monde d’Uchronia, H.G. Wells est membre du Club : en 1890, il n’a pas encore entamé sa carrière littéraire — qu’il n’entamera peut-être jamais, compte tenu de son implication dans la Guerre Secrète et de l’incertitude qui plane sur l’histoire future de la Terre d’Uchronia…
Les Adeptes
Les Adeptes existent en marge des principaux éléments du background d’Uchronia. Comme c’est le cas pour de nombreuses autres composantes de ce background, leur existence est strictement optionnelle et laissée à l’entière appréciation du Chroniqueur.
Les années 1890 fourmillent de soi-disants thaumaturges, sorciers et autres démonologues inspirés : dans le monde d’Uchronia, ces magiciens sont presque tous des charlatans, des illuminés ou les deux à la fois. Quant aux fameux ordres pseudo-hermétiques qui fleurissent dans le sillage de la célèbre Golden Dawn et des révélations théosophiques de Madame Blavatsky, la plupart d’entre eux ne sont que des ramassis d’imposteurs plus ou moins mégalomanes ou de dilettantes blasés en quête de nouvelles sensations… Tout semble donc indiquer, du moins à première vue, que dans l’univers d’Uchronia, la Magie n’existe pas… ce qui est à la fois vrai et faux. Les lois du monde d’Uchronia restent dominées par la science et la technologie et n’accordent donc aucune réalité aux pouvoirs des jeteurs de sortilèges, nécromants et autres ensorceleurs. Par contre, les recoins les plus mystérieux de son histoire secrète dissimulent l’existence d’une forme de savoir magique jalousement préservé et pratiqué par quelques individus, membres d’un ordre occulte plusieurs fois millénaire, si secret que la plupart des sociétés secrètes ignorent jusqu’à son existence…
L’ordre en question n’a pas de nom attitré, car il n’en a pas besoin. Par mesure de clarté, nous l’appellerons l’ordre des Adeptes, du nom que se donnent eux-mêmes ses membres. Ceux-ci sont fort peu nombreux, l’accès au savoir immémoriel de l’ordre étant strictement réservé à quelques élus, triés sur le volet : à l’époque d’Uchronia, l’ordre ne compte guère plus d’une vingtaine de membres, dispersés à travers le monde. Tous acceptent l’autorité d’un des quatre Grands Maîtres de l’ordre, que l’on dit immortels…
A l’origine, les premiers Adeptes tirent leur savoir des cylindres contenus dans un Sanctuaire atlante perdu dans les hauteurs de l’Himalaya, le seul (avec le Sanctuaire sous-marin destiné à être redécouvert par Nemo) à avoir survécu à la chute de l’Atlantide. Découvert vers –3000 avant notre ère, ce savoir fut ensuite transmis à travers les siècles, de génération en génération, de maître à disciple.
La magie des Adeptes a donc la même origine que la science ultra-avancée utilisée par le Club (les fameux cylindres atlantes) mais se manifeste sous une forme totalement différente : celle de rituels et de sortilèges permettant aux Adeptes d’affecter les lois naturelles par l’intermédiaire de la Quatrième Dimension. A l’origine, ces rituels et ces sortilèges étaient considérées par les Atlantes comme des procédures scientifiques : ce sont les Adeptes qui, selon leur logique mystique, ont fait de ces connaissances un savoir hermétique, réservé à de rares initiés. Ce mode de transmission a évidemment abouti à l’érosion progressive de ce savoir et la puissance des Adeptes des années 1890 n’est que le pâle reflet de celle des premiers initiés. Cela dit, ils n’en demeurent pas moins les héritiers du savoir de l’ancien Atlantide : même incomplètes, fragmentaires et dénaturées, leurs connaissances leur permettent bel et bien d’accomplir quelques prodiges inconnus de la science moderne. Sur un plan très concret, les pouvoirs des Adeptes leur permettent par exemple de projeter leurs pensées à distance, de dominer la matière par la seule force de leur esprit ou encore de se téléporter à travers le fameux réseau tellurique redécouvert par le professeur Barrymore… Les plus puissants d’entre eux seraient même capables de ralentir le vieillissement de leur organisme au point d’acquérir une longévité de plusieurs siècles…
Mais tout cela, pour l’instant, est destiné à rester dans l’ombre. Si les Adeptes existent bel et bien, ils ne jouent (pour l’instant) aucun rôle dans la Guerre Secrète et semblent s’intéresser davantage à la préservation de leur savoir secret qu’à la destinée de la planète. Mais, dans un monde comme celui d’Uchronia, tout est toujours possible… Que se passerait-il si une expédition organisée par l’Institut Bainbridge (pour le compte de la Machine) découvrait le mystérieux Sanctuaire himalayen et ses secrets millénaires ? Que se passerait-il si, par l’intermédiaire d’un médium, ou de quelque vestige atlante, le Club entrait en contact avec l’un des quatre Grands Maîtres de l’Ordre ? Sans parler des expériences du Professeur Barrymore, qui pourraient bien finir par provoquer sa rencontre avec les véritables « propriétaires » du réseau de transfert tellurique…
Les Adeptes, leurs pouvoirs et leur histoire seront examinés en détail dans un prochain supplément d’Uchronia. En attendant, libre à vous d’ignorer leur existence, de la laisser transparaître à travers d’infimes mais troublants détails ou de mettre en scène votre propre interprétation de ce pan du background d’Uchronia.
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