L’Éveil et la marche des Elfes


Auteur : © Léo pour la Cour d’Obéron

Origines

Les Elfes, ou Quendi, sont les Pre­miers Enfants d’Ilúvatar, des­ti­nés par lui à peu­pler le monde en pre­mier.

Ils s’éveillèrent en l’an 1050 des Années des Arbres de Vali­nor, près des Eaux de l’Éveil, sur la rive ouest du lac Cui­vié­nen, sous les étoiles de Varda. Ces pre­miers Elfes étaient 144, une moitié d’hommes et l’autre de femmes. On dit que quand les Elfes se réveillèrent, la pre­mière chose qu’ils virent fut le ciel et ses étoiles, et ils s’écrièrent « El ! » pour invi­ter les sui­vants à regar­der aussi. Mais la pre­mière chose que virent les femmes fut leurs époux, et immé­dia­te­ment après, les étoiles. Ainsi Varda (Elbe­reth) est-elle de tous les Valar celle à qui les Elfes offrent en pre­mier leur amour, leur res­pect, et leurs prières. Ils nom­mèrent ensuite toutes les choses qui les entou­raient, c’est pour­quoi ils s’appelèrent eux-mêmes les « Quendi » (ceux qui parlent avec une voix). On dit que parmi les Elfes, les trois pre­miers qui s’éveillèrent devinrent par la suite les chefs des trois tribus. Le pre­mier fut nommé Imin (« Un »), le deuxième Tata (« Deux ») et le troi­sième Enel (« Trois »).

Que les Quendi soient les plus belles créa­tures ter­restres, qu’ils pos­sèdent et ima­ginent et fassent appa­raître plus de beauté que tous mes autres Enfants et qu’ils trouvent le plus grand bon­heur en ce monde.

Histoire commune

Les Elfes se scin­dèrent dès le début en trois tribus, qui vivaient alors ensemble, en par­faite har­mo­nie, et par­laient la même langue. Ceux qui sui­virent Imin, les moins nom­breux, se nom­mèrent les Minyar, et ils étaient 14 au tout début, ceux qui sui­virent Tata les Tatyar, et ils étaient 56, ceux qui sui­virent Enel les Nelyar, et ils étaient 74.

Melkor fut le pre­mier à décou­vrir l’existence des Elfes. Il envoya cer­tains de ses ser­vi­teurs parmi eux, pour les tour­men­ter, les effrayer, et les détour­ner des Valar lorsqu’ils les ver­raient. Cer­tains dis­pa­rais­saient, et les Elfes avaient peur, et disaient que le Chas­seur les avait empor­tés, ou que le Cava­lier Noir les avait pour­chas­sés. Plus tard, beau­coup pen­sèrent que les Elfes qui avaient été enle­vés avaient servi à engen­drer les pre­miers pères de l’immonde race des Orques.

Les Valar étaient loin, retran­chés à Vali­nor, mais ils n’oubliaient pas les Elfes et ils savaient qu’ils devaient appa­raître. De plus, Oromë par­cou­rait les Terres du Milieu, sur son cheval Nahar, chas­sant et explo­rant dans les Terres du Milieu. C’est ainsi qu’un jour, pen­dant une de ses che­vau­chées, 35 années vali­no­réennes plus tard, il passa sous l’ombre des Oro­carni, les Mon­tagnes de l’Est, quand sa mon­ture partit d’un fort hen­nis­se­ment, puis il enten­dit des voix qui chan­taient au loin. Il resta émer­veillé en voyant les Elfes, que plus tard il appela les Eldar, dans leur propre lan­gage (le peuple des étoiles). Mais beau­coup prirent peur à la venue du Vala, à cause des créa­tures et des rumeurs qu’avait dis­sé­mi­nées Melkor, pour les détour­ner d’Oromë. Néan­moins, ceux qui osèrent rester, les plus braves, en voyant la lumière d’Aman sur son visage, com­prirent que ce n’était pas là une des créa­tures démo­niaques de Melkor, et ils l’appelèrent le Grand Che­va­lier. Il resta avec eux, les éclaira, et tant qu’il était là Melkor ne les impor­tu­nait plus.

Il dut retour­ner parmi les siens, pour leur porter la nou­velle, et pen­dant qu’ils débat­taient sur la conduite à adop­ter, celui-ci put recom­men­cer à les per­sé­cu­ter, mais il revint bien vite. Les Valar choi­sirent de faire la guerre à Melkor pour lui arra­cher la domi­na­tion des Terres du Milieu. Ce fut une guerre ter­rible, dont les Elfes n’entendirent que de loin­tains échos, ceux de la colère des Valar, et Melkor n’oublia jamais qu’elle avait été entre­prise contre lui pour les Elfes. Il fut empri­sonné à Vali­nor, et le monde connu la paix pour un long moment.

Les Valar avaient deux points de vue sur ce qu’ils devaient faire vis-à-vis des Elfes : cer­tains pen­saient qu’il fal­lait les faire venir à Vali­nor, et c’étaient les plus nom­breux. D’autres, dont Ulmo, pen­saient qu’il valait mieux les lais­ser libres de leur volonté sur les Terres du Milieu. Mais ceux qui pen­saient le contraire étaient plus nom­breux, et il en fut ainsi. « Mal­heur à nous », dit alors Mandos. Ils envoyèrent Oromë leur pro­po­ser de le suivre, mais ils avaient encore un peu peur, mais trois, un de chaque tribu, acce­ptèrent de le suivre : Ingwë, Finwë, et Elwë. Ceux-là furent tel­le­ment conquis et impres­sion­nés par la mer­veille de Vali­nor, et sur­tout de la Lumière, qu’en retour­nant à Cui­vié­nen ils n’eussent pas beau­coup de mal à convaincre leurs frères de les suivre, mais tous ne vou­lurent pas par­tirent. Ce fut la pre­mière sépa­ra­tion des Elfes. Ceux qui par­tirent furent sur­nom­més les Eldar, même si ce terme dési­gnait au début tous les Elfes, et les autres les Avari (Ceux du Refus).

Les Avari

Les Elfes eux-mêmes ne se sont jamais mis d’accord sur le nombre de ceux qui par­tirent pour le Grand Voyage. Seuls les Minyar par­tirent tous. La moitié des Tatyar ne partit pas, 28 donc, ainsi que 28 Nelyar. Les pre­miers Avari furent donc 56. Ils se divi­sèrent cer­tai­ne­ment par la suite, mais on ne sait exac­te­ment ce qu’ils firent. On sait tou­te­fois qu’ils furent parmi les pre­miers ensei­gnants des Humains, avec les Nains, avec qui ils com­mer­çaient. Ils étaient méfiants et bel­li­queux, et il est pos­sible que cer­tains lut­tassent aux côtés de Mor­goth. Morwë et Nurwë étaient deux Elfes des Tatyar et des Nelyar qui n’avaient pas confiance envers les Valar, et qui s’étaient fait har­ce­ler par les créa­tures de Melkor, car ils vivaient avec les leurs, à l’écart. Au début, ils réus­sirent à convaincre les autres de ne pas partir, car ils aimaient Cui­vié­nen, mais l’attrait de la lumière fut plus fort, et ils regret­tèrent lon­gue­ment le départ de leurs frères.

Les Minyar, qui sui­vaient Ingwë, furent les pre­miers à partir, les plus rapides et aussi les moins nom­breux. Venaient ensuite les Tatyar qui sui­vaient Finwë, et qui avaient pris le nom de Noldor. Les Nelyar, qui sui­vaient Elwë et son frère Olwë, venaient ensuite, les plus nom­breux et les plus lents. C’est à cette époque, celle du départ, que les Avari sortent des récits des Eldar.

Les Vanyar

« Les Blonds », le nom qui leur était donné par les Noldor (ils se nomment géné­ra­le­ment eux-mêmes Minyar), en réfé­rence à la cou­leur de leurs che­veux, ou aussi appe­lés « les Beaux ». Les Vanyar sont com­po­sés de la tota­lité des Minyar, qui sui­virent Ingwë, leur chef, qu’ils avaient pris comme Roi (et qui était aussi le Roi de tous les Elfes). Leurs yeux sont bleus, leur che­ve­lure blonde dorée, et ils sont sveltes et grands. Ce sont ceux qui res­semblent le plus aux Ainur, et les plus doués dans la poésie, la magie, et la danse. À cause de cette grande beauté, les Noldor cher­chaient sou­vent à contrac­ter des mariages avec des Vanyar.

Ingwë réus­sit faci­le­ment à convaincre son clan de le suivre, et ils arri­vèrent rapi­de­ment aux côtes de Bele­riand, jusqu’à la mer. Un pro­blème se posa alors, com­ment la fran­chir ? Manwë convain­quit Ulmo d’utiliser une île comme bateau, avec l’aide d’Ossë. Lorsqu’il arriva, les Noldor et une partie des Lindar étaient déjà arri­vés au Bele­riand. Les Elfes avaient peur de l’océan, mais quand souf­flèrent les Ulu­muri, cette peur se mua en désir, et les Vanyar et les Noldor embar­quèrent ensemble.

À Vali­nor, les Vanyar vécurent d’abord à Tirion, la cité des Noldor, pen­dant de longues années, car ils ne vou­laient pas encore vivre en pleine lumière : une moitié de Tirion était expo­sée aux étoiles et à la nuit d’un côté des Pelori (les mon­tagnes qui pro­tègent Vali­nor), et l’autre tour­née vers la lumière des Deux Arbres. Ingwë y avait sa tour, Mindon Elda­liéva. Mais plus tard, aspi­rant à la lumière com­plète, la plu­part des Vanyar, excepté quelques-uns qui aimaient trop les Noldor et qui res­tèrent à Tirion, se ren­dirent direc­te­ment sur la mon­tagne de Manwë ou dans les plaines et les bois de Vali­nor. Ils se ren­daient sou­vent chez les Valar, ou fai­saient de grands voyages pour décou­vrir les êtres vivants, les eaux et les secrets de la terre.

Ingwë Quen­di­ran est leur roi, mais aussi celui de tous les Elfes, il habite avec sa famille dans le palais de Manwë. D’autres habitent aussi à Valmar. La plu­part de leurs échanges sont avec les Noldor, et ils n’ont plus de contacts avec les Teleri. Leur langue est le Quenya, très peu dif­fé­rent de celui des Noldor, qu’on appelle par­fois Vanya­rin. Une de leurs plus grandes œuvres est la Com­plainte des Deux Arbres, ou Aldu­denïe, com­po­sée par Ele­mirrë.

Au cours des siècles, les Vanyar demeu­rèrent en paix à Vali­nor, pleu­rant par­fois sur le passé et les souf­frances des Terres du Milieu, ils ne quit­tèrent Vali­nor qu’à la fin du Pre­mier Âge, lors de la Grande Colère, pour aller affron­ter les hordes de Mor­goth, et les légions blanches des Vanyar se ras­sem­blèrent der­rière Ingwë, vic­to­rieu­se­ment.

Les Noldor

« Les Sages », « les Elfes Pro­fonds », deuxième clan des Eldar, issus des Tatyar, qui entre­prit le Grand Voyage, sous la conduite de Finwë Nol­do­ran, c’est d’eux qu’il s’agit dans bon nombre de récits sur les Terres du Milieu. Ce sont les autres tribus qui les appe­laient comme ça, car ils étaient déjà les plus doués dans les arts, les tra­vaux manuels, la créa­tion, et étaient avides de connais­sances, et ils acce­ptèrent ce nom. Ils sont grands, res­sem­blant un peu aux Vanyar, mais ont le teint plus basané, avec des che­veux géné­ra­le­ment noirs et des yeux gris acier. Ils sont les créa­teurs de beau­coup des plus belles œuvres d’Arda. À Vali­nor ils inven­tèrent le Quenya, qui devint la langue de tout le Pays d’Aman. Sur les Terres du Milieu, ce sont les Elfes qui s’entendent le mieux avec les Nains, car ils par­tagent l’amour d’Aulë et de la forge, et les deux races ont sou­vent tiré profit l’une de l’autre.

Finwë sou­hai­tait autant partir pour Vali­nor avec son peuple qu’Ingwë, mais ce n’était pas le cas de tous les Tatyar, dont la moitié refusa de partir (bien que les Noldor aient du mal à l’admettre). Bien plus tard, les Noldor reve­nus au Bele­riand retrou­vèrent leurs loin­tains cou­sins Avari issus des Tatyar, qui se décla­rèrent leurs parents, et les Noldor exilés furent outra­gés, bles­sés dans leur orgueil.

Le voyage depuis Cui­vié­nen se déroula rapi­de­ment, mais Finwë vou­lait attendre son ami Elwë, aussi les Noldor retar­daient leur pas pour le régler sur celui des Teleri (les Lindar). De plus, ils s’émerveillaient conti­nuel­le­ment sur ce qu’ils trou­vaient en chemin. En arri­vant au Bele­riand, ils séjour­nèrent avec les Vanyar qui atten­daient de tra­ver­ser, et ils embar­quèrent avec eux sur l’île affré­tée par Ulmo et Ossë pour tra­ver­ser l’océan.

À Vali­nor, ils bat­tirent Tirion, au sommet de la col­line de Tuna, dans le Calar­cya, seule ouver­ture des Pelori, où ils vécurent, au début, avec les Vanyar. Devant Mindon, la tour d’Ingwë, Yavanna plante Gala­thi­lion, une réplique plus petite de Tel­pe­rion, le pré­féré des Vanyar et des Noldor, mais qui ne fai­sait pas de lumière, et qui donna beau­coup de reje­tons, comme Cele­born, qui est à Tol Eressëa. Un côté de la cité était tourné vers la nuit et les étoiles du monde exté­rieur, l’autre vers la lumière des Deux Arbres. À Vali­nor, ils étaient les pré­fé­rés d’Aulë, avec qui ils par­ta­geaient l’amour de la créa­tion, de la forge, des sciences et de l’orfèvrerie.

Finwë prit pour épouse Miriel Serindë (Serindë signi­fie « tis­seuse », car elle excel­lait dans la bro­de­rie). Elle mit au monde un enfant, et elle sentit alors que toute son éner­gie, toute la force qui lui aurait permis d’en avoir d’autres allait être consom­mée, si bien qu’elle nomma son fils Feä­naro (Esprit du Feu qui devient Fëanor en Sin­da­rin). Sa joie de vivre mourut aussi dans l’accouchement, et elle se retira dans les jar­dins de Lórien, avant de quit­ter son corps pour aller dans les Cavernes de l’Attente. Finwë éleva son fils, l’appelant Curu­finwë. Il était doué, intel­li­gent, et rece­vait toute l’affection de Finwë, mais était aussi d’humeur sombre et arro­gante. Il conçut plus tard les plus grandes œuvres d’Arda, les Sil­ma­rils, mais est aussi à l’origine des Teng­war, les runes elfiques, ou des Palantíri.

Long­temps plus tard, Ingwë invita Finwë à venir apai­ser son cha­grin chez lui quelque temps. Là il ren­con­tra Indis, qui chan­tait mer­veilleu­se­ment, sur les pentes du Tani­que­til. C’était la sœur d’Ingwë, qui aimait secrè­te­ment Finwë depuis long­temps. La loi de Vali­nor fut chan­gée pour leur per­mettre de se marier (car Finwë l’était tou­jours avec Miriel), et il fut permis à un époux de se rema­rier quand l’autre était décédé. Mais Fëanor fut jaloux, et n’aima ni Indis ni ses enfants. Il y en eut cinq, trois filles et deux fils, Fin­gol­fin et Finar­fin, aussi appe­lés Ñolo­finwë Ingoldo et Ara­finwë Inga­laurë. Ils étaient bons et justes.

Fëanor avait un maître, Mathan, un for­ge­ron qui lui apprit tous ses secrets. Il épousa sa fille, Ner­da­nel, qui lui donna sept fils, Maedh­ros, Maglor, Cele­gorm, Curu­fin, Amrod et Amras.

À Vali­nor, les Vanyar, les Noldor et les Teleri étaient heu­reux. Les Noldor creu­saient les mon­tagnes et ouvra­geaient des gemmes.

C’est alors, au bout d’un cer­tain temps, que Melkor fut libéré. Pen­dant un cer­tain temps, il demeura parmi les Elfes, affi­chant une belle et bonne appa­rence, fai­sant mine de répa­rer ses fautes, mais il pré­pa­rait sa revanche. Les Noldor étaient ceux qui l’écoutaient le plus, avides de connais­sances, et c’est sur eux qu’il concen­trait toute son atten­tion. Ses men­songes allaient bien­tôt engen­drer le mal­heur.

C’est à cette époque que Fëanor, guidé par une intui­tion qui lui deman­dait de conser­ver la lumière des Deux Arbres, conçut les Sil­ma­rils. Ces joyaux étaient plus mer­veilleux que tout ce qui avait été fait ou qui le sera à jamais, et les Valar les avaient bénis, aussi Melkor fut-il immé­dia­te­ment pris d’envie, et ils aug­men­tèrent aussi l’orgueil de Fëanor, qui, au demeu­rant, détes­tait Melkor, car il per­ce­vait sa vraie nature. Melkor, pour par­faire sa ven­geance et jeter le trouble parmi les Noldor à Vali­nor, fit alors passer de mau­vaises rumeurs, pour appor­ter la dis­corde dans la famille royale déjà en équi­libre instable, disant que Fin­gol­fin vou­lait la cou­ronne, et en disant aussi que si les Valar vou­laient garder les Elfes à Vali­nor c’était pour les main­te­nir pri­son­niers, et les empê­cher de voir le monde exté­rieur. Il leur apprit aussi à faire des armes, et tous, secrè­te­ment, for­geaient des armes de leur côté. Fëanor com­mença même à parler de rébel­lion ouverte contre les Valar, et les Noldor se méfiaient les uns des autres. Finwë convo­qua le conseil des Noldor, pour tenter de résoudre les pro­blèmes. Fin­gol­fin était en train de parler des agis­se­ments de Fëanor lorsque celui-ci entra, avec une épée. Il se mit en colère, et le menaça. Les Valar le condam­nèrent à l’exil hors de Tirion, et, avec les siens, il se construi­sit une for­te­resse au nord de Vali­nor, appe­lée For­me­nos. Melkor voulut le convaincre de s’allier avec lui, par­lant notam­ment des Sil­ma­rils qu’il fal­lait pro­té­ger de la convoi­tise des Valar, mais Fëanor lut dans son cœur et lui claqua la porte au nez. Finwë ne vou­lait pas se sépa­rer de son fils, et il alla y vivre lui aussi, lais­sant la cou­ronne à Fin­gol­fin, et réa­li­sant ainsi les men­songes de Melkor. Les Valar, com­pre­nant que tout ceci était de sa faute, sou­hai­tèrent le cap­tu­rer à nou­veau, mais il s’était enfui. Pour un temps, le bon­heur et le calme revinrent à Vali­nor. Il était en fait allé dans le sud, pour trou­ver Ungo­liant.

Quelque temps après, Manwë orga­nisa une grande fête pour récon­ci­lier les Noldor, et les Vanyar vinrent eux aussi, ainsi que Fëanor, seuls et sans appa­rats, et sans les Sil­ma­rils. Là il se récon­ci­lia avec Fin­gol­fin. C’est en ce jour fati­dique que Melkor vint tuer les Deux Arbres, avec Ungo­liant, avant d’attaquer For­me­nos, pour y tuer Finwë, et y voler les Sil­ma­rils ainsi que le reste du trésor, avant de s’enfuir.

La peine subie était ter­rible, tous se ren­dirent sur les col­lines des Deux Arbres pour pleu­rer et regar­der Yavanna tenter de redon­ner vie aux Arbres. Elle demanda alors si Fëanor accep­tait de lui donner les Sil­ma­rils, pour faire revivre les Deux Arbres, mais celui-ci refusa, c’était son œuvre et l’abandonner ainsi le tue­rait, et il fut le pre­mier à appe­ler Melkor Mor­goth, le Noir Ennemi. C’est alors qu’arrivèrent des mes­sa­gers, qui leur apprirent ce qui s’était passé à For­me­nos, et tous sûrent que le destin était scellé. Fëanor était dans une rage folle, il ras­sem­bla son peuple et ses fils, et se rendit à Tirion. Là il pro­nonça un dis­cours contre les Valar, qu’il accu­sait de pas­si­vité et de lâcheté, et contre Mor­goth, enjoi­gnant les Noldor à le suivre hors de Vali­nor, pour aller reprendre les Sil­ma­rils à Mor­goth. Ce dis­cours était d’une inten­sité telle que les Noldor s’enflammèrent, même si Fin­gol­fin et Finar­fin étaient contre, car il avait attisé en eux l’attrait de la liberté et des grands espaces. Fëanor et ses fils firent alors un ter­rible ser­ment, qui atti­re­rait à eux la Nuit Eter­nelle s’ils venaient à le briser : ils jurèrent de pour­suivre de leur haine et leur ven­geance jusqu’aux confins du monde tout Vala, Démon, Elfe, tout Humain ou tout être encore à naître, toute créa­ture grande ou petite, bonne ou mau­vaise qui pour­rait venir au monde jusqu’à la fin des temps et qui aurait un Sil­ma­ril en sa pos­ses­sion. La majo­rité des Noldor décida de suivre Fëanor, même Fin­gol­fin et Finar­fin, car ils y étaient pous­sés par leurs enfants, et les Noldor qui ne par­tirent pas ne le firent pas par lâcheté, mais par amour pour Tirion et Vali­nor. Fëanor sou­hai­tait partir tout de suite, car il ne vou­lait voir bais­ser l’ardeur des Noldor, aussi demanda-t-il aux Teleri d’Alqualondë de lui prêter leurs navires, ou même de le suivre, mais ils essayèrent au contraire de le dis­sua­der de partir. Dans sa colère, Fëanor et son peuple atta­quèrent les Teleri, pour prendre les navires de force. Ceux-ci étaient plus nom­breux et ils les repous­sèrent avec perte. Arri­vèrent alors les sui­vants de Fin­gol­fin, et ils se jetèrent dans la bataille, croyant que les Teleri avaient atta­qué les pre­miers, et les Noldor l’emportèrent. Finar­fin et ses enfants n’intervinrent pas, car Eärwen, l’épouse de Finar­fin, était la fille d’Olwë, le roi d’Alqualondë. Le Mas­sacre Fra­tri­cide des Teleri fut un motif de plus dans les dis­sen­sions, qui devaient engen­drer de grands mal­heurs par la suite.

Manwë ne vou­lait pas rete­nir les Noldor, qui étaient libres, mais il avait tou­te­fois envoyé un mes­sa­ger pour les dis­sua­der de partir, mais la réponse de Fëanor l’obligea à s’incliner, réduit au silence. Après le Mas­sacre, alors que les Noldor fai­saient route vers le nord sur leurs navires, un mes­sa­ger plus funeste fit son appa­ri­tion, dont beau­coup dirent que c’était Mandos lui-même.

« Vous pleu­re­rez des larmes sans nombre et les Valar for­ti­fie­ront Vali­nor pour vous enfer­mer dehors, afin que même l’écho de vos plaintes ne fran­chisse plus les mon­tagnes. La colère des Valar s’étend de l’Est à l’Ouest sur la maison de Fëanor, et elle tou­chera tous ceux qui les sui­vront. Leur Ser­ment les entraî­nera, les tra­hira ensuite et leur fera perdre jusqu’aux tré­sors qu’ils avaient juré de pour­suivre. Tout ce qui com­mence bien finira mal et la fin vien­dra des tra­hi­sons entre les frères et de la peur d’être trahi. Ils seront à jamais les Dépos­sé­dés ».

« Vous avez répandu injus­te­ment le sang de vos frères, vous avez souillé la terre d’Aman. Pour le sang vous ver­se­rez le sang et au-delà d’Aman vous mar­che­rez sous l’ombre de la Mort. Car si Eru ne vous a pas des­tiné à mourir de mala­die en ce monde, vous pouvez être tués et la mort s’abattra sur vous : par les armes, la souf­france et le mal­heur, et vos esprits errants devront alors se pré­sen­ter devant Mandos. Et là vous atten­drez long­temps, vous regret­te­rez vos corps perdus en implo­rant misé­ri­corde. Croyez-vous trou­ver de la pitié, croyez-vous que ceux que vous avez tués inter­cé­de­ront pour vous ? Et pour ceux qui n’atteindront pas le trône de Mandos et res­te­ront sur les Terres du Milieu, le monde devien­dra un far­deau qui les affai­blira, ils ne seront plus que les ombres d’un regret quand vien­dra la race plus jeune. Ainsi les Valar ont parlé ».

Et voici la réponse de Fëanor, à ce que l’on appela la Pro­phé­tie du Nord, ou le Destin des Noldor : 

« Nous n’avons pas fait ce ser­ment à la légère et nous le tien­drons. On nous menace de grands maux, la tra­hi­son n’est pas le moindre, mais il n’est pas dit que nous aurons à souf­frir de la lâcheté ou de la peur des lâches. Alors je dis que nous allons conti­nuer et j’ajoute ces mots à la pro­phé­tie : les exploits que nous allons accom­plir seront chan­tés sur Arda jusqu’à la fin des temps ».

Beau­coup de Noldor, et Finar­fin le pre­mier, à la fois ter­ro­ri­sés par les paroles des Valar et hon­teux du Mas­sacre, reniant Fëanor, firent alors demi-tour, pour aller implo­rer le pardon des Valar, qui leur accor­dèrent, mais les autres conti­nuèrent leur route. Finar­fin devint Roi des Noldor à Tirion, mais ses enfants conti­nuaient leur chemin.

Fëanor trou­vait que le chemin était trop long, et il sou­haita rat­tra­per Mor­goth au plus vite. Aussi, avant Hel­ca­raxë, où le climat est très froid, il tra­versa avec ses fils et son peuple sur les navires, puis les fit brûler, aban­don­nant Fin­gol­fin et les autres, en qui il n’avait de toute façon pas confiance. Ce fut le pre­mier accom­plis­se­ment de la pro­phé­tie de Mandos, et la tra­ver­sée de l’enfer glacé n’allait pas être un mince exploit pour Fin­gol­fin et les siens, qui ne vou­laient pas faire marche arrière.

Les Teleri

« Les Der­niers », nom qui leur est donné par les autres tribus, ils sont aussi appe­lés les Lindar « les chan­teurs ». Ils furent le der­nier clan à entre­prendre le Grand Voyage, à l’origine les Nelyar, et aussi le plus nom­breux. Ils avaient deux chefs, Elwë Sin­gollo, qui avait été un des trois ambas­sa­deurs, avec Ingwë et Finwë, et son frère Olwë. Les Teleri sont d’excellents chan­teurs, ils aiment la nature et la mer, et de grands marins, c’est pour­quoi ils aiment beau­coup Ulmo et Ossë. Ils sont d’apparence phy­sique très diver­si­fiée, mais beau­coup d’entre eux ont les che­veux argen­tés. Leur grand nombre fait qu’ils sont inca­pables de l’union, aussi très tôt on peut obser­ver dif­fé­rents groupes : les Fal­mari, les Fala­thrim, les Nandor, les Lai­quendi, et les Sindar.

Lors du grand voyage, ils étaient divi­sés en deux groupes : l’un, plus pressé, dirigé par Elwë qui vou­lait retour­ner à Vali­nor, et l’autre, plus lent, qui sui­vait Olwë. Arri­vés devant les Monts Bru­meux, élevés par Melkor pour blo­quer le pas­sage des Elfes, un groupe, dirigé par Lenwë (Dân), et effrayé par les Mon­tagnes, s’éprit de l’Anduin et des forêts qui l’entouraient, et ils déci­dèrent de rester là, sor­tant pour un temps de l’histoire connue. On les appela les Nandor, bien qu’ils conti­nuassent à s’appeler Lindar. Au Troi­sième Âge, le Nan­do­rin était tou­jours parlé à Mirk­wood et en Lórien. Plus tard, cer­tains vinrent à Bele­riand, sous la conduite de Dene­thor, fils de Lenwë, et se fon­dirent dans d’autres popu­la­tions, chez les Sindar ou en Ossi­riand.

Elwë allait sou­vent seul, notam­ment voir son ami Finwë Nol­do­ran, mais un jour il dis­pa­rut subi­te­ment. Les siens com­men­cèrent à le cher­cher, en pure perte, mais ne purent se résoudre à l’abandonner. Pen­dant ce temps, Olwë et les siens conti­nuaient, si bien qu’ils arri­vèrent au Bele­riand. Mais les Vanyar et les Noldor étaient déjà partis, si bien qu’ils res­tèrent sur les côtes à attendre, ou bien retour­nèrent dans les forêts à la recherche d’Elwë. Ossë le Maia vint alors parmi eux et les ensei­gna, et ils le sur­nom­mèrent Balar (« Valar » dans leur lan­gage), si bien qu’ils nom­mèrent le pays où ils se trou­vaient Bele­riand, et le mor­ceau d’île qui avait été déta­ché de celle uti­li­sée pour trans­por­ter les Elfes à Vali­nor, et où il aimait se rendre, « l’île de Balar ». Fina­le­ment, les Noldor récla­mant la venue de leurs frères Lindar, Olwë et beau­coup de ceux qui le sui­vaient embar­quèrent sur l’île pour aller vers l’ouest, même si Ulmo aurait pré­féré qu’ils res­tent sur les Terres du Milieu, pen­sant que c’était là la meilleure chose pour les Elfes. Ceux qui res­tèrent, accé­dant aux prières d’Ossë et Uinen, devinrent les Fala­thrim, et Círdan devint leur chef, et les autres les Fal­mari (les Elfes Marins). En plein milieu de la baie d’Eldamar, en vue de Vali­nor, les Teleri deman­dèrent à Ossë d’arrêter leur pro­gres­sion, et lui et Ulmo acce­ptèrent bien volon­tiers. Cent années vali­no­riennes pas­sèrent, et ils deman­dèrent à se rendre à Vali­nor. Ossë leur apprit donc à construire des navires, en forme de cygne, et ils se ren­dirent au port que les Noldor avaient construit pour eux, Alqua­londë. D’autres res­tèrent sur l’île, qui s’appela désor­mais l’Ile Soli­taire, Tol Eressëa, en vue des Terres Immor­telles, et ils y construi­sirent un port, Ava­lonnë, dont le phare était la pre­mière chose que voyait le marin qui navi­guait vers Vali­nor. Un Arbre Blanc pousse au centre de l’île, Cele­born, un reje­ton de Gra­la­thi­lion, lui-même image de Tel­pe­rion que Yavanna donna aux Eldar.

Les Fal­mari de Vali­nor se ren­dirent à Alqua­londë, dont le palais était tout entier fait de perles, et le Port des Cygnes éclairé par les lampes innom­brables. Ils avaient la lumière des étoiles, et un peu de celle des Deux Arbres qui pas­sait par Calar­ci­rya. Ils com­mercent avec les Noldor, échan­geant des perles en échange de pierres pré­cieuses, qui décorent leurs plages et leurs côtes, et n’ont pas de contacts avec les Vanyar. Ils aiment à navi­guer dans leurs navires en forme de cygnes. Eärwen, la fille du roi des Fal­mari Olwë, épousa Finar­fin, le troi­sième fils de Finwë, et ils engen­drèrent Finrod et Oro­dreth, Angrod et Aegnor, et Gala­driel. Les siècles s’écoulaient pai­si­ble­ment pour les Fal­mari, jusqu’à la libé­ra­tion de Melkor et la dis­corde des Noldor. Fëanor, qui vou­lait quit­ter Vali­nor pour partir à la pour­suite de Melkor et des Sil­ma­rils, se rendit auprès d’Olwë, lui deman­dant de l’aider à tra­ver­ser l’océan avec ses navires, ou même de partir avec eux, car il pen­sait que cela attris­te­rait les Valar, en lui disant notam­ment qu’il pour­rait retrou­ver ses parents oubliés du Bele­riand. Mais Olwë refusa, ten­tant même de convaincre les Noldor de rester à Vali­nor, et Fëanor répon­dit que si Olwë était un ami, il devrait prêter les navires. Olwë répli­qua qu’il était aussi de son devoir de le mettre en garde. Et ses navires étaient aussi uniques que les Sil­ma­rils de Fëanor. Celui-ci quitta les halls d’Olwë, furieux, et pen­sant que les Fal­mari étaient à la solde des Valar, et il décida de prendre les navires par la force. Les Lindar les repous­sèrent au début, car plus nom­breux, quand arri­vèrent les troupes de Fin­gol­fin, qui pen­saient que les Teleri avaient déli­bé­ré­ment voulu empê­cher les Noldor de quit­ter Vali­nor. Les troupes de Finar­fin n’intervinrent ni d’un côté ni de l’autre. La bataille dégé­néra en mas­sacre, car les Noldor étaient bien mieux armés, et ils quit­tèrent Vali­nor en meur­triers. Par la suite, les Fal­mari n’intervinrent hors de Vali­nor que pen­dant la Grande Colère, pour conduire par navire les troupes de Vali­nor au Bele­riand, mais ils ne vou­lurent pas poser quit­ter leurs navires, car même s’ils avaient par­donné le Mas­sacre du Port des Cygnes, ils ne l’avaient pas oublié. Au Deuxième Âge, les Fal­mari de Tol Eressëa se ren­daient sou­vent à Núme­nor, pour y porter des cadeaux et rendre visite aux Dúne­dain. Ils leur don­nèrent même une pousse de Cele­born, qui donna Nim­loth.

En réa­lité, Elwë avait ren­con­tré Melian, vers l’an 1130 des Deux Arbres, dans la pro­fonde forêt de Nan Elmoth au Bele­riand…


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