Prononciation des mots et des noms


(Appen­dice « E » du Sei­gneur des Anneaux. J.R.R. Tol­kien. Tra­duc­tion Daniel Lauzon)


Les élé­ments du lan­gage commun, d’occidentalien, ou du parler commun, ont été entiè­re­ment tra­duits par des équi­va­lents anglais1. Tous les noms et les vocables hob­bits doivent donc être pro­non­cés à l’avenant : ainsi, par exemple, le g de Bol­geurre se pro­nonce comme dans nageur, et mathom rime avec l’anglais fathom.

Consonnes

C
a tou­jours la valeur de k, même devant e et i : celeb « argent » se pro­nonce keleb.
CH
sert uni­que­ment à repré­sen­ter le son entendu dans bach (en alle­mand ou en gal­lois), non celui de l’anglais church. Sauf à la fin des mots et devant t, ce son s’était adouci dans le parler du Gondor, pre­nant la valeur d’un h ; ce chan­ge­ment se reflète dans l’orthographe de quelques noms, dont Rohan, Rohir­rim (Imra­hil est un nom númenó­réen)2.
DH
repré­sente le th voisé (doux) de l’anglais these clothes. Il dérive habi­tuel­le­ment de d, comme dans le sin­da­rin galadh « arbre », cf. le quenya alda ; mais découle par­fois de la ren­contre de n+r, comme dans Caradh­ras « Cor­ne­rouge », de caran-rass.
F
repré­sente f, sauf en finale, où il fait entendre le son v (comme dans l’anglais of) : Nin­dalf, Fla­drif.
G
est tou­jours dur, comme dans l’anglais give : gil « étoile », dans Gildor, Gil­raen, Osgi­liath, se pro­nonce comme dans le fran­çais guilde.
H
employé seul, sans autre consonne, a le son de h dans l’anglais house. La com­bi­nai­son ht, en quenya, fait entendre le même son que cht dans l’allemand echt, acht : dans Telu­meh­tar « Orion », par exemple. Voir aussi CH, DH, L, R, TH, W et Y.
I
en posi­tion ini­tiale, devant une autre voyelle, a le son conso­nan­tique de y dans l’anglais you, en sin­da­rin seule­ment : cf. Ioreth, Iar­wain. Voir Y.
K
est employé dans les noms qui ne sont pas d’origine elfique, et est l’équivalent de c ; kh fait donc entendre le même son que ch dans les noms Gri­shnákh (langue orque) ou Adû­na­khôr (langue adû­naïque, c’est-à-dire númenó­réenne). Concer­nant la langue naine (le khuz­dul), voir la note ci-des­sous.
L
repré­sente plus ou moins le son du l ini­tial en anglais, comme dans let. Ce son était tou­te­fois « pala­ta­lisé », dans une cer­taine mesure, entre e ou i et une consonne, ou en finale après e et i. (Les Eldar auraient pro­ba­ble­ment trans­crit les mots anglais bell et fill « beol » et « fiol ».) LH repré­sente ce même son lorsque sourd (le plus sou­vent dérivé de sl– en posi­tion ini­tiale). En quenya (archaïque), ce son s’écrivait hl, mais au Troi­sième Âge, il se pro­non­çait le plus sou­vent comme l.
NG
repré­sente ng dans l’anglais finger, sauf en finale, où il se pro­nonce comme dans le mot swing. Ce son se ren­con­trait éga­le­ment en quenya, tou­jours en posi­tion ini­tiale, mais on l’a trans­crit n (comme dans Noldo) confor­mé­ment à la pro­non­cia­tion du Troi­sième Âge.
PH
a le même son que f. Il appa­raît : (a) quand le son f se fait entendre à la fin d’un mot, comme dans alph « cygne » ; (b) quand le son f est proche ou dérivé d’un p, comme dans i-Phe­rian­nath « les Demi-Hommes » (perian) ; (c) au milieu de quelques mots où il repré­sente un ff long (issu de pp) comme dans Ephel « clô­ture exté­rieure » ; et (d) en adû­naïque et en occi­den­ta­lien, comme dans Ar-Pha­razôn (pharaz « or »).
QU
est uti­lisé pour trans­crire le son cw, très fré­quent en quenya mais absent en sin­da­rin.
R
repré­sente un r roulé, quelle que soit sa posi­tion ; ce son ne se per­dait pas devant une consonne (comme c’est le cas dans l’anglais part). Les Orques, de même que cer­tains Nains, employaient semble-t-il le r gras­seyé, un son que les Eldar trou­vaient déplai­sant. RH repré­sente un r sourd (le plus sou­vent dérivé d’un sr– ini­tial plus ancien). Ce son s’écrivait hr en quenya. Cf. L.
S
est tou­jours sourd, comme dans le fran­çais sol, lys ; le son z était inconnu en quenya et en sin­da­rin contem­po­rains. SH, dans les langues naine, orque et occi­den­ta­lienne, repré­sente un son sem­blable à sh en anglais et ch en fran­çais.
TH
repré­sente le son sourd du th anglais dans thin cloth. En quenya parlé, il avait pris la valeur d’un s, conser­vant tou­te­fois une gra­phie dif­fé­rente ; cf. le quenya Isil, en sin­da­rin Ithil, « Lune ».
TY
repré­sente un son qui se rap­proche sans doute du t dans l’anglais tune. Il déri­vait prin­ci­pa­le­ment de c ou de la ren­contre de t+y. Les locu­teurs du parler commun lui sub­sti­tuaient géné­ra­le­ment le son tch du fran­çais, très fré­quent en occi­den­ta­lien. Cf. HY sous la rubrique Y.
V
se pro­nonce comme le v fran­çais mais n’apparaît jamais en finale. Voir F.
W
se pro­nonce comme le w fran­çais. HW repré­sente un w sourd, comme dans l’anglais white (pro­non­cia­tion du Nord). Ce son n’était pas inusité en quenya en posi­tion ini­tiale, mais on n’en trouve, semble-t-il, aucun exemple dans ces pages. Le v et le w sont tous deux employés pour trans­crire le quenya, et ce, même si l’orthographe de cette langue est ici assi­mi­lée à celle du latin ; car les deux sons s’y ren­con­traient et étaient d’origine dif­fé­rente.
Y
en quenya, repré­sente la consonne y de l’anglais you. En sin­da­rin, y est plutôt une voyelle (voir ci-des­sous). HY est à y ce que HW est à w, et repré­sente un son que l’on entend sou­vent dans l’anglais hew, huge ; le h du quenya eht, iht fait entendre le même son. Les locu­teurs de l’occidentalien lui sub­sti­tuaient sou­vent le son sh de l’anglais (c’est-à-dire ch en fran­çais), plutôt commun dans cette langue. Cf. TY ci-dessus. HY était le plus sou­vent dérivé de sy– et khy– ; dans les deux cas, les mots appa­ren­tés en sin­da­rin conservent le h ini­tial, comme dans le quenya Hyar­men « sud », Harad en sin­da­rin.

Notons que les consonnes redou­blées, tels tt, ll, ss, nn, repré­sentent des consonnes longues, dites « doubles ». À la fin des mots de plus d’une syl­labe, elles étaient géné­ra­le­ment rac­cour­cies, comme dans Rohan, de Rochann (ancien­ne­ment Rochand).

En sin­da­rin, les com­bi­nai­sons ng, nd et mb, par­ti­cu­liè­re­ment à l’honneur dans les langues elda­rines à un cer­tain moment, subirent dif­fé­rents chan­ge­ments par la suite. mb devint par­tout m, conser­vant tou­te­fois sa lon­gueur afin de mar­quer l’accent tonique (voir plus bas), d’où la gra­phie mm lorsque celui-ci n’est pas impli­cite3. ng demeura inchangé sauf en posi­tions ini­tiale et finale, où il fut rem­placé par la consonne nasale simple (entendu dans le mot swing). nd devint le plus sou­vent nn, comme dans Ennor « Terre du Milieu », quenya Endóre ; mais à la fin de mono­syl­labes accen­tués, nd demeura intact, comme dans le mot thond « racine » (cf. Mor­thond « Sour­ce­noire »), ainsi que devant r, cf. Andros « longue-écume ». Ce nd figure aussi dans des noms héri­tés d’une période plus ancienne, dont Nar­go­thrond, Gon­do­lin et Bele­riand. Au Troi­sième Âge, la finale nd des longs mots s’était réduite à n, par l’intermédiaire de nn, comme dans les noms Ithi­lien, Rohan, Anó­rien.

Voyelles

Pour les voyelles, on a employé les lettres i, e, a, o, u et (en sin­da­rin uni­que­ment) y. Autant qu’il est pos­sible d’en juger, les sons repré­sen­tés par ces lettres (autres que y) étaient ceux que nous connais­sons4, même si de nom­breuses varié­tés locales échappent sans doute à notre regard5. C’est-à-dire que les sons de i, e, a, o et u avaient à peu près la même valeur que ceux du fran­çais machine, relais, pâle, côte et putsch, indé­pen­dam­ment de la lon­gueur.

En sin­da­rin, les voyelles longues e, a et o avaient la même valeur que les brèves, ayant été déri­vées de celles-ci en des temps com­pa­ra­ti­ve­ment récents (les anciens é, á, ó s’étaient déjà trans­for­més). En quenya, les é et ó longs, cor­rec­te­ment pro­non­cés, comme chez les Eldar, étaient plus ner­veux et plus « fermés » que les voyelles brèves.

Parmi les langues de l’époque, seul le sin­da­rin com­por­tait le u « modi­fié » ou anté­rieur, plus ou moins celui du fran­çais lune. Il découle en partie d’une modi­fi­ca­tion de o et u, en partie des anciennes diph­tongues eu, iu. On s’est servi de y pour repré­sen­ter ce son (à l’instar de l’ancien anglais), comme dans lŷg « ser­pent », quenya leuca ; ou emyn, plu­riel de amon « col­line ». Au Gondor, ce y pre­nait géné­ra­le­ment la valeur d’un i.

Les voyelles longues sont indi­quées le plus sou­vent par l’accent aigu, comme dans cer­taines varié­tés d’écriture fëa­no­rienne. En sin­da­rin, les voyelles longues des mono­syl­labes accen­tués portent l’accent cir­con­flexe, car celles-ci avaient ten­dance à être par­ti­cu­liè­re­ment pro­lon­gées6 ; ainsi, nous obte­nons dûn, mais Dúna­dan. L’emploi de l’accent cir­con­flexe dans les autres langues, tels l’adûnaïque ou le parler des Nains, ne pos­sède aucune signi­fi­ca­tion par­ti­cu­lière, ayant pour seule fonc­tion de dis­tin­guer ces par­lers étran­gers des langues elda­rines (comme pour le k en lieu et place de c).

En finale, le e n’est jamais muet, ni le signe d’une finale allon­gée comme en anglais. Pour mar­quer la pro­non­cia­tion de ce e final, on l’a sou­vent (mais pas sys­té­ma­ti­que­ment) écrit ë.

Les groupes er, ir, ur (en fin de mot ou devant une consonne) ne doivent pas être pro­non­cés comme l’anglais fern, fir, fur, mais comme le fran­çais aire, ire, oure.

En quenya, ui, oi, ai et iu, eu, au sont des diph­tongues (c’est-à-dire qu’ils se pro­noncent en une seule syl­labe). Toutes les autres paires de voyelles sont dis­syl­la­biques. Cette pro­non­cia­tion est sou­vent déno­tée ëa (Eä ), ëo, .

En sin­da­rin, les diph­tongues s’écrivent ae, ai, ei, oe, ui et au. Les autres groupes ne sont pas des diph­tongues. En finale, la gra­phie aw au lieu de au, ins­pi­rée de l’anglais, n’est du reste pas inusi­tée dans l’orthographe fëa­no­rienne.

Toutes ces diph­tongues étaient « des­cen­dantes »7, c’est-à-dire accen­tuées sur le pre­mier élé­ment, et com­po­sées de voyelles simples plus ou moins fusion­nées. Ainsi, ai, ei, oi, ui doivent se pro­non­cer, res­pec­ti­ve­ment, comme l’anglais rye (non comme le digramme fran­çais ai), grey, boy (non comme le digramme oi), ruin ; de même, au (aw) comme l’anglais loud, how (non comme le digramme fran­çais au ou l’anglais law).

Rien ne cor­res­pond, en anglais ou en fran­çais, aux diph­tongues ae, oe, eu ; ae et oe peuvent éven­tuel­le­ment se pro­non­cer ai, oi.

L’accent tonique

La posi­tion de l’« accent tonique » n’est pas indi­quée puisque, dans les langues elda­rines dont il est ici ques­tion, la seule forme du mot suffit à déter­mi­ner la place de l’accent. Dans les mots de deux syl­labes, il tombe presque tou­jours sur la pre­mière. Si le mot est plus long, l’accent tombe sur la pénul­tième (l’avant-dernière), lorsqu’il s’agit d’une voyelle longue, d’une diph­tongue ou d’une voyelle suivie de deux consonnes (ou plus). Si la pénul­tième consiste en une voyelle brève suivie d’une seule (voire d’aucune) consonne, ce qui n’est pas rare, l’accent tombe sur la syl­labe pré­cé­dente (l’antépénultième). Les mots des langues elda­rines épousent volon­tiers cette der­nière forme, sur­tout en quenya.

Dans les exemples sui­vants, la voyelle accen­tuée est indi­quée par une capi­tale : isIl­dur, Orome, erEssëa, fËanor, ancA­lima, elentÁri, dEne­thor, per­iAn­nath, ecthE­lion, pelAr­gir, silI­vren. Des mots comme elentÁri « reine des étoiles » sont rares en quenya quand la voyelle est é, á, ó, sauf s’il s’agit de com­po­sés (ce qui est ici le cas) ; ils sont plus fré­quents avec í, ú : andÚne « cou­cher du soleil, ouest » en est un exemple. Ils n’existent pas en sin­da­rin, sauf dans des com­po­sés. Notons que les digrammes dh, th, ch du sin­da­rin sont des consonnes simples, repré­sen­tées par une seule lettre dans les carac­tères d’origine.

Note

Dans les noms qui ne sont pas d’origine elda­rine, les lettres ont exac­te­ment la même valeur, sauf indi­ca­tion contraire ci-dessus, à l’exception de la langue naine. Dans cette langue, où les sons repré­sen­tés ci-dessus par th et ch (kh) étaient incon­nus, th et kh dénotent des consonnes aspi­rées, i.e. t ou k suivis d’un h, plus ou moins comme dans l’anglais back­hand, outhouse.

Lorsque z appa­raît, la pro­non­cia­tion est celle du fran­çais ou de l’anglais. gh dans le noir parler et dans la langue orque repré­sente une « spi­rante pos­té­rieure » (celle-ci est à g ce que dh est à ), comme dans ghâsh et agh.

On a donné aux noms « exté­rieurs » des Nains (ceux dont ils se servent, notam­ment, dans leur com­merce avec les Hommes) des formes nor­diques, mais la pro­non­cia­tion est celle que l’on vient de décrire.

C’est aussi le cas des noms de lieux et de per­sonnes du Rohan (lorsque ceux-ci ne sont pas moder­ni­sés), à ceci près que éa et éo sont des diph­tongues, que l’on peut rap­pro­cher du son ea dans l’anglais bear, et du eo que l’on entend dans Theo­bald ; y a le son du u « anté­rieur » (celui du fran­çais). Les formes moder­ni­sées (fran­ci­sées) sont faci­le­ment recon­nais­sables et se pro­noncent comme en fran­çais. Il s’agit sur­tout de noms de lieux, par exemple Dun­hart (au lieu de Dún­harg) ; cer­tains noms (comme Sca­du­fax) pré­sentent une gra­phie moder­ni­sée qu’il convient de pro­non­cer à l’anglaise.

L’écriture

Tous les carac­tères et les modes d’écriture en usage au Troi­sième Âge étaient d’origine elda­rine et dataient déjà, à l’époque, d’une haute anti­quité. Ils s’étaient alors déve­lop­pés en alpha­bets com­plets, mais les plus anciens modes, où seules les consonnes étaient repré­sen­tées par des lettres pro­pre­ment dites, demeu­raient tout de même usités.

Les alpha­bets étaient de deux prin­ci­pales varié­tés, aux ori­gines dis­tinctes : les Teng­war ou Tîw, que l’on appel­lera ici « lettres » ; et les Certar ou Cirth, que l’on nom­mera « runes ». Les Teng­war avaient été conçues pour l’écriture au pin­ceau ou à la plume, les formes car­rées de cer­taines ins­crip­tions étant déri­vées des formes écrites. Les Certar étaient conçues et prin­ci­pa­le­ment uti­li­sées pour les ins­crip­tions par grat­tage ou cise­lure.

L’écriture teng­war était la plus ancienne, car c’était l’invention des Noldor, les plus doués en la matière parmi les peuples des Eldar ; et elle avait vu le jour long­temps avant leur exil. Les toutes pre­mières lettres elda­rines, les Teng­war de Rúmil, ne ser­virent jamais en Terre du Milieu. De nou­velles lettres, les Teng­war de Feänor, bien qu’inspirées des pre­mières, réin­ven­tèrent pra­ti­que­ment le mode d’écriture. Elles furent dif­fu­sées en Terre du Milieu par les Noldor en exil, qui les trans­mirent aux Edain et aux Númenó­réens. Au Troi­sième Âge, leur usage recou­vrait plus ou moins tout l’espace lin­guis­tique du parler commun.

Les Cirth sont une inven­tion des Sindar du Bele­riand. Elles ne ser­virent long­temps qu’à graver des noms et de brèves ins­crip­tions sur le bois ou la pierre, d’où leurs formes angu­leuses, très sem­blables aux runes de notre époque, malgré quelques varia­tions de détail et des attri­bu­tions entiè­re­ment dif­fé­rentes quant à la valeur des signes. Elles se répan­dirent à l’est sous une forme ancienne, moins com­plexe, au cours du Deuxième Âge, et furent ainsi trans­mises à de nom­breux peuples (aux Hommes, aux Nains, et même aux Orques) qui tous les ada­ptèrent à leurs besoins, selon leur habi­leté propre ou à défaut. L’une de ces formes simples était encore en usage chez les Hommes du Val, et les Rohir­rim en avaient une autre du même genre.

Mais au Bele­riand, dès avant la fin du Pre­mier Âge, les Cirth furent rema­niées et plus ample­ment déve­lop­pées. Leur forme la plus riche et la mieux ordon­née était connue sous le nom d’Alphabet de Daeron, car le folk­lore des Elfes en attri­buait l’invention à Daeron, le ménes­trel et maître en tra­di­tion du roi Thin­gol du Doriath. Chez les Eldar, l’Alphabet de Daeron ne donna jamais de véri­tables formes cur­sives, les Elfes ayant géné­ra­lisé, pour l’écriture, l’emploi des lettres feä­no­riennes. De fait, une bonne partie des Elfes de l’Ouest finirent par délais­ser com­plè­te­ment l’usage des runes. En pays Ere­gion, tou­te­fois, on se ser­vait encore de l’Alphabet de Daeron, lequel se répan­dit alors en Moria, où il devint l’alphabet de pré­di­lec­tion des Nains. Ils n’en aban­don­nèrent jamais l’usage et l’apportèrent avec eux dans le Nord. Ainsi, bien des années plus tard, il pre­nait encore cou­ram­ment le nom d’Anger­thas Moria, les Longs Ali­gne­ments de Runes de la Moria. Comme dans leurs modes d’expression orale, les Nains se ser­vaient de toutes écri­tures d’usage cou­rant, et nombre d’entre eux savaient tracer les lettres fëa­no­riennes avec art ; mais s’agissant de leur propre langue, ils s’en tenaient aux Cirth, qu’ils ada­ptèrent à l’écriture cur­sive.

Les lettres Fëanoriennes

Le tableau pré­senté ici donne, en cal­li­gra­phie soi­gnée, toutes les lettres cou­ram­ment uti­li­sées dans les Terres de l’Ouest, au Troi­sième Âge. L’arrangement choisi est celui qui, à l’époque, était le plus commun, et reflète l’ordre dans lequel on avait cou­tume de réci­ter les lettres.

Les Tengwar

Ces lettres, à l’origine, ne consti­tuaient pas un « alpha­bet », une série de carac­tères désor­don­nés et indé­pen­dants ayant chacun sa valeur propre, réci­tés selon un ordre tra­di­tion­nel indé­pen­dam­ment de leur forme ou de leur fonc­tion8. Il s’agissait en fait d’un ensemble de signes conso­nan­tiques, cohé­rents par la forme et le style, pou­vant être adap­tés à loisir ou au besoin pour repré­sen­ter les consonnes de diverses langues, enten­dues (ou inven­tées) par les Eldar. Ces lettres ne pos­sé­daient aucune valeur fixe ; mais il y avait entre elles cer­tains rap­ports qui se déga­gèrent gra­duel­le­ment.

L’ensemble était com­posé de 24 lettres pri­maires, 1 à 24, ordon­nées en quatre témar (séries) pos­sé­dant six tyel­ler (degrés) cha­cune. Il com­por­tait éga­le­ment des « lettres sup­plé­men­taires », dont les numé­ros 25 à 36 consti­tuent des exemples. Parmi celles-ci, seules 27 et 29 consti­tuent des lettres indé­pen­dantes ; les autres sont des variantes des lettres pri­maires. Il y avait aussi un cer­tain nombre de tehtar (signes) aux usages variés. Ceux-ci ne figurent pas sur le tableau9.

Cha­cune des lettres pri­maires était formée d’un telco (queue) et d’un lúva (arc). Les formes des numé­ros 1 à 4 étaient consi­dé­rées comme nor­males. La queue pou­vait être rele­vée (9 à 16) ou rac­cour­cie (17 à 24.) L’arc était soit ouvert (séries I et III), soit fermé (séries II et IV) ; dans un cas comme dans l’autre, il pou­vait éga­le­ment être doublé (numé­ros 5 à 8, par exemple).

La liberté d’application de ces lettres pri­maires, recon­nue en théo­rie, était quelque peu limi­tée par les usages du Troi­sième Âge, vou­lant que la série I s’appliquât géné­ra­le­ment aux den­tales (la série des t, tin­co­téma), et la série II aux labiales (la série des p, par­ma­téma). Les séries III et IV connais­saient diverses appli­ca­tions selon les besoins des dif­fé­rentes langues.

Dans les langues comme l’occidentalien, où se ren­con­traient beau­coup de sons conso­nan­tiques10 comme « tch », « dj », « ch », la série III était le plus sou­vent asso­ciée à ceux-ci ; auquel cas, IV repré­sen­tait la série nor­male des k (cal­ma­téma). En quenya, où la cal­ma­téma était dou­blée d’une série pala­tale (tyel­pe­téma) et d’une série labia­li­sée (ques­se­téma), les pala­tales étaient repré­sen­tées par un dia­cri­tique fëa­no­rien (habi­tuel­le­ment deux points sous­crits) ser­vant à déno­ter le y « post­posé », tandis que la série IV repré­sen­tait kw.

En sus de ces attri­bu­tions plus géné­rales, les rap­ports sui­vants étaient aussi com­mu­né­ment éta­blis. Les lettres nor­males, au degré 1, repré­sen­taient les « occlu­sives sourdes » : t, p, k, etc. Le redou­ble­ment de l’arc était une indi­ca­tion de « voi­se­ment » : si 1, 2, 3, 4 valent t, p, ch, k (ou t, p, k, kw), alors 5, 6, 7, 8 valent d, b, j, g (ou d, b, g, gw). La queue rele­vée mar­quait l’ouverture de la consonne, qui deve­nait ainsi une « spi­rante » : en repre­nant les valeurs ci-dessus pour le degré 1, le degré 3 (9–12) vaut th, f, sh, ch (ou th, f, kh, khw/​hw) et le degré 4 (13–16) vaut dh, v, zh, gh (ou dh, v, gh, ghw/​w).

Le sys­tème fëa­no­rien, dans sa forme d’origine, com­por­tait un degré sup­plé­men­taire obtenu par un allon­ge­ment de la queue au-dessus et en des­sous de la ligne. Ces lettres repré­sen­taient le plus sou­vent des consonnes aspi­rées (t+h, p+h, k+h, etc.), mais déno­taient aussi au besoin d’autres varia­tions conso­nan­tiques. Ce degré n’était pas utile pour les langues du Troi­sième Âge trans­crites selon ce sys­tème ; mais les formes sup­plé­men­taires ser­vaient cou­ram­ment de variantes (plus faciles à dis­tin­guer du degré 1) pour les degrés 3 et 4.

Le degré 5 (17–20) était d’ordinaire réservé aux consonnes nasales, aussi les signes 17 et 18 étaient-ils le plus sou­vent uti­li­sés pour n et m. Sui­vant le prin­cipe énoncé ci-dessus, le degré 6 aurait dû repré­sen­ter les nasales sourdes ; mais les­dits sons (que l’on entend par exemple dans le gal­lois nh ou l’ancien anglais hn) étant fort peu cou­rants dans les langues concer­nées, le degré 6 repré­sen­tait le plus sou­vent les consonnes les plus faibles (ou semi-voca­liques) de chaque série. De toutes les lettres pri­maires, ces lettres avaient la plus petite et la plus simple des formes. Ainsi, 21 dési­gnait sou­vent le r faible (non roulé), un son propre au quenya d’origine, consi­déré dans le sys­tème de cette langue comme la plus faible consonne de la tin­co­téma ; 22 était lar­ge­ment uti­lisé pour w ; et quand la série III était dési­gnée comme série pala­tale, 23 repré­sen­tait géné­ra­le­ment le y conso­nan­tique11.

Dans la mesure où cer­taines consonnes du degré 4 avaient ten­dance à s’affaiblir, leur pro­non­cia­tion finit par se rap­pro­cher ou par se confondre avec les consonnes du degré 6 (telles que décrites plus haut). Ainsi, une bonne partie de ces der­nières finit par perdre toute fonc­tion claire dans les langues elda­rines ; et ce fut à partir de ces lettres que furent tirées, pour une large part, celles employées dans l’expression des voyelles.

Note

L’orthographe stan­dard du quenya ne se confor­mait pas aux attri­bu­tions de lettres décrites ci-dessus. Le degré 2 repré­sen­tait nd, mb, ng, ngw, tous plutôt fré­quents, puisque b, g et gw ne se ren­con­traient que dans ces com­bi­nai­sons, tandis que rd et ld se voyaient attri­buer les lettres 26 et 28. (Pour lv, mais non lw, de nom­breux locu­teurs, en par­ti­cu­lier les Elfes, employaient lb : on se ser­vait des lettres 27+6, car lmb était inconnu.) De même, le degré 4 repré­sen­tait les com­bi­nai­sons extrê­me­ment fré­quentes nt, mp, nk, nqu, car le quenya ne pos­sé­dait pas les sons dh, gh, ghw, et expri­mait le v à l’aide de la lettre 22. Voir les noms des lettres quenya, ici.

Les lettres sup­plé­men­taires. La 27 était uni­ver­sel­le­ment uti­li­sée pour l. La 25 (à l’origine, une modi­fi­ca­tion de 21) repré­sen­tait le r plei­ne­ment roulé. Les lettres 26 et 28 étaient des modi­fi­ca­tions de ces der­nières : géné­ra­le­ment, elles repré­sen­taient le r (rh) et le l (lh) sourds, res­pec­ti­ve­ment. En quenya, tou­te­fois, elles expri­maient rd et ld. La 29 était mise pour s et la 31 (à double boucle) pour z, dans les langues qui pos­sé­daient ce son. Les formes inver­sées, 30 et 32, bien que dis­po­nibles pour d’autres usages, ser­vaient le plus sou­vent de simples variantes pour 29 et 31, par souci de com­mo­dité d’écriture : accom­pa­gnées de tehtar sus­crits, par exemple, elles rem­pla­çaient volon­tiers les formes nor­males.

La 33 était, à l’origine, une modi­fi­ca­tion ser­vant à repré­sen­ter une variante (plus faible) de 11 ; au Troi­sième Âge, elle expri­mait le plus sou­vent le son h. La 34, d’usage plutôt res­treint, déno­tait sur­tout le w (hw) sourd. Les lettres 35 et 36, lorsqu’elles repré­sen­taient des consonnes, valaient le plus sou­vent y et w, res­pec­ti­ve­ment.

Les voyelles étaient, dans de nom­breux modes, repré­sen­tées par les tehtar, géné­ra­le­ment placés au-dessus d’une lettre conso­nan­tique. Dans les langues comme le quenya, où la plu­part des mots se ter­mi­naient par une voyelle, le tehta se pla­çait au-dessus de la consonne pré­cé­dente ; dans celles comme le sin­da­rin, où les mots s’achevaient le plus sou­vent sur une consonne, le tehta s’écrivait au-dessus de la consonne sui­vante. En l’absence de consonne à l’endroit requis, le tehta se pla­çait au-dessus du « sup­port court », qui pre­nait cou­ram­ment la forme d’un i sans point. Les tehtar eux-mêmes, employés pour mar­quer les voyelles dans dif­fé­rentes langues, étaient de nom­breuses formes. Les plus com­munes, ser­vant géné­ra­le­ment à expri­mer (diverses varié­tés de) e, i, a, o et u, se retrouvent dans les exemples four­nis. Les trois points, très sou­vent mis pour a dans l’écriture soi­gnée, pou­vaient prendre d’autres formes dans des styles plus rapides, dont une, fort usitée, s’apparentant à un accent cir­con­flexe12. Le point sus­crit et l’« accent aigu » repré­sen­taient sou­vent i et e (mais e et i dans cer­tains modes). Les boucles repré­sen­taient o et u. Dans l’inscription de l’Anneau, la boucle ouverte à droite est mise pour u ; mais sur la page de titre, le même signe est mis pour o, et la boucle ouverte à gauche repré­sente u. On accor­dait la pré­fé­rence au signe ouvert à droite, et son appli­ca­tion dépen­dait de la langue concer­née : dans le noir parler, o était plutôt rare.

On indi­quait géné­ra­le­ment les voyelles longues en pla­çant le tehta sur le « sup­port long », qui pre­nait cou­ram­ment la forme d’un j sans point. On pou­vait aussi dou­bler les tehtar pour obte­nir le même résul­tat. Tou­te­fois, cette méthode ne s’appliquait guère qu’aux boucles, et quel­que­fois à l’« accent ». Le double point sus­crit déno­tait plus sou­vent le y « post­posé ».

L’inscription de la Porte Ouest illustre un mode d’« écri­ture au long » où les voyelles sont expri­mées par des lettres entières. Toutes les lettres voca­liques usi­tées en sin­da­rin y sont repré­sen­tées. Notons l’usage de la lettre 30 pour déno­ter le y voca­lique, et l’emploi du tehta mar­quant le y « post­posé », placé au-dessus de la lettre voca­lique pour expri­mer les diph­tongues. Dans ce mode, le w « post­posé » (ser­vant à expri­mer le son au, aw) était repré­senté à l’aide de la boucle déno­tant u ou d’une modi­fi­ca­tion de celle-ci : ~. Mais les diph­tongues étaient sou­vent écrites au long, comme dans la trans­crip­tion. Les voyelles longues étaient géné­ra­le­ment indi­quées par l’« accent aigu », en l’occurrence appelé andaith « marque de lon­gueur ».

Il exis­tait, outre les tehtar déjà men­tion­nés, plu­sieurs autres signes dont la prin­ci­pale fonc­tion était d’abréger l’écriture, le plus sou­vent en expri­mant les com­bi­nai­sons de consonnes les plus cou­rantes sans qu’il soit besoin de les écrire au long. Par exemple, on employait cou­ram­ment un tiret sus­crit (ou une marque sem­blable au tilde espa­gnol) pour signi­fier que la consonne au-des­sous était pré­cé­dée de la nasale de même série (comme nt, mp ou nk) ; le même signe, placé en des­sous, déno­tait tou­te­fois, dans la plu­part des cas, une consonne longue ou double. Un cro­chet pointé vers le bas, rat­ta­ché à l’arc prin­ci­pal (comme dans hob­bits, der­nier mot de la page de titre), ser­vait à indi­quer le s « post­posé », sur­tout dans les com­bi­nai­sons ts, ps, ks (x), très fré­quentes en quenya.

Il n’existait bien sûr aucun « mode » pour trans­crire l’anglais. À partir du sys­tème fëa­no­rien, on pour­rait en inven­ter un qui soit pho­né­ti­que­ment adé­quat. Le court exemple de la page de titre ne pré­tend pas en faire la démons­tra­tion. Il s’agit plutôt d’un échan­tillon de ce qu’aurait pu pro­duire un homme du Gondor, hési­tant entre les valeurs des lettres propres à son mode d’écriture, et l’orthographe tra­di­tion­nelle de l’anglais. Notons que le point sous­crit (lequel ser­vait notam­ment à repré­sen­ter les voyelles affai­blies) est mis ici pour le and non accen­tué, mais dénote éga­le­ment le e muet en finale du mot here ; the, of et of the sont repré­sen­tés par des abré­via­tions (long dh, long v, et trait sous­crit dans le der­nier cas).

Les noms des lettres. Dans tous les modes, chaque lettre ou signe por­tait un nom ; et ces noms étaient conçus pour décrire les attri­bu­tions pho­né­tiques propres à chacun des modes. Mais il fut bien sou­vent jugé sou­hai­table, sur­tout quand il s’agissait de décrire l’attribution des lettres dans d’autres modes, de dis­po­ser d’un nom spé­ci­fique à cha­cune des formes de lettres. Pour ce faire, on employait géné­ra­le­ment les « noms com­plets » du quenya, même lorsqu’ils ren­voyaient à des usages propres au quenya. Chaque « nom com­plet » consis­tait en un mot quenya où appa­rais­sait la lettre en ques­tion. Celle-ci, dans la mesure du pos­sible, venait en début de mot ; mais dans le cas de sons ou de com­bi­nai­sons inusi­tés en début de mot, ceux-ci venaient immé­dia­te­ment après une voyelle ini­tiale. Les noms des lettres du tableau allaient comme suit : (1) tinco métal, parma livre, calma lampe, quesse plume ; (2) ando porte, umbar sort, anga fer, ungwe toile d’araignée ; (3) thúle (súle) esprit, formen nord, harma trésor (ou aha fureur), hwesta brise ; (4) anto bouche, ampa cro­chet, anca mâchoires, unque un creux ; (5) númen ouest, malta or, noldo (ancien­ne­ment ngoldo) un membre du peuple des Noldor, nwalme (ancien­ne­ment ngwalme) tour­ment ; (6) óre cœur (esprit intime), vala puis­sance angé­lique, anna don, vilya air, ciel (ancien­ne­ment wilya) ; rómen est, arda région, lambe langue, alda arbre ; silme lumière des étoiles, silme nuquerna (s ren­versé), áre lumière du soleil (ou esse nom), áre nuquerna ; hyar­men sud, hwesta sin­da­rinwa, yanta pont, úre cha­leur. Les variantes reflètent des chan­ge­ments sur­ve­nus a pos­te­riori dans le parler quenya des Exilés. Ainsi, la lettre 11 se nom­mait harma à l’époque où elle repré­sen­tait la spi­rante ch indé­pen­dam­ment de sa posi­tion ; lorsqu’elle prit la valeur du h souf­flé en posi­tion ini­tiale13 (mais non en posi­tion médiane), le nom aha fut inventé. áre se nom­mait ini­tia­le­ment áze, mais ce z vint à se confondre avec 21, et áre prit alors en quenya la valeur de ss, fort usité dans cette langue, et fut rebap­tisé esse. Le nom hwesta sin­da­rinwa ou « hw gris-elfique » vient du fait que, en quenya, 12 avait la valeur de hw ; il n’était donc pas néces­saire de repré­sen­ter chw et hw par deux signes dis­tincts. Les noms de lettres les plus connus et les plus usités étaient 17 n, 33 hy, 25 r, 10 : númen, hyar­men, rómen, formen = ouest, sud, est, nord (cf. le sin­da­rin dûn ou annûn, harad, rhûn ou amrûn, forod). Ces lettres repré­sen­taient géné­ra­le­ment les points car­di­naux O, S, E et N, même dans les langues où leurs noms étaient tout à fait dif­fé­rents. Dans les Terres de l’Ouest, on les nom­mait dans cet ordre, en com­men­çant par l’ouest et en lui fai­sant face ; hyar­men et formen signi­fiaient d’ailleurs « région de gauche » et « région de droite » (contrai­re­ment à la cou­tume en usage dans bien des langues des Hommes).

Les Cirth

À l’origine, le Cer­thas Daeron fut conçu pour repré­sen­ter les sons du sin­da­rin, et ceux-là seule­ment. Les cirth les plus anciens étaient les nos 1, 2, 5, 6 ; 8, 9, 12 ; 18, 19, 22 ; 29, 31 ; 35, 36 ; 39, 42, 46, 50 ; et une certh qui pre­nait alter­na­ti­ve­ment les formes 13 et 15. L’attribution des valeurs n’avait rien de sys­té­ma­tique. Les nos 39, 42, 46 et 50 étaient des voyelles et le demeu­rèrent dans toutes les évo­lu­tions ulté­rieures. Les nos 13 et 15 étaient mis pour h ou s, selon que le no 35 repré­sen­tait s ou h. Ce flot­te­ment dans l’attribution des valeurs pour s et h se main­tint dans les agen­ce­ments ulté­rieurs. Pour tous les carac­tères com­po­sés d’une « tige » et d’une « branche », soit 1 à 31, la branche, si elle ne par­tait que d’un côté, se pla­çait géné­ra­le­ment du côté droit. L’inverse n’était pas rare, mais dépourvu de signi­fi­ca­tion pho­né­tique.

La forme plus éten­due et plus éla­bo­rée de ce cer­thas était, dans son incar­na­tion la plus ancienne, connue sous le nom d’Anger­thas Daeron, les ajouts à l’alphabet pri­mi­tif, de même que sa réor­ga­ni­sa­tion, étant attri­bués à Daeron. Mais les prin­ci­paux ajouts, soit l’introduction de deux nou­velles séries 13 à 17 et 23 à 28, sont fort pro­ba­ble­ment attri­buables aux Noldor d’Eregion, puisqu’ils avaient pour but de repré­sen­ter des sons incon­nus en sin­da­rin.

Les Angerthas


Valeurs

Dans ce réagen­ce­ment de l’Anger­thas, on remarque les prin­cipes sui­vants (mani­fes­te­ment ins­pi­rés du sys­tème fëa­no­rien) : (1) un trait ajouté à une branche expri­mait le « voi­se­ment » ; (2) l’inversion de la certh mar­quait l’ouverture de la consonne, qui deve­nait une « spi­rante » ; (3) l’extension de la branche des deux côtés de la tige expri­mait le voi­se­ment et la nasa­lité. Ces prin­cipes étaient sys­té­ma­ti­que­ment obser­vés, sauf en un point. Un signe était requis, en sin­da­rin (archaïque), pour déno­ter le m spi­rant (ou v nasal), et l’inversion du signe attri­bué à m était la meilleure façon d’obtenir cela. C’est pour­quoi l’on assi­gna la valeur de m au no 6 (réver­sible), le no 5 (non réver­sible) étant alors mis pour hw.

Le no 36, dont la valeur théo­rique était z, repré­sen­tait, dans l’orthographe du quenya et du sin­da­rin, le son ss : cf. la lettre fëa­no­rienne 31. Le no 39 pou­vait déno­ter i ou y (consonne) ; les nos 34 et 35 étaient mis indif­fé­rem­ment pour s ; et la com­bi­nai­son nd, plutôt cou­rante, était repré­sen­tée par le no 38, bien que cette forme n’eût aucun lien appa­rent avec les autres signes attri­bués aux den­tales.

Dans la Table des Valeurs, celles de gauche, lorsque sépa­rées par un tiret, repré­sentent les valeurs de l’Anger­thas, pre­mière forme. À droite du tiret sont don­nées les valeurs de l’Anger­thas Moria en usage chez les Nains14. Les Nains de la Moria, on le voit, intro­dui­sirent un cer­tain nombre de chan­ge­ments non sys­té­ma­tiques por­tant sur la valeur des cirth, et ils en ajou­tèrent de nou­veaux : 37, 40, 41, 53, 55, 56. Le glis­se­ment de valeur tenait essen­tiel­le­ment à deux causes : (1) la réas­si­gna­tion des valeurs des nos 34, 35 et 54, deve­nues res­pec­ti­ve­ment h,  (le coup de glotte entendu en khuz­dul, en début de mot avec voyelle ini­tiale) et s ; (2) la mise au ran­cart des nos 13 et 16, aux­quels les Nains sub­sti­tuèrent 29 et 30. Notons éga­le­ment l’emploi de 12, mis pour r, qui en résulte, l’invention de 53 pour n (et la confu­sion de ce signe avec le 22) ; l’utilisation de 17 pour z, à rap­pro­cher de 54 qui vaut s, d’où l’utilisation de 36 pour ŋ et l’apparition d’une nou­velle certh pour repré­sen­ter ng. Deux autres nou­velles certh, 55 et 56, avaient pour ori­gine 46 (forme divi­sée en deux), et repré­sen­taient des voyelles comme celles que l’on entend dans l’anglais butter, cou­rantes en langue naine et en occi­den­ta­lien. Faibles ou éva­nes­centes, ces voyelles étaient sou­vent indi­quées par un simple trait sans tige. Cet Anger­thas Moria appa­raît dans l’inscription rele­vée sur la tombe de Balin.

Les Nains d’Erebor rema­nièrent à leur tour ce sys­tème, ce qui donna un nou­veau mode, le mode d’Erebor, repré­senté dans le Livre de Mazar­bul. Ses prin­ci­pales carac­té­ris­tiques se résu­maient ainsi : 43 mis pour z, 17 mis pour ks (x), et inven­tion de deux nou­veaux cirth, 57 et 58, mis pour ps et ts. Ils redon­nèrent éga­le­ment à 14 et à 16 les valeurs j et zh ; mais ils uti­li­saient 29 et 30 pour g et gh, ou comme simples variantes de 19 et 21. Sauf pour les cirth spé­ci­fiques à Erebor, nos 57–58, la table ne rend pas compte de ces par­ti­cu­la­ri­tés.


  1. Dans la pré­sente tra­duc­tion, tous les noms en anglais moderne ont été rendus par des équi­va­lents fran­çais. En outre, les exemples et les expli­ca­tions de ce guide de pro­non­cia­tion ont par­fois été adap­tés afin de les rendre plus acces­sibles au lec­teur de langue fran­çaise. (N.d.T.) 

  2. Com­mu­né­ment appelé Menel­va­gor en sin­da­rin (I 113), en quenya Menel­ma­car

  3. Ce qui est le cas dans l’expression galadh­rem­min enno­rath (I 305) « la Terre du Milieu enche­vê­trée d’arbres ». Rem­mi­rath (I 113) est com­posé de rem « réseau », quenya rembe, + mîr « joyau ». 

  4. Le u est celui de l’anglais, pro­noncé « ou ». De même, dans tous les mots et les noms qui ne sont pas des tra­duc­tions fran­çaises du parler commun (i.e. Saru­man, Moran­non, Thorin, mais non Fen­de­val, Mon­tauvent), les com­bi­nai­sons AN, EN, IN (et OIN), ON (ainsi que IM, OM, etc.), n’ont pas la valeur de voyelles nasales comme en fran­çais, mais se pro­noncent sépa­ré­ment. AN se pro­nonce « anne », EN se pro­nonce « ènne », et ainsi de suite. Pour plus de détails, voir Le Hobbit, p. 7. (N.d.T.

  5. La diph­ton­gai­son des voyelles longues é et ó, mise en évi­dence par cer­taines gra­phies, telles ei et ou (ou leur équi­valent dans les carac­tères de l’époque), paraît assez fré­quente en occi­den­ta­lien et dans la pro­non­cia­tion des noms quenya par les locu­teurs de ce parler commun. Cette pro­non­cia­tion était tou­te­fois consi­dé­rée comme incor­recte ou régio­nale. Dans le rus­tique Comté, elle était évi­dem­ment très cou­rante. Ainsi, ceux qui pro­non­ce­rait yéni únó­time, « les longues années sans nombre », comme on aurait ten­dance à le faire en anglais (c’est-à-dire, plus ou moins, « yaïni ounôou-taïmi ») ne se four­voie­raient guère davan­tage que Bilbo, Meria­doc ou Per­egrin. Frodo était réputé pour « son apti­tude à repro­duire les sons étran­gers ». 

  6. Il en va de même pour Annûn « cou­cher du soleil », appa­renté à dûn « ouest », et pour Amrûn « lever du soleil », appa­renté à rhûn « est ». 

  7. À l’origine. Mais iu, en quenya du Troi­sième Âge, était d’ordinaire une diph­tongue ascen­dante, comme yu dans l’anglais yule

  8. Dans notre alpha­bet, seul le rap­port entre P et B eût semblé intel­li­gible aux Eldar ; et le fait qu’ils ne soient pas nommés ensemble, ni avec F, M ou V, leur eût paru absurde. 

  9. Bon nombre d’entre eux appa­raissent dans les exemples de la page de titre, et dans l’inscription de la page I 75, trans­crite à la page I 325. Ces signes indi­quaient avant tout les voyelles, consi­dé­rées en quenya comme des modi­fi­ca­teurs de la consonne asso­ciée ; mais ils ser­vaient aussi de nota­tion abré­gée pour les com­bi­nai­sons de consonnes les plus cou­rantes. 

  10. Dans ce cas-ci, les sons sont repré­sen­tés de même manière que dans le mode de trans­crip­tion décrit plus haut, à ceci près que ch repré­sente le son de l’anglais church (« tch ») ; j a la même valeur que le j anglais (« dj »), et zh repré­sente le son entendu dans l’anglais azure et occa­sion (sem­blable au j fran­çais). 

  11. Sur l’inscription de la Porte Ouest de la Moria, on trouve l’exemple d’un mode, employé pour la trans­crip­tion du sin­da­rin, dans lequel le degré 6 repré­sente les nasales simples, mais où le degré 5 repré­sente les nasales doubles (ou longues), très fré­quentes en sin­da­rin, 17 valant nn, mais 21, n

  12. En quenya, où a était une voyelle très fré­quente, le signe voca­lique était sou­vent entiè­re­ment omis. Ainsi, calma « lampe » pou­vait s’écrire clm. Il n’y avait d’autre lec­ture pos­sible que calma, car cl en quenya ne figu­rait jamais en début de mot, et m n’apparaissait jamais en finale. On aurait pu lire calama, mais pareil mot n’existait pas. 

  13. Pour le h souf­flé, le quenya employait à l’origine une simple queue rele­vée, sans arc, appe­lée halla « élancé ». Placée devant une consonne, elle impri­mait à cette consonne un carac­tère sourd et souf­flé ; le r et le l sourds étaient géné­ra­le­ment expri­més de cette manière et se trans­crivent hr, hl. Plus tard, 33 vint à repré­sen­ter le h seul, et le son hy (l’ancienne valeur de cette lettre) s’exprima désor­mais en ajou­tant le tehta du y « post­posé ». 

  14. Les valeurs entre paren­thèses ne sont usi­tées que pour l’elfique ; l’astérisque dénote les cirth uti­li­sés exclu­si­ve­ment par les Nains. 


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