05 · Les habitants en 3A 1640

Bien que poli­ti­que­ment uni, le Royaume des Dúne­dain Sep­ten­trio­naux est, du point de vue eth­nique, diver­si­fié et stra­ti­fié d’une façon remar­quable. Ses fron­tières sur le pied de guerre contiennent un groupe de socié­tés inflexi­ble­ment seg­menté et isolé, quoiqu’étonnamment varié, des peuples qui sont dif­fi­ciles à loca­li­ser, impos­sible à unir et qui font face à un défi sans fin pour ce qui est de les pro­té­ger. Les Hommes du Royaume Sep­ten­trio­nal font face à de for­mi­dables obs­tacles à l’intérieur de leur pays aussi bien qu’au long de leurs fron­tières sous une menace constante.

Domi­nant le cœur rocheux du pays se trouvent les gens de l’Arthedain eux-mêmes, les plus grands et les plus « Elfiques » des hommes. Ces des­cen­dants fiers et esthètes des Fidèles de Númé­nor, aussi peu nom­breux soient- ils et quoiqu’ils s’affaiblissent dans le pou­voir mon­dial, comptent parmi eux de grands éru­dits et pro­phètes — incluant au moins un vision­naire, Mal­beth, qui a prévu le destin de son peuple — et un Magi­cien en visite, Gan­dalf le Gris, qui a porté un grand inté­rêt dans le peuple et la culture des Dúne­dain Sep­ten­trio­naux. La fierté immense de l’Arthedain, quoique dan­ge­reuse si elle n’est pas accom­pa­gnée d’un esprit mar­tial, est jus­ti­fiée et bat sans affai­blis­se­ment dans leur sang « bleu » à tra­vers tout le Troi­sième Age trou­blé et désas­treux.

Les habi­tants les plus récents de la région, les Hob­bits à la taille enfan­tine, qui, il y a à peine qua­rante ans étaient regrou­pés et s’ennuyaient à Bree, occupent et cultivent désor­mais les larges et fer­tiles plaines de l’Arthedain méri­dio­nal, plaines qu’ils ont bap­ti­sées la Comté. À l’Est, le mélange des humains et des Hob­bits à Bree, où se croisent les anciennes grandes routes nom­mées Grande Route de l’Est et Route du Nord (ou « Chemin Vert »), s’agitent et dis­cutent de façon très inquié­tante, car les agents d’Angmar sont par­tout, et les espions du Roi-Sor­cier voient tout. Rap­pe­lez-vous, aven­tu­riers : Sauron, ins­truc­teur malé­fique de la main de fer du Roi- Sor­cier, fut pri­son­nier des chaînes de Númé­nor là où les ancêtres des habi­tants de l’Arthedain vécurent pai­sibles et pros­pères durant 2000 ans. N’oubliez jamais que l’inimitié du Sei­gneur Téné­breux vis-à-vis de l’Arthedain est per­son­nelle et extrême, sa ran­cune étant sans fond à l’image de la Cre­vasse du Destin de Mordor.

Dans le Grand Nord, vivant aux envi­rons de la grande Baie de Glace de Foro­chel, se trouvent les Los­soth, les des­cen­dants « étranges, inami­caux » et isolés d’un mys­té­rieux peuple sep­ten­trio­nal du Pre­mier Age (SdA, Appen­dice A,l). Ces nomades insai­sis­sables, les « Hommes des Neiges » des Ter­ri­toires Incultes, demeurent sus­pi­cieux vis-à-vis des étran­gers, et sont ter­ri­fiés par le Roi-Sor­cier. Mis à part un rôle plus tard lors du Troi­sième Age, les Los­soth n’interviennent pas dans les évé­ne­ments recon­nus des Terres du Milieu.

Deux cultures bien dis­tinctes et déter­mi­nées à se tenir hors des pro­blèmes vivent à l’Ouest de la Rivière Lhûn : les Nains épar­pillés des Mon­tagnes Bleues et les Elfes de Lindon, les der­niers pro­tec­teurs sûrs de l’Arthedain, menés par Círdan le Char­pen­tier de Navires. En raison de la longue durée de leur rési­dence dans la région, les Elfes et les Nains ont vu et subi assez de souf­frances.

Leurs chefs, lassés du monde, et leurs peuples, épui­sés, sou­haitent se faire oublier, bien que les Elfes gardent un sens du danger et qu’ils main­tiennent une sur­veillance, comme celle assu­rée par les Ran­gers du Nord de l’Arthedain.

5.1 Les Arthedain

S’il existe un seul peuple assez noble et fort pour faire face sans flé­chir à la per­fi­die d’Angmar et com­battre les Ténèbres qui déferlent de l’Est comme une peste, il s’agit des Arthe­dain. Aucune his­toire des Hommes n’est à la fois aussi noble et triste que la leur, désor­mais exilés du Pays du Don, l’île de Númé­nor ; ils sont des­ti­nés au cha­grin et à l’égarement et à une dimi­nu­tion de pou­voir à tra­vers tout le Troi­sième Age. Jusqu’à pré­sent, l’Arthadan n’a jamais envi­sagé de se rendre ou de s’accommoder avec le mal tou­jours gran­dis­sant qui le menace, comme il l’a fait depuis 300 ans.

5.11 Histoire des Dúnedain

Pour com­men­cer à com­prendre les Arthe­dain, nous devons tracer leur lignée depuis les fon­da­teurs d’Arnor jusqu’aux Dúne­dain (S. « Edain de l’Ouest »), des­cen­dants des Edain du Pre­mier Age. Ce furent eux qui, tôt au cours du Deuxième Age, navi­guèrent à l’Ouest jusqu’à l’Ile en forme d’étoile d’Elenna (Q. « Etoile de Garde ») pour fonder la plus grande et la plus intel­lec­tuelle des cultures Humaines. For­te­ment influen­cés par leurs alliés Elfes, les grands Dúne­dain imberbes aux che­veux sombres s’étaient vu offrir l’île-continent comme un cadeau de remer­cie­ment pour leur cou­ra­geuse et san­glante aide appor­tée aux Elfes dans leur lutte contre Mor­goth, le mentor et maître en mali­gnité de Sauron, au Pre­mier Age. Ces Hommes du Haut appe­lèrent leur nou­velle patrie Ana­dûnê (Númé­nor dans la langue des Elfes Gris) et devinrent ceux connus comme les Númé­no­réens.

Ainsi, Númé­nor (Q. « Terre de l’Ouest ») avait été créée par les Valar comme un havre devant les dévas­ta­tions natu­relles et sur­na­tu­relles des Terres du Milieu ; leur inten­tion était que les Dúne­dain vivent à jamais heu­reux sur l’île, dans la fra­ter­nité avec les Elfes d’Eressëa. Les Valar n’imposèrent qu’une unique res­tric­tion aux Hommes de Númé­nor : aucun Homme ne devrait jamais navi­guer vers l’Ouest jusqu’aux Terres Éter­nelles, demeure des Immor­tels. À part cela, les Númé­no­réens étaient libres d’explorer toutes les terres qu’ils pou­vaient atteindre en navi­guant au Nord, au Sud et à l’Est, y com­pris les Terres du Milieu.

Les Núménoréens

Pen­dant presque deux milles ans, la culture Númé­no­réenne s’épanouit et fleu­rit dans une beauté incom­pa­rable et une paix et une har­mo­nie inin­ter­rom­pues. Les pêcheurs s’occupaient de leurs filets et les pâtres s’occupaient de leurs trou­peaux, tandis que, dans l’entourage de la famille royale, des nobles ins­truits écri­vaient de riches infor­ma­tions sur l’histoire et la géo­gra­phie tout autant que des trai­tés d’érudition sur les arts et les sciences. Des astro­nomes étu­diaient le mou­ve­ment des étoiles et en fai­saient des rele­vés, aussi bien pour le plai­sir pur de l’étude que pour aider à la navi­ga­tion. Comme les Elfes, les Númé­no­réens ché­ris­saient la lumière des étoiles et les voyages mari­times. La nuit, sous des arbres en fleurs embau­més et entou­rés d’herbes taillées et de jar­dins de fleurs explo­sant en bou­quets, des poètes accom­pa­gnés de musi­ciens de cour lisaient leurs vers au Roi et à la noblesse ras­sem­blée. Les luttes, l’envie, la crainte — tout cela sem­blait s’évanouir comme étaient chas­sés les brumes dans l’air mer­veilleu­se­ment pur de Númé­nor. Jamais aupa­ra­vant des Hommes n’avaient béné­fi­cié d’un climat si bon et vivi­fiant et d’une terre où les brises marines ne ces­saient jamais, et où les pluies étaient appré­ciables sans être exces­sives.

Bien que l’Adûnaic fut leur langue natale, les Númé­no­réens par­laient le Sin­da­rin en signe de défé­rence envers les Elfes Gris qui les avaient édu­qués et ins­pi­rés ; les noms offi­ciels des endroits et des per­sonnes impor­tants — comme la capi­tale et le Roi — étaient donnés en Quenya des Grands Elfes. Les rois et les gué­ris­seurs de Númé­nor avaient appris des Elfes l’usage de l’herbe de soins Athe­las et l’amour de toutes les belles choses. Les oiseaux Kirinki écar­lates chan­taient leurs chants éthé­rés le jour comme la nuit, accom­pa­gnant en musique tout ce qui se pro­dui­sait à la cour.

Pour­tant les gens de Númé­nor n’étaient pas que des amou­reux d’élégance de connais­sance et d’une bonne vie sereine ; ils se réunis­saient régu­liè­re­ment sur le Menel­tarma (Q. « Pilier du Ciel »), la Mon­tagne Sanc­ti­fiée au centre de l’île pour sacri­fier au culte comme une seule per­sonne. Après avoir gravi un long esca­lier en spi­rale sinueuse jusqu’à la cime du Menel­tarma, les Númé­no­réens obser­vaient une lita­nie silen­cieuse. Jusqu’à l’arrivée de Sauron et son ascen­sion vers le pou­voir aux alen­tours de 2A 3300, aucun temple ne se dres­sait pour cacher les étoiles et le ciel à la vue de qui­conque, aucun autel n’avait été construit et pas deux pierres n’avaient été empi­lées pour former un cairn. Trois fois par an, le Roi de Númé­nor se joi­gnait à son peuple — tous en robes blanches flot­tantes et por­tant des guir­landes de fleurs — pour accom­plir un pèle­ri­nage au sommet du Menel­tarma et y faire des prières. Lors de l’Erukyermë, le pre­mier jour du Prin­temps, le Roi fai­sait une prière d’espoir pour l’année à venir. À la mi-été, lors de l’Erukyermë, et plus tard, vers la fin de l’Automne lors de l’Erukyermë, le Roi fai­sait la louange et des remer­cie­ments à Eru, l’Unique, au nom de son peuple qui se tenait silen­cieu­se­ment autour de lui. En tout autre moment, la Mon­tagne Sanc­ti­fiée était le lieu d’un silence sans faille ; au sommet, les Témoins de Manwë, deux Aigles de garde dont l’aire était proche, ser­vaient de gar­diens tou­jours vigi­lants de Númé­nor — jusqu’à la Chute. Depuis le sommet du Menel­tarma, un Homme à la vue por­tant loin aurait pu en regar­dant atten­ti­ve­ment aper­ce­voir à l’Ouest, par une nuit claire, les lumières rou­geoyantes de l’Ile d’Eressëa, demeure des Grands Elfes et le seul pays ter­restre riva­li­sant en beauté avec Númé­nor elle-même.

L’Ile de Núménor

L’île-continent, ayant la forme d’une étoile à cinq branches, ne fai­sait que 960 kilo­mètres dans sa plus grande lar­geur, un pays de taille modeste. Ses cinq pénin­sules, les Tar­ma­sun­dar, s’étendaient comme les bras d’une étoile de mer, sur­gis­sant des hau­teurs du grand pic cen­tral du Menel­tarma. Sous le Menel­tarma, et s’étendant alen­tour comme un grand tapis vert, gisait la Noi­ri­nan, la Vallée des Tombes. Là, entou­rés de ver­doyantes pâtures où les mou­tons erraient et le bétail pais­sait, se dres­saient les vastes caveaux funé­raires en pierre des rois et reines de Númé­nor. (Pen­dant ces mil­lé­naires glo­rieux, dans les Terres du Milieu, des tombes « cor­res­pon­dantes » — les plus anciens des anciens Coteaux aux Tumu­lus des Edain — vieillis­saient et se désa­gré­geaient sous les intem­pé­ries dans ce qui serait appelé plus tard le Car­do­lan).

Plus loin à l’Est sur les plaines se dres­sait Arme­ne­los, l’élégante cité des rois, dans la région la plus peu­plée de Númé­nor. Ses hautes tours, ses larges ave­nues et ses murs blancs concen­triques annon­çaient le plan plus petit d’Annúminas, la capi­tale de l’Arthedain construite plus tard par le fidèle Elen­dil sur les haut-pla­teaux rocheux d’Arnor. Au-dessus de la splen­deur des terres royales d’Armenelos, au sommet de la Tour du Roi, le couple de Grands Aigles avaient construit leur Aire. Là les Aigles se tenaient comme les sym­boles vivants de la béné­dic­tion des Valar sur l’Ile, et leur pré­sence déno­tait le pou­voir des Rois Dúne­dain. Là, éga­le­ment, étaient les sept Pierres de Vision, les Palantíri, créés long­temps aupa­ra­vant par Fëanor, le maître-arti­san Elfe jamais égalé.

La Culture Núménoréenne

Jar­di­niers enthou­siastes et com­pé­tents, les Númé­no­réens soi­gnaient avec amour les arbres, les herbes, les fleurs et les vignes ori­gi­naires de l’île et les dons de ver­dure spé­ciaux et embau­més offerts à eux par les Elfes d’Eressëa, parmi les­quels les puis­sants arbres Mal­lorn (Q. « Mali­normë ») aux fleurs dorées, trans­plan­tés plus tard dans les Terres du Milieu et en Lothló­rien.

Les Númé­no­réens étaient aussi un peuple ath­lé­tique et vigou­reux et aimaient par­ti­cu­liè­re­ment voya­ger à cheval sur les routes de moindre impor­tance et non pavées de l’île, s’arrêtant pour plon­ger depuis les rochers dans la mer et lutter de vitesse pour ensuite rejoindre le rivage. Archers superbes, ils aimaient chas­ser et pêcher avec des arcs com­po­sites cin­trés en acier, comp­tant sur les com­pé­tences à rap­por­ter de leurs sub­tils Chiens de Guerre. Les com­pé­ti­tions de tir à l’arc, comme les ren­contres de rameurs ou de navi­ga­teurs, atti­raient une foule nom­breuse et enthou­siaste ; l’aptitude phy­sique était très admi­rée et encou­ra­gée par la culture Númé­no­réenne comme l’étaient l’acuité men­tale et la conscience mys­tique.

Aussi doués men­ta­le­ment qu’ils étaient actifs phy­si­que­ment, les Númé­no­réens appe­laient com­mu­né­ment leurs che­vaux sans avoir à le faire à haute voix, une com­pé­tence qui se mon­tre­rait utile sur les champs de bataille des Terres du Milieu. Beau­coup pra­ti­quaient com­mu­né­ment cette télé­pa­thie entre membres de leurs familles ou entre com­pa­triotes, cepen­dant par­fois juste pour le plai­sir, accor­dant créance aux sagas dépei­gnant la race enchan­tée des Dúne­dain. De la même façon, les Palantíri, bien que pas tou­jours com­pris par les peuples à venir, se mon­trèrent être des outils puis­sants entre les mains des adroits Men­ta­listes et Pro­phètes de Númé­nor. Ils étaient fré­quem­ment uti­li­sés pour com­mu­ni­quer, gérer les affaires royales ou pour pla­ni­fier l’avenir. Leurs liens avec la Pierre Maî­tresse dans la Tour d’Avallonë sur l’Ile Elfe proche d’Eressëa rap­pro­chaient les Númé­no­réens de leurs frères Pre­miers Nés.

L’Ascension de la Puissance Núménoréenne

La Mer et les Forêts autour d’eux étaient aussi très impor­tantes pour les Númé­no­réens et en grande partie liées. De lourdes car­gai­sons de biens étaient trans­por­tées par mer ; Númé­nor abri­tait trois grands ports, parmi les­quels Romenna, duquel les marins aven­tu­reux de l’île par­taient pour tra­ver­ser la mer par­fois tem­pé­tueuse jusqu’aux rivages des Terres du Milieu. Les Númé­no­réens accu­mu­laient les objets faits ou sculp­tés dans du bois — en par­ti­cu­lier leurs puis­sants et majes­tueux vais­seaux à voiles ! — et vers la moitié du Deuxième Age, aux alen­tours de 1600, ils avaient dévasté les forêts de l’île avant de se tour­ner vers les Terres du Milieu comme source d’exploitation fores­tière, et plus tard comme source de l’Or, de l’Argent, des gemmes et du Mithril qui ne se trou­vaient pas sur Elenna. Les marins Númé­no­réens, dans un pre­mier temps, trai­tèrent les Hommes infé­rieurs des Terres du Milieu avec bien­veillance si ce n’est pater­nel­le­ment et leur apprirent l’agriculture et d’autres entre­prises entraî­nant l’autosuffisance ali­men­taire. Mais vers 2A 1600, l’avidité — aupa­ra­vant aussi étran­gère au carac­tère des Dúne­dain que l’envie ou la paresse — avait sub­mergé l’appréciation Númé­no­réenne affir­mée sur les belles choses. Les marins de Númé­nor s’armèrent et vinrent en bran­dis­sant les orne­ments de la guerre. Une fois qu’ils eurent envoyé des émis­saires dans le but d’enseigner, des colons dans le but de construire, ils envoyèrent des armées por­tant l’arc et la flèche, la hache et la lance, ou l’épée et le sort.

Pen­dant un long laps de temps — c’est-à-dire la durée que mets du poison pour affai­blir une vic­time — Númé­nor se trans­forma en un empire affamé. Les rois de Númé­nor, consu­més par leur grand orgueil, écou­tèrent les avis de conseillers vani­teux et com­men­cèrent à éviter les Elfes d’Eressëa. Les mariages royaux étaient arran­gés pour conso­li­der le pou­voir. A partir de 2A 2000 envi­ron, les Rois refu­sèrent de prendre des noms Elfiques et d’abandonner le Sceptre Royal avant la mort, pen­dant qu’ils étaient sains de corps et d’esprit, comme cela était la cou­tume. La Lignée d’Elros déclina de façon dra­ma­tique ; la durée de vie des Númé­no­réens, cinq fois plus longue que celle des autres Hommes, fut réduite de plus de la moitié. Les pré­cieux tré­sors, tel l’Anneau Elfique de Bara­hir et les Sept Palantíri, faits pour appar­te­nir à tous les Númé­no­réens, furent tout à coup enfer­més et gardés jalou­se­ment par les der­niers Rois. Le peuple se divisa, et la plu­part aban­donna la langue Sin­da­rin en faveur du dis­cor­dant Adû­naic. Après quelques temps, ceux qui gar­dèrent de l’amour et du res­pect pour les Elfes et leurs objets voi­lèrent leur affec­tion par peur de repré­sailles. Ce petit nombre décrois­sant, bap­tisé par les Eldar les Fidèles, furent les ancêtres des vaillants Dúne­dain.

Les Palantíri

Trois des sept Palantíri se trouvent à l’intérieur des fron­tières de l’Arthedain, sous la garde des Elfes de Círdan dans les Tours Blanches des Col­lines aux Tours et deux à For­nost Erain. À la dif­fé­rence des joyaux et des objets de moindre valeur héri­tés des Rois passés, les Pierres de Vision ne sont jamais mon­trées en public ; peu de per­sonnes en dehors des plus hauts cercles de la Cour Royale connaissent même leur exis­tence. Seuls les Rois et leurs Gar­diens dési­gnés ont accès aux Palantíri, qui sont enfer­més dans les salles gar­dées (sou­vent dans des « lin­ceuls » en acier) en haut des tours de la capi­tale. On ne trouve de cita­tion des Pierres en tant que sources d’information qu’à la Cour ; ces cita­tions sont éga­le­ment entre­po­sées loin des yeux du public. Pour­quoi ce secret et cette sécu­rité entou­rant les Pierres ? Pour le com­prendre, il faut d’abord savoir ce que les sept Palantíri offerts aux Dúne­dain peuvent faire — et ce qu’ils ne peuvent faire.

Les Pierres de Vision sont reliées ; c’est-à-dire que chaque Palantír trans­met et reçoit un « mes­sage silen­cieux » de et à un autre uti­lisé en même temps, sa Pierre « en phase ». Les Pierres montrent des images visuelles de scènes et d’actions qui se sont pro­duites, se pro­duisent ou pour­raient se pro­duire, mais elles ne peuvent trans­mettre de dia­logue ni inter­pré­ter les scènes mon­trées. Ainsi la néces­sité pour les Gar­diens et les Pro­phètes, aussi bien que les Rois, d’expliquer ce que les Pierres ont montré est-elle claire.

Les Palantíri sont des objets d’une beauté et d’un mys­tère remar­quables. Sphères par­faites de teinte pro­fon­dé­ment sombre lorsqu’ils sont au repos, ils res­semblent beau­coup à des globes de cris­tal dans les exca­va­tions qui leur servent de ber­ceau dans les tables en marbre sur les­quelles ils reposent. (Un obser­va­teur atten­tif peut noter une minus­cule flamme fré­mis­sant au centre d’une Pierre inuti­li­sée). La plus petite Pierre ne fait que 30 cm de dia­mètre, les deux plus grandes — celles d’Osgiliath en Condor et celle d’Amon Sûl — le sont tant qu’un homme agis­sant seul ne peut les sou­le­ver. Si on les laisse tomber, les Pierres ne sont pas endom­ma­gées — on ne pour­rait pro­ba­ble­ment pas en dire de même pour la car­rière du mani­pu­la­teur mal­adroit — mais une intense cha­leur enchan­tée peut les fra­cas­ser.

Invi­sibles pour les non-ini­tiés, des pôles non mar­qués indiquent un ali­gne­ment, et chaque Pierre a une posi­tion cor­recte propre. Leurs pôles « infé­rieur » et « supé­rieur » per­ma­nents doivent être posi­tion­nés dans l’alignement du centre de la terre pour que l’utilisateur soit en mesure de voir en elles. Les plus petites Pierres sont même liées à une orien­ta­tion donnée ; par exemple, la sur­face de vision Ouest du Palantír d’Orthanc doit être diri­gée vers l’Ouest ou elle reste vide. La Pierre de Vision de la Tour d’Elostirion sur les Col­lines aux Tours est encore plus res­treinte ; elle est liée à la Pierre-Maî­tresse sur Plie Éter­nelle Elfe d’Eressëa et ne peut que faire face à l’Ouest, loin des Terres du Milieu, par-delà la Mer Occi­den­tale (ainsi, elle ne peut four­nir d’informations sur les mou­ve­ments d’Angmar ou sur les Hommes des Col­lines à l’Est). Cepen­dant, les Pierres de Vision prin­ci­pales peuvent être obser­vées sous de nom­breux angles et peuvent mettre en lumière des scènes d’événement de toutes les direc­tions et à des dis­tances fan­tas­tiques. Par exemple, les Palantíri de For­nost peuvent révé­ler à la Cour Royale d’Arthedain des scènes d’une bataille en Gondor, à une dis­tance de plu­sieurs cen­taines de kilo­mètres.

Bien que puis­sants, les Palantíri ont leurs limi­ta­tions, la prin­ci­pale étant leur inca­pa­cité à mon­trer une scène cachée ou mas­quée par l’obscurité. Un obser­va­teur voit les choses comme s’il était pré­sent dans la scène et est sujet à ses condi­tions d’éclairement. Ainsi, une action pre­nant place dans une caverne non éclai­rée ne pour­rait être vue par un Palantír. L’obscurité d’une caverne n’est pas loin d’être abso­lue et trop pro­fonde pour qu’une Pierre de Vision la contre­carre. Tou­te­fois, le manque de lumière à l’intérieur des objets solides n’obscurcira pas la vision d’un endroit au-delà d’eux, parce que l’utilisateur d’une Pierre peut regar­der au tra­vers des « objets » sans gêne. On peut regar­der dans une pièce à tra­vers une porte ou même un pan de mon­tagne, bien que les détails de la pièce peuvent être obs­cur­cis par un éclai­re­ment faible. De plus des visions non maî­tri­sées sont d’ordinaire aléa­toires, des éclairs flous enve­lop­pés d’un arrière-plan bru­meux, ren­dant la com­pé­tence et la connais­sance des Gar­diens des Pierres des élé­ments cru­ciaux.

Pour uti­li­ser com­plè­te­ment une Pierre de Vision, il faut de nom­breuses années d’éducation et de pra­tique, en plus du don de « vision » ou d’interprétation cor­recte de la vision. Pour com­men­cer, l’utilisateur — que ce soit un Ministre, un Gar­dien ou un membre de la famille Royale — doit concen­trer sa volonté et son éner­gie sur la Pierre sombre, un effort épui­sant en lui-même. Debout à envi­ron quatre-vingt-dix cen­ti­mètres du Palantír, met­tant la Pierre face à la direc­tion vers laquelle il veut regar­der, il pro­voque les visions — disons, une scène de champ de bataille. Selon le désir de l’utilisateur, il peut élar­gir son champ de vision pour mon­trer une vaste ost d’ennemis en marche, ou il peut se concen­trer sur un simple objet tenu dans la main d’un guer­rier — une arme ou un joyau, par exemple. Dans le cas d’une com­mu­ni­ca­tion entre Pierres, il peut voir les pen­sées de celui avec qui il est en contact — pourvu que l’utilisateur « connecté » soit d’accord et qu’il soit capable d’évoquer clai­re­ment l’image. Les Palantíri ne peuvent pas lire les pen­sées d’un uti­li­sa­teur non-consen­tant, et dans de tels cas ce qu’ils montrent est tota­le­ment fonc­tion des volon­tés des deux uti­li­sa­teurs impli­qués. Pour­tant, quels outils fan­tas­tiques de com­mu­ni­ca­tion sont les Palantíri.

Depuis la nais­sance d’Angmar aux alen­tours de 3A 1300, les Uti­li­sa­teurs des Pierres de l’Arthedain et du Gondor ont pra­ti­qué de plus en plus sou­vent cette extra­or­di­naire sorte de trans­fert des pen­sées. Comme les pro­blèmes s’accroissaient, les Royaumes Dúne­dain jumeaux échan­gèrent sou­vent des infor­ma­tions sur les mou­ve­ments et les forces de l’ennemi, et sug­gé­rèrent et coor­don­nèrent des stra­té­gies pour le contrer. Dans une unique entorse à la tra­di­tion, on a offert à l’Istar Gan­dalf, un étran­ger, l’accès au Palantír d’Amon Sûl (à For­nost), Pierre prin­ci­pale du Nord. En fait, Gan­dalf fut le pre­mier à pré­ve­nir la Cour Royale de l’Arthedain de leur uti­li­sa­tion pos­sible par des forces sinistres, une notion mise en doute par de nom­breux Pro­phètes. (La nature par­ti­cu­lière de Gan­dalf est un mys­tère ; la sagesse tra­di­tion­nelle veut que seuls les plus hauts des Hommes puissent employer cor­rec­te­ment les Pierres).

5.12 La fondation des royaumes exilés

Par la grâce des Valar, Elen­dil et neuf bateaux des Fidèles échap­pèrent à la Chute de Númé­nor et furent prêts à navi­guer vers l’exil dans les Terres du Milieu. Ils appor­tèrent avec eux un nombre très réduit de tré­sors ines­ti­mables, tel un jeune plant de l’Arbre Blanc sacré, sym­bole des Valar, et les sept Palantíri accor­dés il y a long­temps aux Dúne­dain. Les Fidèles arri­vèrent aux Havres Gris et divi­sèrent leurs forces, Elen­dil voguant vers le Nord sur la Rivière Lhûn pour éta­blir le Royaume Exilé Sep­ten­trio­nal, Arnor, pen­dant que ses fils, Isil­dur et Ana­rion, navi­guèrent vers le Sud vers la Baie de Bel­fa­las et remon­tèrent l’Anduin pour fonder Gondor, le « Pays des Pierres ». Bien que les Dúne­dain se soient peu déployés, l’établissement de deux royaumes dis­tincts et sépa­rés amé­liora leurs chances de survie, car il est clair que les Hommes qui choi­sirent le Nord avec Elen­dil étaient fon­da­men­ta­le­ment et de par leur tem­pé­ra­ment dif­fé­rents de ceux éta­blis en Gondor. Ceux d’Arnor sou­hai­taient vivre dans les pays sacrés de leurs ancêtres Edain, à proxi­mité de la nécro­pole des Coteaux aux Tumu­lus et des Elfes de Lindon.

Les marins de Gondor avaient l’esprit plus aven­tu­reux, mer­can­tile et bel­li­queux que leurs frères du Nord, cher­chant hâti­ve­ment à s’imposer d’eux-mêmes dans la région comme la force com­bat­tante et civi­li­sée. Maîtres- navi­ga­teurs agres­sifs, ils cher­chèrent à per­pé­tuer la tra­di­tion de colo­ni­sa­tion de Númé­nor et s’embarquèrent très rapi­de­ment dans des cam­pagnes pour étendre leur influence.

En Arnor, les Exilés ins­tal­lèrent peu de sites stra­té­gi­que­ment impor­tants. Ils se détour­nèrent de la guerre et s’intéressèrent au lieu de cela au pou­voir essen­tiel des lieux. Leurs Pro­phètes construi­sirent des tours sur des hau­teurs abri­tées de tous côtés, où la terre accueillait la lumière lunaire et l’air des cieux sep­ten­trio­naux. Des places fortes, comme celle au sommet d’Amon Sûl (Mont Ven­teux), ser­virent cer­tai­ne­ment à défendre le royaume, mais elles pos­sé­daient aussi une signi­fi­ca­tion mys­tique plus impor­tante. Sur son somment, duquel une inva­sion de l’Est ou du Sud pou­vait être faci­le­ment détec­tée, se trou­vait le prin­ci­pal des trois Palantíri sep­ten­trio­naux, une Pierre de Vision connec­tée à une Pierre « répon­dante » (en phase) en Gondor. Ainsi, pour les Hommes d’Arnor, le sommet de la col­line exposé aux intem­pé­ries étrei­gnait de forts cou­rants spi­ri­tuels et sa tour de garde main­te­nait une vigi­lance sanc­ti­fiée. Les Hommes d’Arnor ne cher­chèrent jamais à agran­dir leurs ter­ri­toires — comme le Gondor le fit sans cesse — ou à tra­ver­ser les mers à la recherche de butin et de gloire.

La Chute

Les armées de Númé­nor se mon­trèrent impos­sibles à arrê­ter lorsqu’elles se trou­vèrent face aux Hommes plus frustes des Terres du Milieu ; pen­dant un temps, même les hordes du malé­fique Sei­gneur des Anneaux furent repous­sées. Le Sei­gneur Téné­breux se rendit en 3261 du Deuxième Age, pro­fé­rant d’humiliantes paroles de repen­tir. C’est alors que le Roi conqué­rant Ar-Pha­razôn (« Le Ver­meil ») fit la fatale erreur d’amener Sauron enchaîné à sa cour d’Armenelos. Bien­tôt, le Malé­fique prit une appa­rence élé­gante et agréable, et il amusa le Roi avec ses tours magiques et sa connais­sance des arcanes. En quelques décades après sa cap­ture, et malgré les pro­tes­ta­tions enflam­mées d’Elendil et des Fidèles qui le sui­vaient, Sauron devint le conseiller prin­ci­pal du Roi. Sou­dai­ne­ment, des autels furent construits au sommet du Menel­tarma, et, pis encore, ceux qui s’opposaient au Roi et au séduc­teur à la langue miel­leuse furent sacri­fié à des dieux faux et malé­fiques. La foi des Númé­no­réens gran­dit en cor­rup­tion et en arti­fices de même que les manières de la Cour Royale. Vers la fin du Deuxième Age, la classe diri­geante de Númé­nor parla ouver­te­ment de rompre l’Interdiction impo­sée par les Valar et de navi­guer à l’Ouest vers les Terres Éter­nelles pour se saisir par la force de l’immortalité qu’ils dési­raient. Leurs pen­sées étaient si per­ver­ties qu’ils croyaient que la vie éter­nelle pou­vait être sou­ti­rée aux Elfes et aux Valar, tout comme si elle avait été un joyau qu’on peut voler et cacher.

En 2A 3319, malgré les objec­tions véhé­mentes des Fidèles, Ar-Pha­razôn condui­sit une flotte puis­sante de vais­seaux de guerre contre les Valar. La plus grande horde de navires jamais ras­sem­blée par les Hommes, l’armada obs­cur­cit le soleil cou­chant alors qu’elle navi­guait en direc­tion de l’Ouest vers les beaux rivages d’Eressëa. Après avoir touché terre dans les Terres Éter­nelles, le Roi et ses guer­riers furent ense­ve­lis par une ava­lanche impla­cable. Númé­nor — le sommet de la route de l’Homme vers une civi­li­sa­tion authen­tique et le sym­bole de son ascen­sion vers les voies des Grands Elfes — fut englou­tie par la Grande Mer dans un raz-de-marée d’une ter­ri­fiante force ven­ge­resse. Tout en fut perdu, hormis quelques pré­cieux restes de la culture Númé­no­réenne et une poi­gnée de ses habi­tants ; leur nation belle et animée fut à jamais détruite et avec elle les livres et les par­che­mins, les tables, les gra­phiques, les cartes et les ouvres d’art d’une grande civi­li­sa­tion… tous d’irremplaçables tré­sors, et tous perdus.

5.13 Le Royaume d’Arnor

Jusqu’à la fon­da­tion d’Arnor par Elen­dil en 2A 3320, la vaste éten­due de terres entre les Monts Bru­meux et la Rivière Lhûn for­mait la plus grande partie d’Eriador (S. « Le Pays Vide »), une région à la popu­la­tion clair­se­mée, bordée par les Mon­tagnes Bleues à l’Ouest, le glacé Foro­chel et les Ter­ri­toires Incultes au Nord, et au Sud par la Rivière Isen. Dis­sé­mi­nés ici et là comme des autels natu­rels se tiennent de nom­breux coteaux, des crêtes de rochers her­beuses et gran­de­ment éro­dées s’étendant sur des kilo­mètres par­fois jusqu’à l’intérieur des plaines. Parmi ceux-ci, les Coteaux aux Tumu­lus, juste au Sud et à l’Ouest de Bree, ont une grande signi­fi­ca­tion pour les Dúne­dain de retour sur les Terres du Milieu. Ils éri­gèrent les Grands Tumu­lus, sépul­tures des anciens Rois Edain fouet­tées par les vents, dans un site sacré pour les Exilés de Númé­nor.

Elen­dil et ses sui­vants furent donc atti­rés vers l’Eriador cen­tral par sa res­sem­blance avec leurs hautes-terres ché­ries et main­te­nant per­dues à jamais de Númé­nor où se dres­sait Arme­ne­los. On soup­çonne qu’ils auraient pré­féré faire de For­lin­don ou d’Harlindon leur nou­velle demeure, pour leurs points de vue sur la mer et leurs régions côtières, comme Númé­nor en abon­dait, mais les Elfes de Lindon étaient trop soli­de­ment implan­tés pour être dépla­cés et les Elen­dili trop plein de com­pas­sion et res­pec­tueux étaient trop impli­qués dans la construc­tion d’un royaume sur la terre héré­di­taire de leurs ancêtres, les Edain. Et ces Exilés pos­sé­dés par la soif de la mer des Dúne­dain s’établirent en Gondor, près de la Baie de Bel­fa­las.

Pen­dant les 150 années qui sui­virent l’établissement d’Arnor en 2A 3320, les Hommes du Royaume Sep­ten­trio­nal com­bat­tirent les Hommes des Col­lines et les Trolls des proches Four­rés des Trolls et des Landes d’Etten. Ils plièrent sous leur domi­na­tion leurs enne­mis ou les chas­sèrent dans les hautes terres recu­lées des Monts Bru­meux. Alors, lors de la Der­nière Alliance des Elfes et des Hommes qui clô­tura le Deuxième Age, Elen­dil et ses guer­riers Dúne­dain triom­phèrent du Sei­gneur Téné­breux, lui ôtant son enve­loppe cor­po­relle et le ren­dant impuis­sant pour une brève et joyeuse période. Mal­heu­reu­se­ment, Elen­dil, pre­mier diri­geant des deux Royaumes Exilés, fut tué au cours de la bataille, comme le fut le noble Elfe Gil-Galad de Lindon. Les Anneaux de Pou­voir pas­sèrent au fils d’Elendil, Isil­dur, qui lors de la seconde année du Troi­sième Age perdit l’Anneau Unique et sa vie au cours d’une embus­cade tendue par une bande d’Orques. Les Pro­phètes d’Arnor, qui étaient réunis à Annú­mi­nas, la capi­tale, auraient dû pré­voir pour leur peuple de telles nou­velles attris­tantes, c’est-à-dire une entrée dans le nouvel Age san­glante et fâcheuse, mais ils se trom­pèrent pen­dant de nom­breuse années.

Curieu­se­ment, à la place de cela, Arnor crût dans une paix et une har­mo­nie rela­tives pen­dant les 800 ans qui sui­virent la mort d’Isildur et la perte de l’Anneau. En vérité, Gondor, le Royaume Méri­dio­nal, fut fré­quem­ment assailli et fina­le­ment envahi par les Eas­ter­lings de Rhûn en 490, mais les Dúne­dain du Sud, à la hau­teur de leur puis­sance mili­taire, l’emportèrent. Les vigou­reux Dúne­dain du Gondor défirent leurs enne­mis, plus faibles, et en 3A 550, affir­mèrent leurs pré­ten­tions sur les plaines de Rho­va­nion, une vaste région dans un état véri­ta­ble­ment de valeur qui doubla la super­fi­cie du « Pays des Pierres ». Imi­tant les succès de son armée, la marine du Gondor com­mença à s’aventurer en mer, culmi­nant avec la prise d’Umbar en 3A 933, et la défaite des féroces Hara­drim en 1050. Jamais le Gondor ne fut aussi fort.

5.14 La naissance de l’Arthedain, du Cardolan et du Rhudaur

En contraste, les Exilés d’Arnor, tou­jours attris­tés et sous le choc de leurs pertes dans la Der­nière Alliance, ne gar­dèrent aucun rêve d’empire. N’étant ni d’esprit mar­tial, ni aussi nom­breux que les Hommes du Gondor, leur influence s’étendit peu au-delà de leurs propres fron­tières. Leur répu­gnance à épou­ser des sujets de leur peuple d’Eriador s’ajouta à leur pro­blème, puisque les Dúne­dain sep­ten­trio­naux ren­con­traient des pro­blèmes à recons­ti­tuer leurs pertes et se las­saient d’administrer leurs ter­ri­toires.

En 3A 861, après une suc­ces­sion de prin­temps inha­bi­tuel­le­ment froids et d’étés tor­rides, l’Arnor fut coupé en deux. La mort du dixième et der­nier Roi Arno­rian, Eären­dur, laissa les loyau­tés du Royaume Sep­ten­trio­nal sépa­rées entre les trois fils sur­vi­vants d’Eärendur, chacun d’eux se bat­tant pour une partie de Sceptre d’Annúminas. Amlaith de For­nost, le fils aîné d’Eärendur et par consé­quent le Prince qui méri­tait le plus d’hériter du ter­ri­toire entier gou­verné par son père, gagna le Sceptre, mais dans l’action perdit la moitié du ter­ri­toire d’Arnor et la plus grande partie de son pou­voir. Ses frères récla­mèrent les terres orien­tales et méri­dio­nales et contrèrent avec succès ses ten­ta­tives pour réuni­fier le royaume.

Ainsi le Royaume Sep­ten­trio­nal fut-il divisé en trois états indé­pen­dants et voi­sins quoique de moindre impor­tance : l’Arthedain, le Car­do­lan et le Rhu­daur. Chacun fut dans un pre­mier temps gou­verné par un des trois fils se que­rel­lant d’Eärendur. L’Arthedain, le plus grand état, s’étendit sur les ter­ri­toires acci­den­tés du Nord-Ouest de l’Arnor ; le Car­do­lan prit le Sud fer­tile et le Rhu­daur, plus petit, réclama la dan­ge­reuse partie du Nord-Est, les mon­tagnes et les forets des contre­forts des Monts-Bru­meux sau­vages, bor­dant ce qui serait plus tard Angmar. Bien qu’aucune archive exis­tante ne le prouve, on soup­çonne les Men­ta­listes et les Pro­phètes auprès du Lac Even­dim, à la Cour Royale d’Annúminas, d’avoir ins­piré pro­fon­dé­ment et d’avoir retenu, anxieu­se­ment, leur res­pi­ra­tion ayant peur d’en dire plus car le futur devant eux sem­blait aussi noir et désolé qu’un Palantír au repos.

Ainsi, juste un peu plus d’un siècle avant l’avènement du Nécro­man­cien (Sauron) de Dol Guldur en Mirk­wood Méri­dio­nal et l’apparition des Istari dans l’Ouest, le puis­sant Arnor fut brisé en trois Royaume frères. Avec des topo­gra­phies et des popu­la­tions dif­fé­rentes, chacun se donna des buts dis­tincts et se fixa une action dif­fi­cile et auto­nome en ce début de temps très trou­blés.

Les fron­tières déci­dées d’un commun accord entre les états héri­tiers auraient dû satis­faire les désirs d’indépendance et de sou­ve­rai­neté, mais des que­relles fron­ta­lières écla­tèrent dont la pire fut loca­li­sée à la jonc­tion des trois royaumes. Les fron­tières de l’Arthedain, du Car­do­lan et du Rhu­daur se che­vau­chaient au sommet stra­té­gique de l’Amon Sûl, le Mont Ven­teux, où se trou­vait le prin­ci­pal des Palantíri du Nord. Jamais les trois pays ne purent se mettre d’accord sur le pro­prié­taire du Mont Ven­teux et de sa Pierre de Vision, que tous convoi­taient.

Les diri­geants de l’Arthedain contes­tèrent avec succès les pré­ten­tions de leurs voi­sins et ins­tal­lèrent une puis­sante Sen­ti­nelle dans la Tour d’Amon Sûl au début de 3A 862. Comme leur Roi pos­sé­dait déjà la Pierre d’Annúminas et qu’il était tenu en grande estime par les Elfes gar­diens de la Pierre des Col­lines aux Tours, les gens de l’Arthedain contrô­laient les trois Palantíri sep­ten­trio­naux, s’assurant la pré­émi­nence dans la lutte à venir.

D’autre part, l’Arthedain sou­tint les pré­ten­tions du Car­do­lan, car le Rhu­daur — une terre occu­pée par des groupes de Dun­len­dings avilis — sembla très tôt cupide et hypo­crite pour qu’on puisse avoir confiance en lui. Depuis les tout débuts de l’établissement du Rhu­daur, son peuple s’était mélangé et croisé avec les natifs infé­rieurs et vénaux de la région, les Hommes bar­bares des Col­lines et les Dun­len­dings des Four­rés des Trolls et des Landes d’Etten. Comme la terre sau­vage et inhos­pi­ta­lière qui le for­mait, le Rhu­daur avait donné nais­sance à une popu­la­tion sau­vage et hardie qui était plus pré­oc­cu­pée de puis­sance que de droit, et impa­tiente d’étendre ses ter­ri­toires et ses influences à tout prix.

Des trois Royaumes Sep­ten­trio­naux, seul l’Arthedain main­tint une pureté de lignée depuis Isil­dur à tra­vers tous ses quinze Rois, et ainsi il conti­nua de faire couler dans le sang de son peuple un sens plus élevé des valeurs et des inten­tions — pers­pec­tive morale, si vous voulez. N’étant pas un imbé­cile, le pre­mier Roi de l’Arthedain, Amlaith, déplaça le Palantír d’Annúminas à la for­te­resse de For­nost pour le main­te­nir en sûreté. À part des dis­putes sur les fron­tières et la garde du Palantír d’Amon Sûl, l’Arthedain fut en paix avec le Rhu­daur et le Car­do­lan jusqu’au Quin­zième Siècle. (Pour plus de détails sur cette période et l’année char­nière de 1409, voyez le para­graphe 6.0 POLI­TIQUE ET POU­VOIRS.)

5.15 La culture de l’Arthedain

Mais qu’en est-il du peuple de l’Arthedain et de la société ? À quoi res­semblent-ils ? Ces hommes du Haut, les plus purs de la race des Dúne­dain, sont les dépo­si­taires d’une culture noble et mys­tique, un style de vie qui domine dans tout l’Eriador Sep­ten­trio­nal.

En Arthe­dain, le royaume de la Nature est éga­le­ment la pro­vince des Hommes. Leur croyance fon­da­men­tale, tirant ses ori­gines de bien avant la fon­da­tion de Númé­nor dans les Royaumes Edain du Pre­mier Age, réside dans le fait que le monde n’est pas « Ça » mais « Nous ». Liés avec le ciel, la terre et la mer, les Edain et leurs des­cen­dants Dúne­dain res­sentent un étroit lien de parenté avec le monde ; ils sont liés avec ce monde, indis­so­ciable d’eux-mêmes. Les Exilés de Númé­nor appor­tèrent ce sen­ti­ment de parenté avec eux dans les Terres du Milieu et comme leur véné­ra­tion des Palantíri, cela passa intact à tra­vers de nom­breuses géné­ra­tions d’Arthedain.

Les mythes de l’Arthedain ne furent pas créés par simple diver­tis­se­ment ou dans des buts de pro­pa­gande ; ils expliquent le monde, pro­clament les véri­tés et confirment la part de la terre et de ses bontés pour l’Homme. Ainsi, les gens d’Arthedain ne sont pas irri­tés ni ne mau­dissent le sol rocailleux et les hivers longs et froids de leur patrie d’adoption, car son Essence intrin­sèque sert à jus­ti­fier leur pré­sence. Les hautes terres balayées par le vent de l’Arthedain sont les dépo­si­taires de cer­tains de leurs uniques esprits et sont appré­ciées car elles sont dif­fé­rentes et inha­bi­tuelles, car elles sug­gèrent le pay­sage de rochers du centre de Númé­nor, et car elles ren­ferment les âmes du peuple Edain. (La mémoire du passé, par­ti­cu­liè­re­ment le « Pays du Don », n’a jamais quitté le peuple de l’Arthedain.)

En Arthe­dain, les tertres funé­raires en pierre se dressent sur les Coteaux aux Tumu­lus comme un triomphe de l’Homme sur les forces maté­rielles et sur la mor­ta­lité elle-même ; ils se tiennent ainsi pour rap­pe­ler aux Dúne­dain du Nord leur grand passé et pour leur mon­trer la voie à tra­vers leur sur­vi­vance cultu­relle actuelle et leur futur renou­veau dans l’abondance et la puis­sance. En Arthe­dain, plus que pour tout autre peuple, main­te­nir les tra­di­tions de l’état signi­fie assu­rer la conti­nuité du monde lui-même, pro­mou­voir son sens de la jus­tice et main­te­nir l’équilibre très déli­cat de sa Balance. Ses tra­di­tions encou­ragent la foi dans le triomphe du Bien sur le Mal. En raison de leurs convic­tions, l’Arthedain paye le prix impor­tant d’être proche de l’extinction.

Structure Sociale de l’Arthedain

Mais la société en Arthe­dain n’est pas par­faite en tous sens : elle est consti­tuée par un rigide sys­tème de classes et est struc­tu­rée, avec la plus grande partie de tous les tra­vaux phy­siques dévo­lus aux plus basses classes. Au sommet se trouvent les Diri­geants et la Noblesse, pri­vi­lé­giés, hono­rés, et béné­fi­ciant de beau­coup d’indulgence. Juste en des­sous de la Noblesse se trouvent les Pro­phètes et les Men­ta­listes de la Cour Royale, et par­ti­cu­liè­re­ment les Gar­diens des Palantíri.

Un cran bien en des­sous du rang de la Noblesse de l’Arthedain, on trouve les Artistes et les Arti­sans, ainsi que les offi­ciels de moindre impor­tance du royaume, ces hommes et femmes qui ont la tâche offi­cielle et quo­ti­dienne de faire fonc­tion­ner l’état. Les devoirs de cette classe com­prennent toute sorte de choses : du frap­page de la mon­naie du royaume à l’Hôtel Royal de la Mon­naie de For­nost, de la fabri­ca­tion, du mélange et de l’utilisation des tein­tures obte­nues des métaux réduits en poudre pro­ve­nant des Nains des Mon­tagnes Bleues, jusqu’à consi­gner par écrit les taxes pré­le­vées sur les citoyens de l’Arthedain et le polis­sage du ban­deau en argent du Roi. Les Arti­sans de cette civi­li­sa­tion éclai­rée sont très occu­pés à la bro­de­rie (avec du fil d’or) de tapis­se­ries royales, à la concep­tion et à la réa­li­sa­tion de simples et élé­gants fla­cons, élé­ments de vais­selle, vases pour les fleurs et réci­pients pour cui­si­ner, car même les esthètes Arthe­dain doivent manger.

Dans le bas de l’échelle sociale de l’Arthedain, on trouve les sol­dats de l’Armée et la plèbe sans talent, ceux qui parlent fré­quem­ment le Wes­tron, langue de base de la plu­part des peuples d’Eriador. Bien qu’ils soient consi­dé­rés comme moins sen­sibles et nobles que leurs hauts com­pa­triotes, ils ne portent aucune tare et n’ont aucune idée pré­con­çue. Ils sont indis­pen­sables au royaume, appré­ciés parce qu’ils com­posent, d’autant plus qu’ils sont peu nom­breux, un groupe néces­saire. Les Tra­vailleurs et les Fer­miers, qui cultivent et prennent soin du blé, du maïs, ainsi que des autres cultures vivrières, appar­tiennent à cette classe, de même que tous ceux qui n’ont pas une occu­pa­tion rou­ti­nière mili­taire, telle la tenue d’une bou­tique ou d’une auberge.

L’art de la guerre de l’Arthedain

Au contraire du Gondor et de la plu­part des cultures des Terres du Milieu, la société Artha­dan accorde une faible valeur à une armée régu­lière nom­breuse. Il leur semble tout d’abord et prin­ci­pa­le­ment que c’est une perte consi­dé­rable d’énergie et d’argent qui est plus utile dans le tra­vail de valeur des maté­riaux, comme les arts et l’architecture. Ensuite, les sol­dats Arthe­dain, en par­ti­cu­lier les Che­va­liers et les Ran­gers, regardent la vie mili­taire comme une dis­ci­pline spi­ri­tuelle plus que comme un moyen de faire la guerre. Enfin, les Arthe­dain ont mal jugé l’extension de la déter­mi­na­tion d’Angmar à détruire le Royaume Sep­ten­trio­nal, car ils sont inca­pables de telles pen­sées si tota­le­ment ven­ge­resses. Il n’est pas dit que les Arthe­dain soient tota­le­ment inca­pables de com­battre pour leur propre survie ; dans la Der­nière Alliance, et tout au long du Troi­sième Age, ils ont prouvé avoir de vaillants guer­riers et des com­bat­tants talen­tueux à cheval. Mais ils n’ont ni l’esprit mar­tial, ni l’instinct de tueur inné des natifs d’Angmar. D’une manière plus posi­tive, leurs centres d’intérêts n’ont rien à voir avec le mas­sacre ou la construc­tion d’un empire. En une seule phrase, les Arthe­dain sont plus Elfe qu’Homme.

Les peuples disséminés de l’Arthedain

En dehors de For­nost, la capi­tale, et de nom­breux avant-postes mili­taires dis­per­sés, la plu­part de la popu­la­tion res­tante de l’Arthedain s’étale dans le Sud sur une sur­face en forme d’éventail allant de For­nost vers les Col­lines du Temps et les éten­dues les plus éle­vées du Bran- devin. Leur nombre, jamais impor­tant, n’est plus qu’une frac­tion de ce qu’il a été. Aujourd’hui, les belles Col­lines d’Evendim sont déser­tées, et seuls quelques rares clans vivent dans l’extrême Ouest, près des Col­lines aux Tours contrô­lées par les Elfes. Bien que les Hommes des Rivières du Bran­de­vin aient la sagesse d’éviter les heurts avec l’Arthedain et tendent à lais­ser les Hommes plus grands à leurs propres pro­jets, ils n’ont aucun pro­blème à garder jalou­se­ment la rivière comme « leur », car peu des Dúne­dain sep­ten­trio­naux s’occupent d’eux. Ils ne sont pas assu­jet­tis à l’Arthedain sans cesse s’affaiblissant et, tant que les Hommes du Haut se tiennent éloi­gnés du Bran­de­vin ou paient les droits de péages deman­dés lorsqu’ils voyagent sur la rivière, les conflits sont rares.

Étant donné sa faible popu­la­tion, l’Arthedain porte peu d’attention à ceux qui res­tent en paix à l’intérieur de ses fron­tières. Au lieu de cela, il s’inquiète du rétré­cis­se­ment du Royaume lui-même (en 1640, Angmar a pris et contrôle un bon mor­ceau de l’Arthedain orien­tal). La ques­tion est, quelque noble soit leur cause : com­bien de temps encore un si petit nombre pourra tenir tête à une si grande mul­ti­tude ?

5.2 Les Lossoth

Les Los­soth

Très éloi­gnés des Elfes — en fait tout juste Humain — les Los­soth (sing. Los­sa­dan) consti­tuent un peuple mys­té­rieux et, pen­dant neuf mois de l’année, vivent dans une plaine glacée. Nés dans un pays inhos­pi­ta­lier de glace, de neige et de longs et sombres mois d’un climat au vent mor­dant (et cela bizar­re­ment à seule­ment 100 lieues au Nord de la tem­pé­rée Comté), ce nomade Peuple des Neiges ne montre aucune incli­na­tion à vivre autre part ou pour chan­ger les anciennes cou­tumes de leurs ancêtres. Comme la plu­part des socié­tés non-agri­coles, ils ne font ni la guerre, ni ne réclament des ter­ri­toires aux autres, mais s’occupent d’eux-mêmes. Par­cou­rant la toun­dra gelée avec des patins en os et emmi­tou­flés dans de lourdes peaux, ces vaillants hommes d’extérieur tra­versent les glacés Ter­ri­toires Incultes de Foro­chel à la recherche de gros gibier et de la nour­ri­ture prin­ci­pale de leur ali­men­ta­tion, le pois­son. Pen­dant ce temps-là, dans leurs mai­sons en neige le long du Cap de Foro­chel, les femmes et les enfants attendent le retour des chas­seurs et prennent soin de leurs tâches ména­gères, comme le tan­nage des peaux ou le séchage de la chair fraîche en bandes mâchon­nées.

5.21 Les chasseurs Lossoth

Chas­seurs rusés de Cerfs, d’Élans, d’Orignaux et autre gros gibier indi­gène du Nord, les Los­soth tra­vaillent en équipe rabat­tant le gibier au centre d’un cercle où leurs arcs et flèches peuvent être plei­ne­ment effi­caces. Grands pêcheurs, les Los­soth passent beau­coup de leur temps sur la mer, soit sur des déga­ge­ments dans la glace hiver­nale ou sur de petits bateaux de bois et de peaux durant le bref été. Étran­ge­ment, la plu­part d’entre eux ne savent pas nager, car l’eau est beau­coup trop froide pour y pra­ti­quer quoi ce soit sauf l’hypothermie (le Roi Arve­dui fuyant l’Arthedain apprit trop tard ce fait, à sa grande dou­leur) et les Hommes des Neiges ont la pru­dence de s’attacher les uns aux autres et de pêcher en paires ou en équipes. C’est en accord avec les cou­tumes des Los­soth que sont le par­tage et la coopé­ra­tion. Parmi les Hommes des Neiges, la vie est lar­ge­ment com­mu­nau­taire, l’unité d’un vil­lage rési­dant en une famille éten­due ou en groupe de même souche.

5.22 Le climat et les Lossoth

Vivant dans un climat si dur et dan­ge­reux — un de ceux habi­tuel­le­ment libre de tout empiè­te­ment ou de menace d’invasion les Los­soth sont sen­sibles au plus léger chan­ge­ment signi­fi­ca­tif du climat. Leur voca­bu­laire com­prend de nom­breux mots dif­fé­rents pour « neige », dépen­dant si elle est douce ou rude, mou­vante ou immo­bile, vieille ou nou­velle, gelée ou pou­dreuse, et ainsi de suite. Les Los­soth ne se sou­cient pas d’apprendre dans les livres et ils trouvent les gens d’Arthedain étranges quant à leur igno­rance de la région de Foro­chel, et par consé­quent tout juste aptes à y sur­vivre.

5.23 La maison de glace des Lossoth

L’adversité a forcé les Hommes des Neiges à adop­ter un style de vie résis­tant et frugal, inconnu plus au Sud. Un pre­mier exemple en est l’intérieur d’une maison de Los­soth : une étude de l’utilisation opti­male de l’espace. La plu­part des mai­sons de glace mesurent de 2,7 à 5,5 mètres de dia­mètre et sont hautes envi­ron de 1,8 mètre au centre, avec une entrée haute de 0,9 mètre (seul un Hobbit peut entrer dans une maison des Los­soth sans se bais­ser). Cha­cune est construite de robustes blocs rec­tan­gu­laires de glace, empi­lés en cercle pour former un dôme. De la neige ou de la glace com­pacte sont uti­li­sées pour bou­cher les fis­sures, pré­ve­nant par là-même les fuites. L’unique ouver­ture en dehors de l’entrée est un trou taillé dans la cou­ronne de la struc­ture pour per­mettre à la fumée du feu de s’échapper. De quelque manière que ce soit, il faut sou­li­gner qu’un Homme des Neiges peut tailler une petite maison avec son cou­teau à glace en très peu d’heures.

À l’intérieur de la hutte, les Los­soth sus­pendent une pla­te­forme fami­liale pour dormir, entre soixante et quatre-vingt-dix cen­ti­mètres au-dessus du sol et la couvrent de four­rures. Comme la plu­part de leurs four­ni­tures, ce dis­po­si­tif est fait de bois et d’os liés ensemble avec des boyaux ou des ten­dons. Un feu au centre de la hutte, un râte­lier de séchage, des usten­siles de cui­sine et des outils de tan­nage prennent le reste de l’espace inté­rieur de la maison, dont tout tend à mon­trer que la maison des Los­soth est peu­plée et que l’intimité privée est un concept qui leur est inconnu.

5.24 La société des Lossoth

Vivant dans une société à liens de parenté — des familles aussi bien regrou­pées, en un noyau, qu’étendues — sans chefs per­ma­nents ou régu­liè­re­ment choi­sis et seule­ment des chefs recon­nus uni­que­ment loca­le­ment, les Los­soth se rap­prochent d’une espèce de démo­cra­tie chao­tique, nomade et com­mu­nau­taire, ren­con­trée nulle part ailleurs dans les Terres du Milieu. En fait, un homme — géné­ra­le­ment le chas­seur le plus âgé encore en bonne santé — fait fonc­tion de chef de chasse et, s’il est assez pers­pi­cace, éga­le­ment de tous les Los­soth. Les Los­soth se regroupent et res­tent ensemble pour sur­vivre, car c’est leur cou­tume et cela l’a tou­jours été. Comme les Arthe­dain, les Los­soth accordent de l’importance aux tra­di­tions. Mais si qui­conque sou­haite rem­bal­ler ses peaux, sa tente d’été et ses armes de chasse, pour quit­ter le groupe, il est libre de le faire. (Mais où ira-t-il ? Que fera- t-il ? Vendre de la glace aux Eas­ter­lings de Rhûn ?) Aucune loi ou police ne l’arrêtera ; seul le bon sens, les liens avec sa famille et une grande peur de ce qu’il y a à l’extérieur du cercle gelé de Foro­chel le retiennent.

5.25 Les dangers du Grand Nord

Les Los­soth doivent faire face à trois grands dan­gers : les ravages de la Nature et le climat du Grand Nord, les attaques des bêtes sau­vages des Ter­ri­toires Incultes — des Trolls des Neiges, des Dra­gons des Glaces, des Ours Sep­ten­trio­naux et des meutes de Loups errants — et en plus des raids spo­ra­diques d’espions et de scouts d’Angmar assez entraî­nés pour affron­ter les élé­ments du Forod­waith. Du climat, les Los­soth ont peu à craindre si ce n’est des subites tem­pêtes de glace qui peuvent arra­cher la peau d’un animal résis­tant en quelques minutes ou les enfer­mer dans leur maison de glace pen­dant des jours. Les Los­soth sont rare­ment pris au dehors par une tem­pête, car ils peuvent pré­dire les chan­ge­ments du temps juste en humant le vent. Quand un bliz­zard par­ti­cu­liè­re­ment gla­cial s’installe, ils se terrent dans leur hutte de glace et passent le temps en répa­rant les outils, en pré­pa­rant la viande et le pois­son, en chan­tant et en racon­tant de grandes his­toires sur la Baleine Démon, qui les amusent tou­jours ainsi que leurs femmes et leurs enfants.

Les Loups Blancs du Nord, tou­jours affa­més et se repro­dui­sant sans cesse, leur pro­voquent quelques cau­che­mars. Les Los­soth ont des Chiens pour les pré­ve­nir de l’imminence de l’arrivée des Loups et qui leur opposent une cer­taine résis­tance, mais les chas­seurs fuient tou­jours quand les Loups arrivent, car les armes de chasse des Los­soth — lances à longs manches, arcs pri­mi­tifs et flèches en os, gros­siers cou­teaux à dépe­cer — n’offrent qu’une piètre sécu­rité face à une dou­zaine de ces bêtes enra­gées.

Des bandes de Trolls des Neiges ou d’Hommes des Col­lines en raids ou en repé­rage venant d’Angmar, ratissent par­fois la zone lors de leur trajet vers l’Arthedain Sep­ten­trio­nal. Quand ils sont pres­sés, les Los­soth courent se cacher et espèrent pour le meilleur, ne pou­vant égaler les alliés ter­ri­fiants du Roi-Sor­cier.

5.26 La vie pendant l’été

Pen­dant l’été, la vie change radi­ca­le­ment. Les Los­soth quittent leurs mai­sons de glace fon­dante et errent dans les forêts et sur les rivières de la région à la recherche de pois­son, de gibier, de légumes, de racines et de baies. Les remon­tées de cer­tains pois­sons, comme les sau­mons et les harengs, sont brèves ; les Los­soth, étant hau­te­ment dépen­dants d’eux pour l’approvisionnement de leurs repas, orga­nisent leur vie autour du mou­ve­ment de leurs proies, empa­que­tant leurs tentes de peau et bou­geant chaque jour pour rester à proxi­mité du pois­son, qui est salé et séché pour être conservé par les femmes. Pour aug­men­ter leurs prises, les Los­soth construisent des bar­rages de pierres, ou de petits murs de rochers, afin de pêcher des truites et d’autres pois­sons d’eau douce, dans les eaux peu pro­fondes, où ils sont attra­pés dans des filets et, dans les eaux très peu pro­fondes, à la main. Les enfants récu­pèrent le bois déri­vant sur l’eau porté sur la rive et aident leur mère à décou­per les Phoques, cuire la viande, net­toyer les peaux et à faire les vête­ments, dont les bottes en peau de phoque que tout le monde porte. Les hommes chassent le Castor, le Gibier d’Eau, l’Élan et le Los­ran­dir ; ils prennent soin des Chiens de traî­neaux si vitaux pour la survie l’hiver.

Mais même les obs­ti­nés et xéno­phobes Los­soth se reposent pour s’amuser un peu. Lors de l’annuel muldak tenu à la mi-été, les clans Los­soth se réunissent pour échan­ger les peaux et parler, arran­geant les mariages et célé­brant les rituels de chasse. Pour la plu­part, c’est la seule fois de l’année qu’ils voient d’autres per­sonnes que celles de leur groupe de chasse hiver­nal au-delà des « fron­tières » de leurs limites de chasse ; la réunion très cha­leu­reuse est consti­tuée pour les trois quarts de chants et danses et pour un quart d’affaires. Ayant appris com­ment concoc­ter et appré­cier le grum, une liqueur au goût putride faite de racines et de baies bouillies dans un mélange d’eau et de grains puis dis­til­lées, les hommes dis­cutent, dansent et boivent, eux-mêmes en état de tor­peur. Ensuite comme le veut la cou­tume, les femmes remettent tout en ordre à contre­cœur.

5.27 Tâches communes

Les Los­soth sont les maîtres des outils natu­rels four­nis par leur envi­ron­ne­ment. Les femmes fabriquent de la glue pour lier les piquets des tentes à partir de sang séché, traité et hydraté, mélangé à de l’huile de pois­son. Pour faire un feu, ils frappent de la pyrite contre un mor­ceau de fer et laissent tomber les étin­celles sur de la mousse sèche ou des copeaux de bois. Les hommes pêchent dans des Kuds longs de six mètres, bateaux à coque ronde dont la proue et la poupe sont iden­tiques.

Il faut à deux Hommes des Neiges envi­ron deux semaines pour construire un Kud assez gros pour porter deux d’entre eux et une cin­quan­taine de kilos de char­ge­ment ; le Kud est formé d’un cèdre courbé, cou­vert de peaux ou d’écorce, cou­sues avec des racines et main­tenu étanche par de la gomme mâchée et bouillie. De l’écorce du même cèdre, un arbre très prisé, les femmes Los­soth font des oreillers, des robes, des voiles, des capes et des ser­viettes. Rien n’est gas­pillé dans le Nord.

5.28 Du crime, de la mort et des Lossoth

Dans la société Los­sa­dan, bien que vous pen­siez qu’elle soit gros­sière et simple, il y a beau­coup à admi­rer. Pre­miè­re­ment, chacun connaît sa place ; cam­brio­lages et vols sont aussi rares chez les Los­soth qu’ils sont fré­quents dans les autres socié­tés « plus évo­luées », comme au Rhu­daur ou celle des fron­tières Est du Gondor. Deuxiè­me­ment, les Los­soth ne sont pas avides et malé­fiques comme d’autres peuples. Ils n’ont pas d’ambitions ter­ri­to­riales, pas de richesses accu­mu­lées, pas de Rois cou­verts de bijoux enter­rés dans les tertres sophis­ti­qués. Pour hono­rer leurs morts, les Hommes des Neiges les envoient au gré du cou­rant de la rivière dans un Kud décoré de fou­gères et de mousses. Plus impor­tant, les Los­soth vivent comme ils l’entendent, dans une com­pé­ti­tion cou­ra­geuse contre le climat de Foro­chel, les bêtes qui par­tagent la toun­dra rocheuse et dénu­dée, les cours d’eau gelés, les forêts et les rivières, car les Ter­ri­toires Incultes du Nord — le pays au cœur gelé — sont leur demeure.

5.3 Les habitants de Bree

Bree, de loin le point le plus chaud du Royaume d’Arthedain froid et tem­pé­tueux, est une ano­ma­lie, un simple vil­lage dans un pays de cathé­drales à ciel ouvert et de cours che­va­le­resques. Établi par les Hommes de Dun basa­nés et dan­ge­reux et les Nor­diques Eria­do­rans mécon­tents et aven­tu­reux, il a été habité par les Hob­bits (H. « Kuduk ») à l’aspect d’enfants pen­dant 300 ans. Ce petit peuple simple est arrivé en tant que réfu­giés effrayés de l’Angle du Rhu­daur après l’avènement du Roi-Sor­cier dans le début des années 1300 et forme aujourd’hui la majo­rité de la forte popu­la­tion mélan­gée du Pays de Bree.

Situé à la jonc­tion du Chemin Vert et de la Grande Route de l’Est, à moins de vingt-cinq lieues de la fron­tière orien­tale en guerre de l’Arthedain, le Pays de Bree est une région fron­ta­lière qui com­prend quatre villes : Bree, Staddle, Archet et Combe. Ces com­mu­nau­tés étran­ge­ment calmes se trouvent sur et autour de la Col­line de Bree et du Bois de Chet et sont situées entre les Marais des Eaux-des-Mou­che­rons et l’ancienne fron­tière sépa­rant l’Arthedain du Car­do­lan sau­vage immé­dia­te­ment au Sud. Étant donnés l’agitation si proche et le trafic fré­quem­ment louche qui est la norme le long des routes et dans les auberges du Pays de Bree, le carac­tère agréable et pai­sible de la région est remar­quable. C’est une sta­bi­lité calme née de la nature de son peuple.

Les Habi­tants de Bree forment un bou­quet varié, un mélange de Hob­bits et d’Hommes, ces der­niers étant com­po­sés des divers Hommes de Dun (Dun­len­dings), Nor­diques et Dúne­dain. Ici, les cultures et les sangs se sont mêlés pour former un mélange unique de citoyens tenaces, adap­tables, fidèles à la loi et tra­vailleurs. Fer­miers et mar­chands, ils repré­sentent une réso­lu­tion ferme dans une région de l’Arthedain tou­jours mena­cée ; ils s’acquittent de la pro­tec­tion du com­merce le long de la vul­né­rable route prin­ci­pale entre For­nost Erain et les villes du Sud et de l’Ouest.

Le pai­sible Pays de Bree doit faire front à quelques pro­blèmes bien sûr, par­ti­cu­liè­re­ment à des lar­cins insi­gni­fiants parmi les voya­geurs et des incur­sions de ban­dits basés dans les proches col­lines du Car­do­lan. Des réfu­giés, dépla­cés par la guerre ou la Grande Peste, passent tou­jours au tra­vers de la région, déran­geant à l’occasion la vie agri­cole. En géné­ral, tou­te­fois, les fer­miers sont rare­ment dis­traits de leurs tâches ; les gar­diens de trou­peaux sur­veillent leurs bêtes sans inquié­tude hors de propos et les mar­chands s’occupent du tra­vail de récol­ter un béné­fice modeste en argent ou en troc. Les Habi­tants de Bree ont fait de leur domaine un coin sûr de l’Arthedain et ils ont évité les ennuis qu’on peut attendre à une fron­tière.

5.4 Les Dunlendings

Les Dun­len­dings ou « Hommes du Pays de Dun », cepen­dant, forment une race hantée par les ravages de la guerre et de l’injustice ; ils ont été, à plu­sieurs reprises, détour­nés de leurs terres d’adoption et forcés d’émigrer à la recherche de nou­velles demeures. Leur his­toire est une his­toire trou­blée.

Il y a long­temps, beau­coup de Dun­len­dings fuyant l’oppression et la conscrip­tion dans leur terre d’origine sont venus du Pays de Dun pour s’installer près de Bree ou s’aventurèrent sur les Hauts-pla­teaux du Car­do­lan et du Rhu­daur. A la base une race de gens hos­tiles aux étran­gers et de tem­pé­ra­ment mal­veillant, ces réfu­giés ne trou­vèrent pas grand-chose à chérir à Bree et res­tèrent un peuple vigou­reux et indompté renommé par un com­por­te­ment étrange et par des méfaits dans les tavernes et les auberges du vil­lage. Basa­nés, avec des che­veux sombres et des lèvres en per­ma­nence pin­cées en un rica­ne­ment mépri­sant, les des­cen­dants des Dun­len­dings sont tou­jours faciles à dis­tin­guer des bandes de Nor­diques qui se sont ins­tal­lées en Eria­dor long­temps avant eux.

Des­cen­dants des vigou­reux Hommes des mon­tagnes natifs des val­lées des Mon­tagnes Blanches, beau­coup de Dun­len­dings se sont dépla­cés vers le Nord au cours du Deuxième Age, s’installant dans la partie Sud-Ouest des Monts Bru­meux. À l’époque d’Arnor, quelques-uns s’aventurèrent dans les terres inoc­cu­pées aussi loin au Nord que les Landes d’Etten et aussi loin à l’Ouest que les Col­lines d’Evendim. Beau­coup guer­royèrent contre les clans indi­gènes d’Hommes des Col­lines ou de Nor­diques, mais la plu­part arri­vèrent en paix et vécurent confor­ta­ble­ment aux côtés de leurs voi­sins épar­pillés. Ceux parmi les Dun­len­dings qui s’installèrent en Arthe­dain ado­ptèrent le Lan­gage Commun du Wes­tron ; cepen­dant, leur langue natale est tou­jours parlée en Pays de Dun. (Un exemple est « For­goil » signi­fiant « Têtes de Paille », le terme mépri­sant qu’emploient les Dun­len­dings pour dési­gner ces voleurs de terre tant détes­tés, les Rohir­rim).

5.5 Les Hommes des Rivières des Eaux Septentrionales

Au sujet des Hommes des Rivières du Nord on en sait plus. Les Hommes des Rivières de l’Arthedain sont une petite partie de la civi­li­sa­tion ori­gi­nelle des Nor­diques d’Eriador regrou­pée le long de la fron­tière sep­ten­trio­nale d’Arnor ; ils sont restés très fidèles à la patrie de leurs ancêtres. Ces cou­ra­geux Nor­diques lou­voient sur les eaux du bassin supé­rieur du Lhûn et naviguent sur toute la lon­gueur de la rivière Bran­de­vin, du Sud du Nenuial en pas­sant par le Pays de Buck jusqu’à Sarn Ford, le der­nier confluent de la Rivière avant qu’elle ne se vide dans la Mer au Sud de Har­lin­don.

Lorsque les enclaves ori­gi­nelles des Nor­diques com­men­cèrent à se rompre il y a long­temps, la plu­part des clans migrèrent vers l’Ouest par-delà les Monts Bru­meux et dans les terres sau­vages de Rho­va­nion, où l’eau était abon­dante et les prai­ries vastes et inin­ter­rom­pues comme la mer. Ces bandes d’hommes furent connus par la suite comme les « Hommes des Bois » de Mirk­wood, bien que quelques-uns se soient ins­tal­lés dans les plaines et sont connus sous le nom de Gramuz, ou Habi­tants des Prai­ries. Des tribus res­tées à l’Est des Monts Bru­meux, la plu­part allèrent à l’aventure au Nord, pour s’établir aux loin­taines fron­tières du Car­do­lan et du Rhu­daur, au-delà du contrôle de la civi­li­sa­tion des Dúne­dain.

Ainsi, les Hommes des Rivières d’Arthedain sont inso­lites, même par rap­port aux cultures dis­tinctes et spé­ci­fiques des Nor­diques, sur­vi­vant un peu par­tout (qui com­prennent les gar­diens de l’ancien Culte de l’Ours, les Béor­nides). Peu nom­breux, les Hommes des Rivières mènent une exis­tence soli­taire — quelques-uns mariés, beau­coup céli­ba­taires — et ne font confiance à per­sonne sauf en leurs sem­blables, n’appréciant que leur com­merce le long des voies d’eau, que l’attrait de l’aventure et qu’une exis­tence noma­dique. Vêtus de four­rure et de culottes et jam­bières en cuir, les Nor­diques, aux che­veux blonds et aux yeux bleus, peuvent être confon­dus avec des Hommes du Haut dégui­sés rus­ti­que­ment si l’on oublie leur Wes­tron bourru, non sco­laire et « imagé » émaillé d’argot des rivières et de malé­dic­tions san­glantes.

Les Hommes des Rivières

À terre, les Hommes des Rivières com­mercent dure­ment et se délectent à rouler les guer­riers et fonc­tion­naires de l’Arthedain et du Gondor, ainsi que les négo­ciants de Bree et ses envi­rons. Comme la plu­part des Nor­diques, ils forment un peuple beau et vigou­reux, bien que géné­ra­le­ment soli­taires, et ils ont pris en charge les frais cours d’eau du Royaume Sep­ten­trio­nal, comme les Hob­bits le feront plus tard avec l’Herbe à Pipe. Seule la Peste récente les décima et rédui­sit le com­merce d’amont en aval de la rivière au niveau de foires hasar­deuses sur les rives. Les souches d’arbre déri­vantes, les bancs de sable, les cou­rants contraires et les grumes flot­tées font partie des dan­gers de la vie des Nor­diques ; les Hommes des Rivières d’Arthedain n’y font pas excep­tion. Avan­çant à une vitesse de 8,4 à 14 kilo­mètres par heure dans des canots en écorce de bou­leau de 4,8 mètres de long pour un ton­nage de 150 kilos, les Hommes des Rivières tra­vaillent par deux ou trois, par­ta­geant leurs pro­fits chaque jour, échan­geant du bois de chauffe contre des four­rures et des peaux au Nord, pour les vendre au Sud, en pagayant et en pous­sant à la gaffe. A l’image des Los­soth, les Hommes des Rivières ont appris ce qu’il fal­lait pour pou­voir sur­vivre dans leur envi­ron­ne­ment ; l’Arthedain, bien qu’embarrassé par eux et leur vert lan­gage, res­pecte leur connais­sance des rivières.

Le long du Lhûn et du Bran­de­vin, les Hommes des Rivières ont bâti ce qui res­semble à des tours sur des sur­plombs escar­pés, ainsi que des dou­zaines d’appentis sur les rives. Bien qu’ils ne soient pas, par nature, sales et bes­tiaux comme les Hommes de Dun du Pays de Dun, les Hommes des Rivières sont un tan­ti­net soup­çon­neux avec les étran­gers et sont capables de dis­pen­ser une jus­tice expé­di­tive, au fil de la lame ; il est donc pré­fé­rable d’être pru­dent lorsqu’on traite avec eux. Ceux qui les trompent ne peuvent se per­mettre de leur tour­ner le dos, ni de dormir sans crainte le long des rives fer­tiles des rivières de l’Arthedain.

Pour­quoi les Hommes des Rivières ne tournent-ils pas leur regard vers les cours d’eau proches des Havres Gris, à l’Ouest ? Pour une simple raison : que pouvez-vous échan­ger à un Elfe qui pos­sède tout ce qu’il désire, sur­tout pas son inti­mité invio­lable. Pour d’autres, Círdan et son peuple des Pre­miers Nés uti­lisent les eaux bai­gnant la Baie du Lhûn pour entraî­ner leurs enfants aux secrets de la navi­ga­tion mari­time et pour véhi­cu­ler de lourds char­ge­ments vers le Sud, en pro­ve­nance des der­niers éta­blis­se­ments des Nains sur la face Est des Mon­tagnes Bleues. Par­ta­ger une rivière avec des Elfes n’est pas à pro­pre­ment parler le style des Hommes des Rivières.

5.6 Les hobbits de la Comté

En regar­dant les Hob­bits de la Comté tels qu’ils se pré­sen­taient en 1640, on était frappé par le fait qu’ils parais­saient insi­gni­fiants et dépla­cés à côté du grand et élé­gant Dúna­dan. Comme les Los­soth, les Hob­bits semblent des­ti­nés à l’obscurité, à n’être rien de plus qu’une char­mante et ana­chro­nique note en bas de page dans l’histoire tumul­tueuse du Troi­sième Age des Terres du Milieu. Ce qu’ils accom­plirent — d’abord en occu­pant la Comté et ensuite en pro­dui­sant des héros clé pour la fin du Troi­sième Age — n’est rien moins qu’étonnant. Quelques-uns pour­raient sug­gé­rer qu’ils reçurent une aide extra­or­di­naire de Gan­dalf le Gris et que sa Magie est, au moins par­tiel­le­ment, res­pon­sable de l’entrée rapide des Hob­bits dans l’arène dra­ma­tique des jeux de pou­voir d’Endor ; mais on peut faire grand cas de la per­sé­vé­rance tenace et fon­da­men­ta­le­ment modeste de ces êtres et de leur simple accep­ta­tion de la main acca­blante de la Des­ti­née sur leurs épaules cour­bées et se haus­sant sou­vent.

L’Origine et la Destinée des Kuduk

A la vérité, per­sonne ne sait com­ment naquirent les Hob­bits. Aucun grand mythe de la créa­tion n’imprègne leur culture, comme c’est le cas pour les cultures Elfes et Humaines. Mais vers 1601, au cours du Troi­sième Age, beau­coup de Hob­bits quit­tèrent leurs demeures le long de l’Anduin pour se ras­sem­bler à Bree, où ils espé­raient être à l’abri de la poigne d’Angmar qui les pre­nait à la gorge. A tra­vers un coup extra­or­di­naire de chance, ils atti­rèrent l’attention du Roi de l’Arthedain Arge­leb II, un vision­naire qui, dans un geste de confiance sans pré­cé­dent, accorda aux frères Pâles, Marcho et Blanco, ainsi qu’à leurs sui­vants, toute la terre com­prise entre la rivière Bran­de­vin jusqu’aux Coteaux Loin­tains à l’Ouest, pour qu’ils s’y ins­tallent et la cultivent à per­pé­tuité. Tout ce qui fut demandé aux Hob­bits — qui à l’époque de la Fon­da­tion n’étaient pas encore habi­tués aux façons et à la langue des Hommes du Haut et durent avoir quelques dif­fi­cul­tés à se faire com­prendre dans le Wes­tron mal­adroit et gros­sier qu’ils par­laient — fut qu’ils recon­naissent et aident les Rois de l’Arthedain, leurs édits et leurs mes­sa­gers, et qu’ils entre­tiennent le Grand Pont. Ces tâches, les Hob­bits, sur­peu­plés et oppri­més à Bree, furent heu­reux de les accep­ter. Ainsi com­mença l’une des alliances les plus plai­santes et, comme il se le révéla par la suite, les plus impor­tantes avec un peuple modeste et amou­reux de la paix des Terres du Milieu.

Mais les années de gloire et de triomphe sont loin der­rière, per­dues dans les brumes et nuées sou­le­vés par la menace cou­vant à l’Est et le brouillard glacé des­cen­dant depuis Angmar loin au Nord. Comme tou­jours, les Hob­bits semblent être ridi­cu­le­ment petits — de 60 cen­ti­mètres à 1,20 mètre de haut -, un peuple de culti­va­teurs, aimant le confort et par-dessus tout aimant la nour­ri­ture, la bois­son, l’amitié et les bavar­dages. Loin de l’étoffe des héros. Et à la dif­fé­rence des agents d’Angmar, les Hob­bits, dans l’ensemble, n’ont pas confiance et n’aiment pas les machines et se méfient du pro­grès.

Le voyage en Eriador

Conduits par les Pâles plus grands et plus aven­tu­reux, les Hob­bits nom­mèrent et décla­rèrent leur la Comté en 1601, l’année connue de tous les Hob­bits let­trés en tant que l’an 1 D.C., la Pre­mière Année de la Data­tion de la Comté. Des Hob­bits de tous genres par­tirent de Bree pour trou­ver la Comté non loin. Les Pieds-Velus, les plus petits mais les plus nom­breux, furent les pre­miers à tra­ver­ser les Monts Bru­meux vers l’Eriador, aux envi­rons de 3A 1050. De car­na­tion foncée et excé­dant rare­ment 90 cm de haut, ils aiment les Nains et la terre val­lon­née et fer­tile. Cou­sins plus clairs des Pieds-Velus, les aven­tu­reux Pâles, plus minces et plus grands, les sui­virent par-delà les Mon­tagnes un siècle plus tard, et ils chas­sèrent dans les forêts du Rhu­daur orien­tal, dans ou auprès du pays Elfe autour de Riven­dell, avant de prendre la route de la Comté. Enfin, les Forts, les plus Humains des Hob­bits, furent les pre­miers à fran­chir le pas des Monts Bru­meux, aux envi­rons de 1300. Rudes indi­vi­dua­listes, les Forts portent des bottes par-dessus leurs pieds velus et laissent pous­ser leur barbe. Avant de rejoindre la fron­tière au-delà du Pont des Arcs-de-Pierre et dans le Royaume d’Arthedain au Sud, les Forts pêchèrent et navi­guèrent sur les rivières de l’Eriador orien­tal.

La fondation de la Comté

Au début la Comté fut un gâchis. Avec les seuls Marcho et Blanco comme chefs recon­nus (et leur tribu des Pâles la plus réduite par le nombre), une espèce par­ti­cu­lière de chaos très Hobbit régna jusqu’à ce que chacun ait trouvé et accu­mulé leurs reven­di­ca­tions sur les riches terres ver­doyantes s’étendant aux pieds mas­sifs des Col­lines aux Tours de l’Arthedain extrême occi­den­tal. Les argu­ties et les batailles à propos des fron­tières ces­sèrent, et bien qu’aucun Hobbit n’ait été sérieu­se­ment lésé, les res­sen­ti­ments per­sis­tèrent et enflèrent, car les Hob­bits ne sont rien si ce n’est des enra­ci­nés et des amou­reux, à l’esprit de clo­cher, de la terre — de leur terre.

On ne peut pas nier que cer­tains s’en sor­tirent mieux que d’autres. Le clan Took, par exemple, pris le Pays de la Col­line Verte au Sud de la Grande Route de l’Est et s’y ins­talla en se construi­sant à partir de lui un empire et une image de marque d’aristocrates ter­riens, les pre­miers parmi les Hob­bits. La plu­part se satis­firent d’un lopin de bonne terre, du ver­sant d’une col­line dans lequel construire et déco­rer leurs trous (H. « smials ») ou d’ériger leurs fermes à un étage et de la pro­messe d’un bon climat.

Les smials des Pied-Velus par­sèment les col­lines ondu­lantes, tandis que la plu­part des Forts pré­fèrent de simples chau­mières en pierre et en bois construites sur les coteaux val­lon­nés des col­lines. Tou­te­fois, ceux des Forts qui vivaient le long du cours infé­rieur du Bran­de­vin au Sud du Pont construi­sirent immé­dia­te­ment des radeaux et des bateaux pour servir à leur com­merce et pour faire de l’argent en trans­por­tant des pas­sa­gers et des biens sur la rivière. Heu­reu­se­ment pour eux, les Hommes des Rivières ne voyagent que rare­ment aussi loin au Sud vers la Comté, sinon des conflits seraient nés. Plus tard, après avoir fait beau­coup de profit de cette manière, les Forts s’arrêtèrent pour se repo­ser, en dan­sant la Ronde du Cheval, racon­tant des his­toires et réci­tant des poèmes simples exal­tant les bien­faits de la bonne nour­ri­ture et de la bonne bois­son.

Lors de la Fon­da­tion de la Comté, des meu­niers, des for­ge­rons, des char­rons et des char­pen­tiers s’installèrent pour tra­vailler à la construc­tion et à la mise en forme de la société. Les mou­lins à vent agi­tèrent l’air, leur roues broyant le grain en farine ; des ponts voûtés en pierre furent construit au-dessus de chaque cours d’eau. Des smials par­ti­cu­liers, les mai­sons dans-les-col­lines avec des portes et des fenêtres rondes aimées des Hob­bits, appa­rurent sou­dain à la sur­face du sol comme des cham­pi­gnons après une période d’humidité, beau­coup d’entre eux « pous­sant » le long des berges du Bran­de­vin, où l’herbe est verte et le sol est noir. Des fenêtres rondes, des portes rondes : pour le Hobbit, une maison bien ronde indique une vie ron­de­ment réglée !

Un étrange visiteur

Bien­tôt après l’établissement de la Comté, un étrange visi­teur appa­rut, un grand homme hâve dans une longue cape grise. Il por­tait un bâton dont cer­tains dirent qu’il brillait d’une lueur à son extré­mité et il pou­vait imiter la voix de n’importe qui avec pré­ci­sion mys­té­rieuse. Avec ses feux d’artifices, il fut reconnu comme maître en amu­se­ments. Mais la pre­mière fois qu’il fût vu dans la Comté, Gan­dalf observa plutôt les construc­tions et les plan­ta­tions gran­dis­sant autour de lui, sou­riant inté­rieu­re­ment, et il s’en alla. Bien plus tard, il revien­dra pour lancer un défi à ces Hob­bits assez cou­ra­geux pour l’accepter et affron­ter le Sei­gneur Téné­breux lui-même. Mais cela se pas­sera bien plus tard.

Les messagers du Roi

Ainsi la Comté en 1640 est la ver­sion pai­sible des Hob­bits d’une ville fron­ta­lière –non éta­blie, com­men­çant juste à être orga­ni­sée mais pro­met­tant un avenir solide et signi­fi­ca­tif. Sans nul doute, le point culmi­nant de chaque jour est la nou­velle que le Mes­sa­ger Royal est arrivé et apporte des nou­velles du Roi à For­nost. Une foule se ras­semble le long de la route pour saisir une vision fugi­tive du beau géant du Nord, pour saisir des bribes d’information sur la menace d’une inva­sion, sur la pré­vi­sion des Pro­phètes de For­nost pour une bonne saison pour les cultures et un bon climat et sur quelques can­cans que ce soit à propos de la famille royale que le cour­rier puisse lais­ser entendre. Une fois que le cava­lier s’élance hors de la ville dans un nuage de pous­sière, les Hob­bits retournent à leurs tâches, exa­gé­rant les his­toires qu’ils ont enten­dues et, plus tard, amusent leurs femmes et leurs enfants à la maison avec les grands contes des grands hommes qui leur ont donné leur nou­velle demeure, la Comté de l’Arthedain.

5.7 Les langages en Arthedain

Entre eux, les gens de l’Arthedain parlent l’Adûnaic, un mélange élé­gant et sophis­ti­qué de l’ancestrale langue Humaine Sep­ten­trio­nale des Edain et l’Elfique miel­leux parlé par les Eldar. Petit à petit, avec les venues par mer de plus en plus fré­quentes des Númé­no­réens sur les côtes des Terres du Milieu et leur com­merce avec les Hommes « infé­rieurs » une langue d’affaires naquit, mélange mal­com­mode et en per­pé­tuelle évo­lu­tion d’Adûnaic, de Rho­va­nion, d’Eriadoran et des langues Humaines Méri­dio­nales des natifs. Aves les siècles, cette langue devint le Wes­tron, le Lan­gage Commun des Hommes.

Quelques cultures — les com­bat­tifs Dun­len­dings et les secrets Nains, par exemple — conservent tou­jours leurs propres termes pour les noms de per­sonnes, de lieux et d’objets d’une valeur par­ti­cu­lière à leurs yeux. L’Arthedain emploie des mots Sin­da­rin (Elfes Gris) dans ces cas et le Quenya, la langue des grands Elfes, dans leurs prières. Mais, la plu­part du temps, une sorte de Wes­tron, même rus­tique ou dégra­dée, est parlée vir­tuel­le­ment dans toute partie civi­li­sée de l’Endor occi­den­tal.


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